general data protection regulation Ce site Web utilise des cookies
Pour assurer une meilleure expérience à ses utilisateurs, réaliser des statistiques de visites, offrir des fonctionnalités relatives aux médias sociaux, proposer des publicités ciblées.


Version pour personnes mal-voyantes ou non-voyantes
application sur Googleplay
Menu
Vous pouvez nous soutenir là : 👉 https://fr.tipeee.com/audiocite - Merci ❤❤❤

Illustration: Mme de la Carlière - Denis Diderot

Mme de la Carlière

(Version Intégrale)

Enregistrement : Audiocite.net
Publication : 2012-03-16

Lu par Alain Bernard
Livre audio de 50min
Fichier mp3 de 45,1 Mo

3512 - Téléchargements - Dernier décompte le 17.04.24




Télécharger
(clic droit "enregistrer sous")
Lien Torrent
Peer to peer
Signaler
une erreur



Image: http://srv225.hosteur.com/musee/conde02/rechcroisee.xsp?f=Ensemble&v=&f=SujetTheme_field&v=Livre&e=









Madame de la Carlière 

 

 

Rentrons-nous ? - C'est de bonne heure. - Voyez-vous ces nuées ? - Ne 

craignez rien ; elles disparaîtront d'elles-mêmes, et sans le secours de la 

moindre haleine de vent. - Vous croyez ? - J'en ai souvent fait l'observation 

en été, dans les temps chauds. La partie basse de l'atmosphère, que la pluie 

a dégagée de son humidité, va reprendre une portion de la vapeur épaisse 

qui forme le voile obscur qui vous dérobe le ciel. La masse de cette vapeur 

se distribuera à peu près également dans toute la masse de l'air ; et, par 

cette exacte distribution ou combinaison, comme il vous plaira de dire, 

l'atmosphère deviendra transparente et lucide. C'est une opération de nos 

laboratoires, qui s'exécute en grand au-dessus de nos têtes. Dans quelques 

heures, des points azurés commenceront à percer à travers les nuages 

raréfiés ; les nuages se raréfieront de plus en plus. Les points azurés se 

multiplieront et s'étendront ; bientôt vous ne saurez ce que sera devenu le 

crêpe noir qui vous effrayait, et vous serez surpris et récréé de la limpidité 

de l'air, de la pureté du ciel, et de la beauté du jour. - Mais cela est vrai, car 

tandis que vous parliez, je regardais, et le phénomène semblait s'exécuter à 

vos ordres. - Ce phénomène n'est qu'une espèce de dissolution de l'eau par 

l'air. - Comme la vapeur, qui ternit la surface extérieure d'un verre que l'on 

remplit d'eau glacée n'est qu'une espèce de précipitation. - Et ces énormes 

ballons qui nagent ou restent suspendus dans l'atmosphère ne sont qu'une 

surabondance d'eau que l'air saturé ne peut dissoudre. - Ils demeurent là 

comme des morceaux de sucre au fond d'une tasse de café qui n'en saurait 

plus prendre. - Fort bien. - Et vous me promettez donc à notre retour... Une 

voûte aussi étoilée que vous l'ayez jamais vue. 

 

-Puisque nous continuons notre promenade, pourriez-vous me dire, vous 

qui connaissez tous ceux qui fréquentent ici, quel est ce personnage long, 

sec et mélancolique, qui s'est assis, qui n'a pas dit un mot, et qu'on a laissé 

seul dans le salon, lorsque le reste de la compagnie s'est dispersée ? - C'est 

un homme dont je respecte vraiment la douleur. - Et vous le nommez ? Le 

chevalier Desroches. - Ce Desroches qui, devenu possesseur d'une 

 

 

fortune immense à la mort d'un père avare, s'est fait un nom par sa 

dissipation, ses galanteries, et la diversité de ses états ? - Lui-même - Ce 

fou qui a subi toutes sortes de métamorphoses, et qu'on a vu 

successivement en petit collet, en robe de palais et en uniforme ? - Oui, ce 

fou. - Qu'il est changé ! - Sa vie est un tissu d'événements singuliers. C'est 

une des plus malheureuses victimes des caprices du sort et des jugements 

inconsidérés des hommes. Lorsqu'il quitta l'Église pour la magistrature, sa 

famille jeta les hauts cris ; et tout le sot public, qui ne manque jamais de 

prendre le parti des pères contre les enfants, se mit à clabauder à l'unisson. 

 

-Ce fut bien un autre vacarme, lorsqu'il se retira du tribunal pour entrer au 

service. - Cependant que fit-il ? un trait de vigueur dont nous nous 

glorifierions l'un et l'autre, et qui le qualifia la plus mauvaise tête qu'il y 

eût ; et puis vous êtes étonné que l'effréné bavardage de ces gens-là 

m'importune, m'impatiente, me blesse ! - Ma foi, je vous avoue que j'ai 

jugé Desroches comme tout le monde. - Et c'est ainsi que de bouche en 

bouche, échos ridicules les unes des autres, un galant homme est traduit 

pour un plat homme, un homme d'esprit pour un sot, un homme honnête 

pour un coquin, un homme de courage pour un insensé, et réciproquement. 

Non, ces impertinents jaseurs ne valent pas la peine que l'on compte leur 

approbation, leur improbation pour quelque chose dans la conduite de sa 

vie. Écoutez, morbleu ! et mourez de honte. Desroches entre conseiller au 

Parlement très jeune ; des circonstances favorables le conduisent 

rapidement à la Grand'Chambre ; il est de Tournelle à son tour et l'un des 

rapporteurs dans une affaire criminelle. D'après ses conclusions, le 

malfaiteur est condamné au dernier supplice. Le jour de l'exécution, il est 

d'usage que ceux qui ont décidé la sentence du tribunal se rendent à l'Hôtel 

de Ville, afin d'y recevoir les dernières dispositions du malheureux, s'il en 

a quelques-unes à faire, comme il arriva cette fois-là. C'était en hiver. 

Desroches et son collègue étaient assis devant le feu lorsqu'on leur 

annonça l'arrivée du patient. Cet homme que la torture avait disloqué était 

étendu et porté sur un matelas. En entrant, il se relève, il tourne ses regards 

vers le ciel, il s'écrie : Grand Dieu ! tes jugements sont justes... Le voilà sur 

son matelas aux pieds de Desroches. Est-ce vous, Monsieur, qui m'avez 

condamné ? lui dit-il en l'apostrophant d'une voix forte. Je suis coupable du 

crime dont on m'accuse, oui, je le suis, je le confesse ; mais vous n'en 

 

 

savez rien... Puis, reprenant toute la procédure, il démontra clair comme le 

jour qu'il n'y avait ni solidité dans les preuves, ni justice dans la sentence. 

Desroches, saisi d'un tremblement universel, se lève, déchire sur lui sa robe 

magistrale et renonce pour jamais à la périlleuse fonction de prononcer sur 

la vie des hommes. Et voilà ce qu'ils appellent un fou ! Un homme qui se 

connaît et qui craint d'avilir l'habit ecclésiastique par de mauvaises moeurs, 

ou de se trouver un jour souillé du sang de l'innocent. 

 

-C'est qu'on ignore ces choses-là. - C'est qu'il faut se taire, quand on 

ignore. - Mais pour se taire, il faut se méfier. - Et quel inconvénient à se 

méfier ? - De refuser de la croyance à vingt personnes qu'on estime, en 

faveur d'un homme qu'on ne connaît pas. - Hé ! Monsieur, je ne vous 

demande pas tant de garants quand il s'agira d'assurer le bien ; mais le 

mal !... Laissons cela, vous m'écartez de mon récit et me donnez de 

l'humeur... Cependant il fallait être quelque chose. Il acheta une 

compagnie. - C'est-à-dire qu'il laissa le métier de condamner ses 

semblables pour celui de les tuer sans aucune forme de procès. - Je 

n'entends pas comment on plaisante en pareil cas. - Que voulez-vous ! 

vous êtes triste et je suis gai. - C'est la suite de son histoire qu'il faut savoir, 

pour apprécier la valeur du caquet public. - Je la saurais, si vous vouliez. Cela 

sera long. - Tant mieux. - Desroches fait la campagne de 1745 et se 

montre bien. Échappé aux dangers de la guerre, à deux cent mille coups de 

fusil, il vient se faire casser la jambe par un cheval ombrageux à douze ou 

quinze lieues d'une maison de campagne, où il s'était proposé de passer son 

quartier d'hiver ; et Dieu sait comment cet accident fut arrangé par nos 

agréables. - C'est qu'il y a certains personnages dont on s'est fait une 

habitude de rire et qu'on ne plaint de rien. - Un homme qui a la jambe 

fracassée, cela est en effet très plaisant ! Eh bien, messieurs les rieurs 

impertinents, riez bien ; mais sachez qu'il eût peut-être mieux valu pour 

Desroches d'avoir été emporté par un boulet de canon ou d'être resté sur le 

champ de bataille, le ventre crevé d'un coup de baïonnette. Cet accident lui 

arriva dans un méchant petit village, où il n'y avait d'asile supportable que 

le presbytère ou le château. 

On le transporta au château qui appartenait à une jeune veuve appelée 

Mme de La Carlière, la dame du lieu. - Qui n'a pas entendu parler de Mme 

de La Carlière ? Qui n'a pas entendu parler de ses complaisances sans 

 

 

bornes pour un vieux mari jaloux à qui la cupidité de ses parents l'avait 

sacrifiée à l'âge de quatorze ans ? - À cet âge où l'on prend le plus sérieux 

des engagements, parce qu'on mettra du rouge et qu'on aura de belles 

boucles, Mme de La Carlière fut, avec son premier mari, la femme de la 

conduite la plus réservée et la plus honnête. - Je le crois, puisque vous me 

le dites. - Elle reçut et traita le chevalier Desroches avec toutes les 

attentions imaginables. Ses affaires la rappelaient à la ville ; malgré ses 

affaires et les pluies continuelles d'un vilain automne, qui, en gonflant les 

eaux de la Marne qui coule dans son voisinage, l'exposait à ne sortir de 

chez elle qu'en bateau, elle prolongea son séjour à sa terre jusqu'à l'entière 

guérison de Desroches. Le voilà guéri ; le voilà à côté de Mme de La 

Carlière dans une même voiture qui les ramène à Paris, et le chevalier, lié 

de reconnaissance et attaché d'un sentiment plus doux à sa jeune, riche et 

belle hospitalière. - Il est vrai que c'était une créature céleste ; elle ne parut 

jamais au spectacle sans faire sensation. - Et c'est là que vous l'avez vue ?... 

 

-Il est vrai. - Pendant la durée d'une intimité de plusieurs années, 

l'amoureux chevalier, qui n'était pas indifférent à Mme de La Carlière, lui 

avait proposé plusieurs fois de l'épouser ; mais la mémoire récente des 

peines qu'elle avait endurées sous la tyrannie d'un premier époux, et plus 

encore cette réputation de légèreté que le chevalier s'était faite par une 

multitude d'aventures galantes, effrayaient Mme de La Carlière, qui ne 

croyait pas à la conversion des hommes de ce caractère. 

Elle était alors en procès avec les héritiers de son mari. - N'y eut-il pas 

encore des propos à l'occasion de ce procès-là ? - Beaucoup et de toutes les 

couleurs. Je vous laisse à penser si Desroches, qui avait conservé nombre 

d'amis dans la magistrature, s'endormit sur les intérêts de Mme de La 

Carlière. - Et si nous l'en supposions reconnaissante ? - Il était sans cesse à 

la porte des juges. - Le plaisant, c'est que, parfaitement guéri de sa fracture, 

il ne les visitait jamais sans un brodequin à la jambe : il prétendait que ses 

sollicitations appuyées de son brodequin en devenaient plus touchantes. II 

est vrai qu'il le plaçait tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, et qu'on en faisait 

quelquefois la remarque. - Et que pour le distinguer d'un parent du même 

nom, on l'appela Desroches le Brodequin. Cependant, à l'aide du bon droit 

et du brodequin pathétique du chevalier, Mme de La Carlière gagna son 

procès. - Et devint Mme Desroches en titre. - Comme vous y allez ! Vous 

 

 

n'aimez pas les détails communs, et je vous en fais grâce. Ils étaient 

d'accord, ils touchaient au moment de leur union, lorsque Mme de La 

Carlière, après un repas d'apparat, au milieu d'un cercle nombreux, 

composé des deux familles et d'un certain nombre d'amis, prenant un 

maintien auguste et un ton solennel, s'adressa au chevalier, et lui dit : « 

Monsieur Desroches, écoutez-moi. Aujourd'hui nous sommes libres l'un et 

l'autre ; demain nous ne le serons plus ; et je vais devenir maîtresse de 

votre bonheur ou de votre malheur ; vous, du mien. J'y ai bien réfléchi. 

Daignez y penser aussi sérieusement. Si vous vous sentez ce même 

penchant à l'inconstance qui vous a dominé jusqu'à présent, si je ne 

suffisais pas à toute l'étendue de vos désirs, ne vous engagez pas, je vous 

en conjure par vous-même et par moi. 

Songez que moins je me crois faite pour être négligée, plus je ressentirais 

vivement une injure. J'ai de la vanité et beaucoup. Je ne sais pas haïr, mais 

personne ne sait mieux mépriser, et je ne reviens point du mépris. Demain, 

au pied des autels, vous jurerez de m'appartenir et de n'appartenir qu'à moi. 

Sondez-vous ; interrogez votre coeur, tandis qu'il en est encore temps ; 

songez qu'il y va de ma vie. Monsieur, on me blesse aisément ; et la 

blessure de mon âme ne cicatrise point ; elle saigne toujours. Je ne me 

plaindrai point, parce que la plainte importune d'abord, finit par aigrir le 

mal, et parce que la pitié est un sentiment qui dégrade celui qui l'inspire. Je 

renfermerai ma douleur et j'en périrai. Chevalier, je vais vous abandonner 

ma personne et mon bien, vous résigner mes volontés et mes fantaisies, 

vous serez tout au monde pour moi, mais il faut que je sois tout au monde 

pour vous ; je ne puis être satisfaite à moins. Je suis, je crois, l'unique pour 

vous dans ce moment, et vous l'êtes certainement pour moi ; mais il est très 

possible que nous rencontrions, vous une femme qui soit plus aimable, moi 

quelqu'un qui me le paraisse. Si la supériorité de mérite, réelle ou 

présumée, justifiait l'inconstance, il n'y aurait plus de moeurs. J'ai des 

moeurs, je veux en avoir, je veux que vous en ayez. C'est par tous les 

sacrifices imaginables, que je prétends vous acquérir sans réserve. Voilà 

mes droits, voilà mes titres, et je n'en rabattrai jamais rien. Je ferai tout 

pour que vous ne soyez pas seulement un inconstant, mais pour qu'au 

jugement des hommes sensés, au jugement de votre propre conscience, 

vous soyez le dernier des ingrats. J'accepte le même reproche, si je ne 

 

 

 

réponds pas à vos soins, à vos égards, à votre tendresse, au delà de vos 

espérances. 

J'ai appris ce dont j'étais capable, à côté d'un époux qui ne me rendait les 

devoirs d'une femme ni faciles ni agréables. 

Vous savez à présent ce que vous avez à attendre de moi. Voyez ce que 

vous avez à craindre de vous. Parlez-moi, chevalier, parlez-moi nettement. 

Ou je deviendrai votre épouse, ou je resterai votre amie : l'alternative n'est 

pas cruelle. Mon ami, mon tendre ami, je vous en conjure, ne m'exposez 

pas à détester, à fuir le père de mes enfants, et peut-être, dans un accès de 

désespoir, à repousser leurs innocentes caresses. Que je puisse, toute ma 

vie, avec un nouveau transport, vous retrouver en eux et me réjouir d'avoir 

été leur mère. Donnez-moi la plus grande marque de confiance qu'une 

femme honnête ait sollicitée d'un galant homme ; refusez-moi, si vous 

croyez que je me mette à un trop haut prix. Loin d'en être offensée, je 

jetterai mes bras autour de votre cou ; et l'amour de celles que vous avez 

captivées et les fadeurs que vous leur avez débitées ne vous auront jamais 

valu un baiser aussi sincère, aussi doux que celui que vous aurez obtenu de 

votre franchise et de ma reconnaissance ! » - Je crois avoir entendu dans le 

temps une parodie bien comique de ce discours. - Et par quelque bonne 

amie de Mme de La Carlière ? - Ma foi, je me la rappelle, vous avez 

deviné. - Et cela ne suffirait pas à rencogner un homme au fond d'une forêt, 

loin de toute cette décente canaille, pour laquelle il n'y a rien de sacré ? 

J'irai, cela finira par là, rien n'est plus sûr, j'irai. L'assemblée, qui avait 

commencé par sourire, finit par verser des larmes. Desroches se précipita 

aux genoux de Mme de La Carlière, se répandit en protestations honnêtes 

et tendres, n'omit rien de ce qui pouvait aggraver ou excuser sa conduite 

passée, compara Mme de La Carlière aux femmes qu'il avait connues et 

délaissées, tira de ce parallèle juste et flatteur des motifs de la rassurer, de 

se rassurer lui-même contre un penchant à la mode, une effervescence de 

jeunesse, le vice des moeurs générales plutôt que le sien ; ne dit rien qu'il 

ne pensât et qu'il ne se promît de faire. 

Mme de La Carlière le regardait, l'écoutait, cherchait à le pénétrer dans ses 

discours, dans ses mouvements, et interprétait tout à son avantage. Pourquoi 

non, s'il était vrai ? - Elle lui avait abandonné une de ses mains, 

qu'il baisait, qu'il pressait contre son coeur, qu'il baisait encore, qu'il 

 

 

mouillait de ses larmes. Tout le monde partageait leur tendresse : toutes les 

femmes sentaient comme Mme de La Carlière, tous les hommes comme le 

chevalier. - C'est l'effet de ce qui est honnête, de ne laisser à une grande 

assemblée qu'une pensée et qu'une âme. Comme on s'estime, comme on 

s'aime tous dans ces moments ! Par exemple, que l'humanité est belle au 

spectacle ! Pourquoi faut-il qu'on se sépare si vite ! Les hommes sont si 

bons et si heureux lorsque l'honnête réunit leurs suffrages, les confond, les 

rend uns ! - Nous jouissions de ce bonheur qui nous assimilait, lorsque 

Mme de La Carlière, transportée d'un mouvement d'âme exaltée, se leva et 

dit à Desroches : « Chevalier, je ne vous crois pas encore, mais tout à 

l'heure je vous croirai... » - La petite comtesse jouait sublimement cet 

enthousiasme de sa belle cousine. - Elle est bien plus faite pour le jouer 

que pour le sentir. « Les serments prononcés au pied des autels... » Vous 

riez ? - Ma foi, je vous en demande pardon, mais je vois encore la petite 

comtesse hissée sur la pointe de ses pieds et j'entends son ton emphatique. 

 

-Allez, vous êtes un scélérat, un corrompu comme tous ces gens-là, et je 

me tais. - Je vous promets de ne plus rire. - Prenez-y garde. - Eh bien, les 

serments prononcés au pied des autels... - « Ont été suivis de tant de 

parjures, que je ne fais aucun compte de la promesse solennelle de demain. 

La présence de Dieu est moins redoutable pour nous que le jugement de 

nos semblables. Monsieur Desroches, approchez. Voilà ma main, 

donnez-moi la vôtre, et jurez-moi une fidélité, une tendresse éternelle ; 

attestez-en les hommes qui nous entourent. Permettez que, s'il arrive que 

vous me donniez quelques sujets légitimes de me plaindre, je vous dénonce 

à ce tribunal et vous livre à son indignation : consentez qu'ils se 

rassemblent à ma voix et qu'ils vous appellent traître, ingrat, perfide, 

homme faux, homme méchant. Ce sont mes amis et les vôtres : consentez 

qu'au moment où je vous perdrais, il ne vous en reste aucun. Vous, mes 

amis, jurez-moi de le laisser seul... » À l'instant le salon retentit des cris 

mêlés : Je promets, je permets, je consens, nous le jurons... et au milieu de 

ce tumulte délicieux, le chevalier qui avait jeté ses bras autour de Mme de 

La Carlière, la baisait sur le front, sur les yeux, sur les joues. - Mais, 

chevalier !... - Mais, madame, la cérémonie est faite ; je suis votre époux, 

vous êtes ma femme. - Au fond des bois, assurément ; ici il manque une 

petite formalité d'usage. En attendant mieux, tenez, voilà mon portrait, 

 

 

faites-en ce qu'il vous plaira. N'avez-vous pas ordonné le vôtre ? si vous 

l'avez, donnez-le-moi. - Desroches présenta son portrait à Mme de La 

Carlière qui le mit à son bras et qui se fit appeler, le reste de la journée, 

Mme Desroches. - Je suis bien pressé de savoir ce que cela deviendra. - Un 

moment de patience ; je vous ai promis d'être long, et il faut que je tienne 

parole. Mais... il est vrai : c'était dans le temps de votre grande tournée et 

vous étiez alors absent du royaume. 

 

Deux ans, deux ans entiers, Desroches et sa femme furent les époux les 

plus unis, les plus heureux. On crut Desroches vraiment corrigé et il l'était 

en effet. Ses amis de libertinage, qui avaient entendu parler de la scène 

précédente et qui en avaient plaisanté, disaient que c'était réellement le 

prêtre qui portait malheur et que Mme de La Carlière avait découvert, au 

bout de deux mille ans, le secret d'esquiver la malédiction du sacrement. 

Desroches eut un enfant de Mme de La Carlière, que j'appellerai Mme 

Desroches, jusqu'à ce qu'il me convienne d'en user autrement ; elle voulut 

absolument le nourrir. Ce fut un long et périlleux intervalle pour un jeune 

homme d'un tempérament ardent, et peu fait à cette espèce de régime. 

Tandis que Mme Desroches était à ses fonctions... - Son mari se répandait 

dans la société, et il eut le malheur de trouver un jour sur son chemin une 

de ces femmes séduisantes, artificieuses, secrètement irritées de voir 

ailleurs une concorde qu'elles ont exclue de chez elles, et dont il semble 

que l'étude et la consolation soient de plonger les autres dans la misère 

qu'elles éprouvent. - C'est votre histoire, mais ce n'est pas la sienne. 

Desroches, qui se connaissait, qui connaissait sa femme, qui la respectait, 

qui la redoutait... - C'est presque la même chose... - Passait ses journées à 

côté d'elle. Son enfant, dont il était fou, était presque aussi souvent entre 

ses bras qu'entre ceux de la mère, dont il s'occupait, avec quelques amis 

communs, à soulager la tâche honnête, mais pénible, par la variété des 

amusements domestiques. - Cela est fort beau. - Certainement. Un de ses 

amis s'était engagé dans les opérations du gouvernement. Le ministère lui 

redevait une somme considérable, qui faisait presque toute sa fortune, et 

dont il sollicitait inutilement la rentrée. 

Il s'en ouvrit à Desroches. Celui-ci se rappela qu'il avait été autrefois fort 

bien avec une femme assez puissante par ses liaisons pour finir cette 

 

 

 

affaire. Il se tut, mais dès le lendemain il vit cette femme et lui parla. On 

fut enchanté de retrouver et de servir un galant homme qu'on avait 

tendrement aimé et sacrifié à des vues ambitieuses. Cette première 

entrevue fut suivie de plusieurs autres. Cette femme était charmante ; elle 

avait des torts, et la manière dont elle s'en expliquait n'était point 

équivoque. Desroches fut quelque temps incertain de ce qu'il ferait. - Ma 

foi, je ne sais pas pourquoi. - Mais moitié goût, désoeuvrement ou 

faiblesse, moitié crainte qu'un misérable scrupule... - Sur un amusement 

assez indifférent à sa femme. - Ne ralentît la vivacité de la protectrice de 

son ami et n'arrêtât le succès de sa négociation, il oublia un moment Mme 

Desroches et s'engagea dans une intrigue que sa complice avait le plus 

grand intérêt de tenir secrète, et dans une correspondance nécessaire et 

suivie. On se voyait peu, mais on s'écrivait souvent. J'ai dit cent fois aux 

amants : N'écrivez point, les lettres vous perdront : tôt ou tard le hasard en 

détournera une de son adresse. Le hasard combine tous les cas possibles, et 

il ne lui faut que du temps pour amener la chance fatale. - Aucuns ne vous 

ont cru ? - Et tous se sont perdus, et Desroches, comme cent mille qui l'ont 

précédé, et cent mille qui le suivront. Celui-ci gardait les siennes dans un 

de ces petits coffrets cerclés en dessus et par les côtés de lames d'acier. À 

la ville, à la campagne, le coffret était sous la clef d'un secrétaire. En 

voyage, il était déposé dans une des malles de Desroches, sur le devant de 

la voiture. Cette fois-ci il était sur le devant. 

Ils partent, ils arrivent. En mettant pied à terre, Desroches donne à un 

domestique le coffret à porter dans son appartement où l'on n'arrivait qu'en 

traversant celui de sa femme. Là, l'anneau casse, le coffret tombe, le dessus 

se sépare du reste, et voilà une multitude de lettres éparses aux pieds de 

Mme Desroches. Elle en ramasse quelques-unes et se convainc de la 

perfidie de son époux. Elle ne se rappela jamais cet instant sans frisson. 

Elle me disait qu'une sueur froide s'était échappée de toutes les parties de 

son corps, et qu'il lui avait semblé qu'une griffe de fer lui serrait le coeur et 

tiraillait ses entrailles. Que va-t-elle devenir ? Que fera-t-elle ? Elle se 

recueillit, elle rappela ce qui lui restait de raison et de force : entre ces 

lettres, elle fit choix de quelques-unes des plus significatives ; elle rajusta 

le fond du coffret, et ordonna au domestique de le placer dans 

l'appartement de son maître, sans parler de ce qui venait d'arriver, sous 

 

 

peine d'être chassé sur-le-champ. Elle avait promis à Desroches qu'il 

n'entendrait jamais une plainte de sa bouche ; elle tint parole. Cependant la 

tristesse s'empara d'elle ; elle pleurait quelquefois ; elle voulait être seule, 

chez elle ou à la promenade ; elle se faisait servir dans son appartement ; 

elle gardait un silence continu ; il ne lui échappait que quelques soupirs 

involontaires. L'affligé mais tranquille Desroches traitait cet état de 

vapeurs, quoique les femmes qui nourrissent n'y soient pas sujettes. En très 

peu de temps la santé de sa femme s'affaiblit, au point qu'il fallut quitter la 

campagne et s'en revenir à la ville. Elle obtint de son mari de faire la route 

dans une voiture séparée. De retour, ici, elle mit dans ses procédés tant de 

réserve et d'adresse, que Desroches, qui ne s'était point aperçu de la 

soustraction des lettres, ne vit dans les légers dédains de sa femme, son 

indifférence, ses soupirs échappés, ses larmes retenues, son goût pour la 

solitude, que les symptômes accoutumés de l'indisposition qu'il lui croyait. 

Quelquefois il lui conseillait d'interrompre la nourriture de son enfant ; 

c'était précisément le seul moyen d'éloigner, tant qu'il lui plairait, un 

éclaircissement entre elle et son mari. Desroches continuait donc de vivre à 

côté de sa femme, dans la plus entière sécurité sur le mystère de sa 

conduite, lorsqu'un matin elle lui apparut grande, noble, digne, vêtue du 

même habit et parée des mêmes ajustements qu'elle avait portés dans la 

cérémonie domestique de la veille de son mariage. Ce qu'elle avait perdu 

de fraîcheur et d'embonpoint, ce que la peine secrète dont elle était 

consumée lui avait ôté de charmes, était réparé avec avantage par la 

noblesse de son maintien. Desroches écrivait à son amie lorsque sa femme 

entra. Le trouble les saisit l'un et l'autre ; mais, tous les deux également 

habiles et intéressés à dissimuler, ce trouble ne fit que passer. Ô ma 

femme ! s'écria Desroches en la voyant et en chiffonnant, comme de 

distraction, le papier qu'il avait écrit, que vous êtes belle ! Quels sont donc 

vos projets du jour ? -Mon projet, monsieur, est de rassembler les deux 

familles. Nos amis, nos parents sont invités, et je compte sur vous. Certainement. 

À quelle heure me désirez-vous ? - À quelle heure je vous 

désire ? mais... à l'heure accoutumée. - Vous avez un éventail et des gants, 

est-ce que vous sortez ? - Si vous le permettez. - Et pourrait-on savoir où 

vous allez ? - Chez ma mère. - Je vous prie de lui présenter mon respect. Votre 

respect ? - Assurément... Mme Desroches ne rentra qu'à l'heure de se 

 

 

 

mettre à table. Les convives étaient arrivés. On l'attendait. Aussitôt qu'elle 

parut, ce fut la même exclamation que celle de son mari ; les hommes, les 

femmes l'entourèrent en disant tous à la fois : Mais voyez donc qu'elle est 

belle !... 

Les femmes rajustaient quelque chose qui s'était dérangé à la coiffure. Les 

hommes, placés à distance et immobiles d'admiration, répétaient entre 

eux : Non, Dieu ni la Nature n'ont rien fait, n'ont rien pu faire de plus 

imposant, de plus grand, de plus beau, de plus noble, de plus parfait. Mais, 

ma femme, lui disait Desroches, vous ne me paraissez pas sensible à 

l'impression que vous faites sur nous. De grâce, ne souriez pas, un souris, 

accompagné de tant de charmes, nous ravirait à tous le sens commun... 

Mme Desroches répondit d'un léger mouvement d'indignation, détourna la 

tête et porta son mouchoir à ses yeux qui commençaient à s'humecter. Les 

femmes, qui remarquent tout, se demandaient tout bas : Qu'a-t-elle donc ? 

On dirait qu'elle a envie de pleurer... Desroches, qui les devinait, portait la 

main à son front et leur faisait signe que la tête de madame était un peu 

dérangée. - En effet, on m'écrivit au loin qu'il se répandait un bruit sourd 

que la belle Mme Desroches, ci-devant la belle Mme de La Carlière, était 

devenue folle. - On servit. La gaieté se montrait sur tous les visages, 

excepté sur celui de Mme de La Carlière. Desroches la plaisanta 

légèrement sur son air de dignité. Il ne faisait pas assez de cas de sa raison 

ni de celle de ses amis pour craindre le danger d'un de ses souris : Ma 

femme, si tu voulais sourire... Mme de La Carlière affecta de ne pas 

entendre et garda son air grave. Les femmes dirent que toutes les 

physionomies lui allaient si bien qu'on pouvait lui en laisser le choix. Le 

repas est achevé ; on rentre dans le salon ; le cercle est formé. Mme de La 

Carlière... - Vous voulez dire Mme Desroches ? - Non, il ne me plaît plus 

de l'appeler ainsi. Mme de La Carlière sonne ; elle fait signe, on lui apporte 

son enfant. 

Elle le reçoit en tremblant, elle découvre son sein, lui donne à téter et le 

rend à la gouvernante, après l'avoir regardé tristement et mouillé d'une 

larme qui tomba sur le visage de l'enfant. Elle dit, en essuyant cette larme : 

Ce ne sera pas la dernière... Mais ces mots furent prononcés si bas, qu'on 

les entendit à peine. Ce spectacle attendrit tous les assistants et établit dans 

le salon un silence profond. Ce fut alors que Mme de La Carlière se leva 

 

 

 

et, s'adressant à la compagnie, dit ce qui suit ou l'équivalent : « Mes 

parents, mes amis, vous y étiez tous le jour que j'engageai ma foi à M. 

Desroches et qu'il m'engagea la sienne. Les conditions auxquelles je reçus 

sa main et lui donnai la mienne, vous vous les rappelez sans doute. 

Monsieur Desroches, parlez, ai-je été fidèle à mes promesses ?... - Jusqu'au 

scrupule. - Et vous, monsieur, vous m'avez trompée, vous m'avez trahie... Moi, 

madame !... - Vous, monsieur. - Qui sont les malheureux, les 

indignes... - Il n'y a de malheureux ici que moi, et d'indigne que vous... Madame... 

ma femme... - Je ne la suis plus. - Madame !... - Monsieur, 

n'ajoutez pas le mensonge et l'arrogance à la perfidie. Plus vous vous 

défendrez, plus vous serez confus. Épargnez-vous vous-même... » En 

achevant ces mots elle tira les lettres de sa poche, en présenta de côté 

quelques-unes à Desroches, et distribua les autres aux assistants. On les 

prit, mais on ne les lisait pas. « Messieurs, mesdames, disait Mme de La 

Carlière, lisez et jugez-nous. Vous ne sortirez point d'ici sans avoir 

prononcé... » Puis, s'adressant à Desroches : « Vous, monsieur, vous devez 

connaître l'écriture. » On hésita encore ; mais, sur les instances réitérées de 

Mme de La Carlière, on lut. Cependant Desroches, tremblant, immobile, 

s'était appuyé la tête contre une glace, le dos tourné à la compagnie, qu'il 

n'osait regarder. 

Un de ses amis en eut pitié, le prit par la main, et l'entraîna hors du salon. Dans 

les détails qu'on me fit de cette scène, on me disait qu'il avait été bien 

plat et sa femme honnêtement ridicule. - L'absence de Desroches mit à 

l'aise : on convint de sa faute, on approuva le ressentiment de Mme de La 

Carlière, pourvu qu'elle ne le poussât pas trop loin ; on s'attroupa autour 

d'elle, on la pressa, on la supplia, on la conjura ; l'ami qui avait entraîné 

Desroches entrait et sortait, l'instruisant de ce qui se passait. Mme de La 

Carlière resta ferme dans une résolution dont elle ne s'était point encore 

expliquée. Elle ne répondait que le même mot à tout ce qu'on lui 

représentait ; elle disait aux femmes : Mesdames, je ne blâme point votre 

indulgence... aux hommes : Messieurs, cela ne se peut ; la confiance est 

perdue, et il n'y a point de ressource... On ramena le mari ; il était plus 

mort que vif, il tomba plutôt qu'il ne se jeta aux pieds de sa femme, il y 

restait sans parler. Mme de La Carlière lui dit : Monsieur, relevez-vous. Il 

se releva, et elle ajouta : « Vous êtes un mauvais époux ; êtes-vous, 

 

 

 

n'êtes-vous pas un galant homme ? C'est ce que je vais savoir. Je ne puis ni 

vous aimer ni vous estimer, c'est vous déclarer que nous ne sommes pas 

faits pour vivre ensemble. Je vous abandonne ma fortune, je n'en réclame 

qu'une partie suffisante pour ma subsistance étroite et celle de mon enfant. 

Ma mère est prévenue, j'ai un logement préparé chez elle, et vous 

permettrez que je l'aille occuper sur-le-champ. La seule grâce que je 

demande et que je suis en droit d'obtenir, c'est de m'épargner un éclat qui 

ne changerait pas mes desseins, et dont le seul effet serait d'accélérer la 

cruelle sentence que vous avez prononcée contre moi. 

Soufrez que j'emporte mon enfant, et que j'attende à côté de ma mère 

qu'elle me ferme les yeux ou que je ferme les siens. Si vous avez de la 

peine, soyez sûr que ma douleur et le grand âge de ma mère la finiront 

bientôt... » Cependant les pleurs coulaient de tous les yeux ; les femmes lui 

tenaient les mains, les hommes s'étaient prosternés. Mais ce fut lorsque 

Mme de La Carlière s'avança vers la porte, tenant son enfant entre ses bras, 

qu'on entendit des sanglots et des cris. Le mari criait : Ma femme ! ma 

femme ! écoutez-moi. Vous ne savez pas... Les hommes criaient, les 

femmes criaient : Madame Desroches ! Madame !.. Le mari criait : Mes 

amis, la laisserez-vous aller ! Arrêtez-la, arrêtez-la donc ! Qu'elle 

m'entende, que je lui parle... Comme on le pressait de se jeter au-devant 

d'elle : Non, disait-il, je ne saurais, je n'oserais ; moi, porter une main sur 

elle ! la toucher ! je n'en suis pas digne... Mme de La Carlière partit. J'étais 

chez sa mère lorsqu'elle y arriva, brisée des efforts qu'elle s'était faits. 

Trois de ses domestiques l'avaient descendue de sa voiture et la portaient 

par la tête et par les pieds ; suivait la gouvernante, pâle comme la mort, 

avec l'enfant endormi sur son sein. On déposa cette malheureuse femme 

sur un lit de repos, où elle resta longtemps sans mouvement, sous les yeux 

de sa vieille et respectable mère, qui ouvrait la bouche sans crier, qui 

s'agitait autour d'elle, qui voulait secourir sa fille, et qui ne le pouvait. 

Enfin la connaissance lui revint ; et ses premiers mots, en levant les 

paupières, furent : Je ne suis donc pas morte ? C'est une chose bien douce 

que d'être morte. Ma mère, mettez-vous là, à côté de moi, et mourons 

toutes deux. Mais, si nous mourons, qui aura soin de ce pauvre enfant ?... 

Alors elle prit les deux mains sèches et tremblantes de sa mère dans une 

des siennes, elle posa l'autre sur son enfant ; elle se mit à répandre un 

 

 

 

torrent de larmes : elle sanglotait, elle voulait se plaindre ; mais sa plainte 

et ses sanglots étaient interrompus d'un hoquet violent. Lorsqu'elle put 

articuler quelques paroles, elle dit : serait-il possible qu'il souffrît autant 

que moi ! 

 

Cependant on s'occupait à consoler Desroches et à lui persuader que le 

ressentiment d'une faute aussi légère que la sienne ne pourrait durer, mais 

qu'il fallait accorder quelques instants à l'orgueil d'une femme fière, 

sensible et blessée, et que la solennité d'une cérémonie extraordinaire 

engageait presque d'honneur à une démarche violente. C'est un peu notre 

faute, disaient les hommes... Vraiment oui, disaient les femmes, si nous 

eussions vu sa sublime momerie du même oeil que le public et la comtesse, 

rien de ce qui nous désole à présent ne serait arrivé... C'est que les choses 

d'un certain appareil nous en imposent, et que nous nous laissons aller à 

une sotte admiration lorsqu'il n'y aurait qu'à hausser les épaules et rire... 

Vous verrez, vous verrez le beau train que cette dernière scène va faire, et 

comme on nous y tympanisera tous... Entre nous cela prêtait... 

 

De ce jour, Mme de La Carlière reprit son nom de veuve et ne souffrit 

jamais qu'on l'appelât Mme Desroches. Sa porte, longtemps fermée à tout 

le monde, le fut pour toujours à son mari. Il écrivit, on brûla ses lettres sans 

les ouvrir. Mme de La Carlière déclara à ses parents et à ses amis qu'elle 

cesserait de voir le premier qui intercéderait pour lui. Les prêtres s'en 

mêlèrent sans fruit ; pour les grands, elle rejeta leur médiation avec tant de 

hauteur qu'elle en fut bientôt délivrée. 

- Ils dirent sans doute que c'était une impertinente, une prude renforcée. Et 

les autres le répétèrent tous d'après eux. Cependant elle était absorbée 

dans la mélancolie ; sa santé s'était détruite avec une rapidité inconcevable. 

Tant de personnes étaient confidentes de cette séparation inattendue et du 

motif singulier qui l'avait amenée, que ce fut bientôt l'entretien général. 

C'est ici que je vous prie de détourner vos yeux, s'il se peut, de Mme de La 

Carlière pour les fixer sur le public, sur cette foule imbécile qui nous juge, 

qui dispose de notre honneur, qui nous porte aux nues ou qui nous traîne 

dans la fange, et qu'on respecte d'autant plus qu'on a moins d'énergie et de 

vertu. Esclaves du public, vous pourrez être les fils adoptifs du tyran, mais 

 

 

vous ne verrez jamais le quatrième jour des Ides. Il n'y avait qu'un avis sur 

la conduite de Mme de La Carlière, c'était une folle à enfermer... Le bel 

exemple à donner et à suivre !... C'est à séparer les trois quarts des maris de 

leurs femmes... Les trois quarts, dites-vous ? Est-ce qu'il y en a deux sur 

cent qui soient fidèles à la rigueur ?... Mme de La Carlière est très aimable 

sans contredit ; elle avait fait ses conditions, d'accord ; c'est la beauté, la 

vertu, l'honnêteté même ; ajoutez que le chevalier lui doit tout ; mais aussi 

vouloir dans tout un royaume être l'unique à qui son mari s'en tienne 

strictement, la prétention est par trop ridicule... Et puis l'on continuait : Si 

le Desroches en est si féru, que ne s'adresse-t-il aux lois et que ne met-il 

cette femme à la raison ?... Jugez de ce qu'ils auraient dit, si Desroches ou 

son ami avait pu s'expliquer ; mais tout les réduisait au silence. Ces 

derniers propos furent inutilement rebattus aux oreilles du chevalier ; il eût 

tout mis en oeuvre pour recouvrer sa femme, excepté la violence. 

Cependant Mme de La Carlière était une femme vénérée, et du centre de 

ces voix qui la blâmaient il s'en élevait quelques-unes qui hasardaient un 

mot de défense, mais un mot bien timide, bien faible, bien réservé, moins 

de conviction que d'honnêteté. - Dans les circonstances les plus 

équivoques, le parti de l'honnêteté se grossit sans cesse de transfuges. C'est 

bien vu. - Le malheur qui dure réconcilie avec tous les hommes, et la 

perte des charmes d'une belle femme la réconcilie avec toutes les autres. Encore 

mieux. En effet, lorsque la belle Mme de La Carlière ne présenta 

plus que son squelette, le propos de la commisération se mêla à celui du 

blâme : S'éteindre à la fleur de son âge, passer ainsi, et cela par la trahison 

d'un homme qu'elle avait bien averti, qui devait la connaître, et qui n'avait 

qu'un seul moyen d'acquitter tout ce qu'elle avait fait pour lui ; car, entre 

nous, lorsque Desroches l'épousa, c'était un cadet de Bretagne qui n'avait 

que la cape et l'épée... La pauvre Mme de La Carlière ! cela est pourtant 

bien triste... Mais aussi pourquoi ne pas retourner avec lui ?... Ah ! 

pourquoi ? c'est que chacun a son caractère, et qu'il serait peut-être à 

souhaiter que celui-là fût plus commun ; nos seigneurs et maîtres y 

regarderaient à deux fois. 

 

Tandis qu'on s'amusait ainsi pour et contre, en faisant du filet ou en 

brodant une veste, et que la balance penchait insensiblement en faveur de 

 

 

Mme de La Carlière, Desroches était tombé dans un état déplorable d'esprit 

et de corps, mais on ne le voyait pas ; il s'était retiré à la campagne, où il 

attendait dans la douleur et dans l'ennui un sentiment de pitié qu'il avait 

inutilement sollicité par toutes les voies de la soumission. 

De son côté réduite au dernier degré d'appauvrissement et de faiblesse, 

Mme de La Carlière fut obligée de remettre à une mercenaire la nourriture 

de son enfant. L'accident qu'elle redoutait d'un changement de lait arriva ; 

de jour en jour l'enfant dépérit et mourut. Ce fut alors qu'on dit : 

Savez-vous ? cette pauvre Mme de La Carlière a perdu son enfant... Elle 

doit en être inconsolable... Qu'appelez-vous inconsolable ? c'est un chagrin 

qui ne se conçoit pas. Je l'ai vue, cela fait pitié ! on n'y tient pas... Et 

Desroches ?... Ne me parlez pas des hommes, ce sont des tigres. Si cette 

femme lui était un peu chère, est-ce qu'il serait à sa campagne ? est-ce qu'il 

n'aurait pas accouru ? est-ce qu'il ne l'obséderait pas dans les rues, dans les 

églises, à sa porte ? C'est qu'on se fait ouvrir une porte quand on le veut 

bien ; c'est qu'on y reste, qu'on y couche, qu'on y meurt... C'est que 

Desroches n'avait omis aucune de ces choses et qu'on l'ignorait ; car le 

point important n'est pas de savoir, mais de parler. On parlait donc : 

L'enfant est mort ; qui sait si ce n'aurait pas été un monstre comme son 

père ?... La mère se meurt... Et le mari que fait-il pendant ce temps-là ?... 

Belle question ! Le jour, il court la forêt à la suite de ses chiens, et il passe 

la nuit à crapuler avec des espèces comme lui. - Fort bien. - Autre 

événement. Desroches avait obtenu les honneurs de son état. Lorsqu'il 

épousa, Mme de La Carlière avait exigé qu'il quittât le service et qu'il cédât 

son régiment à son frère cadet. - Est-ce que Desroches avait un cadet ? Non, 

mais bien Mme de La Carlière. - Eh bien ? - Eh bien, le jeune homme 

est tué à la première bataille, et voilà qu'on s'écrie de tous côtés : Le 

malheur est entré dans cette maison avec ce Desroches... 

À les entendre, on eût cru que le coup dont le jeune officier avait été tué 

était parti de la main de Desroches. C'était un déchaînement, un 

déraisonnement aussi général qu'inconcevable. À mesure que les peines de 

Mme de La Carlière se succédaient, le caractère de Desroches se 

noircissait, sa trahison s'exagérait, et sans en être ni plus ni moins 

coupable, il en devenait de jour en jour plus odieux. Vous croyez que c'est 

tout ? non, non. La mère de Mme de La Carlière avait ses soixante et seize 

 

 

ans passés. Je conçois que la mort de son petit-fils et le spectacle assidu de 

la douleur de sa fille suffisaient pour abréger ses jours ; mais elle était 

décrépite, mais elle était infirme ; n'importe : on oublia sa vieillesse et ses 

infirmités, et Desroches fut encore responsable de sa mort. Pour le coup on 

trancha le mot, ce fut un misérable dont Mme de La Carlière ne pouvait se 

rapprocher sans fouler aux pieds toute pudeur ; le meurtrier de sa mère, de 

son frère, de son fils ! - Mais d'après cette belle logique si Mme de La 

Carlière fût morte, surtout après une maladie longue et douloureuse qui eût 

permis à l'injustice et à la haine publique de faire tous leurs progrès, ils 

auraient dû le regarder comme l'exécrable assassin de toute une famille. C'est 

ce qui arriva et ce qu'ils firent. - Bon ! - Si vous ne m'en croyez pas, 

adressez-vous à quelques-uns de ceux qui sont ici, et vous verrez comment 

ils s'en expliqueront. S'il est resté seul dans le salon, c'est qu'au moment où 

il s'est présenté chacun lui a tourné le dos. - Pourquoi donc ? On sait qu'un 

homme est un coquin, mais cela n'empêche pas qu'on ne l'accueille. L'affaire 

est un peu récente, et tous ces gens-là sont les parents ou les amis 

de la défunte. 

Mme de La Carlière mourut la seconde fête de la Pentecôte dernière, et 

savez-vous où ? à Saint Eustache, à la messe de la paroisse, au milieu d'un 

peuple nombreux. - Mais quelle folie ! on meurt dans son lit. Qui est-ce qui 

s'est jamais avisé de mourir à l'église ? Cette femme avait projeté d'être 

bizarre jusqu'au bout. - Oui, bizarre, c'est le mot. Elle se trouvait un peu 

mieux ; elle s'était confessée la veille ; elle se croyait assez de force pour 

aller recevoir le sacrement à l'église, au lieu de l'appeler chez elle. On la 

porte dans une chaise. Elle entend l'office sans se plaindre et sans paraître 

souffrir. Le moment de la communion arrive ; ses femmes lui donnent le 

bras et la conduisent à la sainte table ; le prêtre la communie, elle s'incline 

comme pour se recueillir, et elle expire. - Elle expire ! - Oui, elle expire 

bizarrement, comme vous l'avez dit. - Et Dieu sait le tumulte !... - Laissons 

cela, on le conçoit de reste, et venons à la suite. - C'est que cette femme en 

devint cent fois plus intéressante et son mari cent fois plus abominable. Cela 

va sans dire. - Et ce n'est pas tout ? - Non. Le hasard voulut que 

Desroches se trouvât sur le passage de Mme de La Carlière lorsqu'on la 

transférait morte de l'église dans sa maison. - Tout semble conspirer contre 

ce pauvre diable. - Il approche, il reconnaît sa femme, il pousse des cris. 

 

 

 

On demande qui est cet homme. Du milieu de la foule il s'élève une voix 

indiscrète (c'était celle d'un prêtre de la paroisse), qui dit : C'est l'assassin 

de cette femme... Desroches ajoute, en se tordant les bras, en s'arrachant 

les cheveux : Oui, oui, je le suis... À l'instant, on s'attroupe autour de lui, 

on le charge d'imprécations, on ramasse des pierres, et c'était un homme 

assommé sur la place, si quelques honnêtes gens ne l'avaient sauvé de la 

fureur de la populace irritée. 

 

-Et quelle avait été sa conduite pendant la maladie de sa femme ? - Aussi 

bonne qu'elle pouvait l'être. Trompé, comme nous tous, par Mme de La 

Carlière qui dérobait aux autres et qui peut-être se dissimulait à elle-même 

sa fin prochaine... - J'entends, il n'en fut pas moins un barbare, un 

inhumain. - Une bête féroce qui avait enfoncé peu à peu un poignard dans 

le sein d'une femme divine, son épouse et sa bienfaitrice, et qu'il avait 

laissé périr, sans se montrer, sans donner le moindre signe d'intérêt et de 

sensibilité. - Et cela pour n'avoir pas su ce qu'on lui cachait. - Et ce qui 

était ignoré de ceux-mêmes qui vivaient autour d'elle. - Et qui étaient à 

portée de la voir tous les jours. - Précisément, et voilà ce que c'est que le 

jugement public de nos actions particulières. Voilà comme une faute 

légère... - Ô très légère. - S'aggrave à leurs yeux par une suite 

d'événements qu'il était de toute impossibilité de prévoir et d'empêcher. Même 

par des circonstances tout à fait étrangères à la première origine, 

telles que la mort du frère de Mme de La Carlière par la cession du 

régiment de Desroches. - C'est qu'ils sont en bien comme en mal 

alternativement panégyristes ridicules ou censeurs absurdes ; l'événement 

est toujours la mesure de leur éloge et de leur blâme. Mon ami, 

écoutez-les, s'ils ne vous ennuient pas, mais ne les croyez point et ne les 

répétez jamais, sous peine d'appuyer une impertinence de la vôtre. À quoi 

pensez-vous donc ? vous rêvez. - Je change la thèse, en supposant un 

procédé plus ordinaire à Mme de La Carlière. Elle trouve les lettres ; elle 

boude. Au bout de quelques jours l'humeur amène une explication et 

l'oreiller un raccommodement, comme c'est l'usage. Malgré les excuses, les 

protestations et les serments renouvelés, le caractère léger de Desroches le 

rentraîne dans une seconde erreur ; autre bouderie, autre explication, autre 

raccommodement, autres serments, autres parjures, et ainsi de suite 

pendant une trentaine d'années, comme c'est l'usage. 

 

 

Cependant Desroches est un galant homme, qui s'occupe à réparer, par des 

égards multipliés, par une complaisance sans bornes, une assez petite 

injure. - Comme il n'est pas toujours d'usage. - Point de séparation, point 

d'éclat ; ils vivent ensemble comme nous vivons tous ; et la belle-mère, et 

la mère, et le frère, et l'enfant, seraient morts qu'on n'en aurait pas sonné le 

mot. - Ou qu'on n'en aurait parlé que pour plaindre un infortuné poursuivi 

par le sort et accablé de malheurs. - Il est vrai. - D'où je conclus que vous 

n'êtes pas loin d'accorder à cette vilaine bête, à cent mille mauvaises têtes 

et à autant de mauvaises langues, tout le mépris qu'elles méritent. Mais tôt 

ou tard le sens commun lui revient, et le discours de l'avenir rectifie le 

bavardage du présent. - Ainsi vous croyez qu'il y aura un moment où la 

chose sera vue telle qu'elle est, Mme de La Carlière accusée et Desroches 

absous ? - Je ne pense pas même que ce moment soit éloigné. 

Premièrement, parce que les absents ont tort et qu'il n'y a pas d'absent plus 

absent qu'un mort. Secondement, c'est qu'on parle, on dispute, les 

aventures les plus usées reparaissent en conversation et sont pesées avec 

moins de partialité. C'est qu'on verra peut-être encore dix ans ce pauvre 

Desroches, comme vous l'avez vu, traînant de maison en maison sa 

malheureuse existence ; qu'on se rapprochera de lui, qu'on l'interrogera, 

qu'on l'écoutera, qu'il n'aura plus aucune raison de se taire, qu'on saura le 

fond de son histoire, qu'on réduira sa première sottise à rien. - À ce qu'elle 

vaut. - Et que nous sommes assez jeunes tous deux pour entendre traiter la 

belle, la grande, la vertueuse, la digne Mme de La Carlière d'inflexible et 

hautaine bégueule ; car ils se poussent tous les uns les autres, et comme ils 

n'ont point de règles dans leurs jugements, ils n'ont pas plus de mesure 

dans leur expression. 

- Mais si vous aviez une fille à marier, la donneriez-vous à Desroches ? Sans 

délibérer ; parce que le hasard l'avait engagé dans un de ces pas 

glissants dont ni vous, ni moi, ni personne ne peut se promettre de se tirer ; 

parce que l'amitié, l'honnêteté, la bienfaisance, toutes les circonstances 

possibles, avaient préparé sa faute et son excuse ; parce que la conduite 

qu'il a tenue, depuis sa séparation volontaire d'avec sa femme, a été 

irrépréhensible, et que, sans approuver les maris infidèles, je ne prise pas 

autrement les femmes qui mettent tant d'importance à cette rare qualité. Et 

puis j'ai mes idées, peut-être justes, à coup sûr bizarres, sur certaines 

 

 

 

actions, que je regarde moins comme des vices de l'homme que comme des 

conséquences de nos législations absurdes, sources de moeurs aussi 

absurdes qu'elles, et d'une dépravation que j'appellerais volontiers 

artificielle. Cela n'est pas trop clair, mais cela s'éclaircira peut-être une 

autre fois. Et regagnons notre gîte ; j'entends d'ici les cris enroués de deux 

ou trois de nos vieilles brelandières qui vous appellent, sans compter que 

voilà le jour qui tombe et la nuit qui s'avance avec ce nombreux cortège 

d'étoiles que je vous avais promis. - Il est vrai. 

 

Madame de la Carlière 


Source: http://www.inlibro veritas

Cet enregistrement est mis à disposition sous un contrat Art Libre.
Cet enregistrement est mis à disposition sous un contrat Creative Commons BY (attribution) SA (Partage dans les mêmes conditions).

Sites à visiter


le 16ème siecle présenté par Alain Bernard
Disponible sur Google Play

Nouveautés



> Toutes les nouveautés

SOUTENEZ-NOUS


Soutenez nous sur typeee

Les Auteurs les plus lus


Abrantès - Achard - Ackermann - Ahikar- Aicard - Aimard - ALAIN- Alberny - Allais - Andersen - Anonyme- Apollinaire - Arène - Assollant - Aubry - Audebrand - Audoux - Aulnoy - Austen - Aycard - Balzac - Banville - Barbey d aurevilly - Barbusse - Baudelaire - Bazin - Beauvoir - Beecher stowe - Bégonia ´´lili´´ - Bellême - Beltran - Bentzon - Bergerat - Bernard - Bernède - Bernhardt - Berthoud - Bible- Bizet - Blasco ibanez - Bleue- Boccace- Borie - Bourget - Boussenard - Boutet - Bove - Boylesve - Brada- Braddon - Bringer - Brontë - Bruant - Brussolo - Burney - Cabanès - Cabot - Casanova- Cervantes - Césanne - Cézembre - Chancel - Charasse - Chateaubriand - Chevalier à la Rose- Claretie - Claryssandre- Colet - Comtesse de ségur- Conan Doyle - Coppee - Coppée - Corday - Corneille - Courteline - Darrig - Daudet - Daumal - De nerval - De renneville - De staël - De vesly - Decarreau - Del - Delarue mardrus - Delattre - Delly- Delorme - Demercastel - Desbordes Valmore - Dickens - Diderot - Dionne - Dostoïevski - Dourliac - Du boisgobey - Du gouezou vraz - Dumas - Dumas fils - Duruy - Duvernois - Eberhardt - Esquiros - Essarts - Faguet - Fée - Fénice- Féré - Feuillet - Féval - Feydeau - Filiatreault - Flat - Flaubert- Fontaine - Forbin - Alain-Fournier- France - Frapié - Funck Brentano - G@rp- Gaboriau- Gaboriau - Galopin - Gautier - Géode am- Géod´am- Girardin - Gorki - Gréville - Grimm - Guimet - Gyp- Hardy - Hawthorne - Hoffmann - Homère- Houssaye - Huc - Huchon - Hugo - Irving - Jaloux - James - Janin - Kipling - La Fontaine - Lacroix - Lamartine - Larguier - Lavisse et rambaud- Le Braz - Le Rouge - Leblanc - Leconte de Lisle - Lemaître - Leopardi - Leprince de Beaumont - Lermina - Leroux - Les 1001 nuits- Lesclide - Level - Lichtenberger - London - Lorrain - Loti - Louÿs - Lycaon- Lys - Machiavel - Madeleine - Magog - Maizeroy - Malcor - Mallarmé - Malot - Mangeot - Margueritte - Marmier - Martin (qc) - Mason - Maturin - Maupassant - Mérimée - Mervez- Meyronein - Michelet - Miguel de Cervantes- Milosz - Mirbeau - Moinaux - Molière- Montesquieu- Mortier - Moselli - Musset - Naïmi - Nerval - Orain - Orczy - Ourgant - Pacherie - Pavie - Pergaud - Perrault - Poe - Ponson du terrail - Pouchkine - Proust - Pucciano - Pujol - Racine - Radcliffe - Ramuz - Reclus - Renard - Richard - Rilke - Rimbaud - Robert - Rochefort - Ronsard - Rosny aîné - Rosny_aîné - Rostand - Rousseau - Sacher masoch - Sade - Saint victor - Sainte beuve - Sand - Sazie - Scholl - Schwab - Schwob - Scott - Shakespeare - Silion - Silvestre - Steel - Stendhal- Stevenson - Sue - Suétone- T. combe- Tchekhov - Theuriet - Thoreau - Tolstoï (L) - Tourgueniev - Trollope - Twain - Valéry - Vallès - Van offel - Vannereux - Verlaine - Verne - Vidocq - Villiers de l´isle adam- Voltaire- Voragine - Weil - Wells - Wharton - Wilde - Wilkie Collins- Zaccone - Zola Zweig -

--- Liste complète