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ODETTE ET MARION, MéHARISTES AUX SEMELLES DE VENT

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Musique : Nikolai Rimsky-Korsakov interprêté par European Archive

Scheherazade, Op. 35 - I. The Sea and Sinbad's Ship

Scheherazade, Op. 35 - IV. Festival at Baghdad

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Texte ou Biographie de l'auteur

Odette et Marion, méharistes aux semelles de vent, et une petite salade tiède de lentilles à la butternut rôtie C'est un magnifique, un authentique, un émouvant coup de foudre qui emporte, à l'aube des sombres années trente, deux vies et lie à jamais le destin de Marcelle, discrète mais déterminée, et celui d'Odette, fantasque et affranchie. Les amours saphiques, si elles ont été tolérées à la fin du XIXème comme une incongruité d'artistes, sont vouées à une discrétion absolue et frappées d'un déni social puissant. On regarde ailleurs. Sur une page de son agenda, Marcelle dessine, comme une adolescente, un attendrissant coeur transpercé d'une flèche amoureuse quand Odette, de huit ans sa cadette, confie « un courant secret est passé entre nous »... Marcelle Borne Kreutzberger laissera tout derrière elle pour suivre l'extraordinaire Odette du Puigaudeau : une bonne amie, son pays, jusque son nom -elle adoptera désormais le pseudonyme de Marion Sénones-. Elles lèvent l'ancre toute les deux en 1933 sur la Belle Hirondelle qui n'a rien d'un paquebot glamour: il s'agit d'un dundee, armé à Douarnenez pour la pêche langoustière le long des côtes mauritaniennes, et à bord duquel elles prennent place au côté d'un équipage fruste et viril pour une aventure extraordinaire... Un photographie témoigne encore aujourd'hui de cette formidable joie de vivre, de l'enthousiasme rafraîchissant de ce couple d'amies et d'amantes, bérets crânement enfoncés sur leur coupe à la garçonne, vareuses et pantalons de drap enfilés, sabots de bois aux pieds, accoudées sur la barre à roue du pont de bois de la Belle Hirondelle. Les voiles sont encore ferlées mais le départ est proche. Mais comment en sont-elles arrivées là ? « C'est chose belle et émouvante de débarquer dans une île, de découvrir, prisonnier de l'océan, un petit univers né de l'acharnement à vivre, en dépit de toutes les forces adverses, d'un fragment d'humanité amené là par quelque rude et mystérieux hasard. (...) Quelle conquête, quelle leçon que ces petites terres semées autour de la Bretagne ! » Même si elle est plus jeune que Marion, c'est avec Odette du Puigaudeau que tout commence. Cette jeune fille libre naît dans une étonnante famille d'armateurs et d'artistes en 1894 à Saint-Nazaire. Son père est un peintre impressionniste de l'école de Pont-Aven, ami de Gauguin, sa mère portraitiste : c'est dans cet environnement autant bourgeois que bohème implanté au Croisic qu'elle se construit à l'aune d'une éducation libre, qu'elle grandit comme une herbe folle, follement libre. Elle s'affranchit en douceur en 1920 et pose ses valises à Paris, s'inscrit à la Sorbonne au cours d'océanographie, devient dessinatrice au Museum d'Histoire Naturelle puis au Collège de France, ainsi qu'auprès de la couturière Jeanne Lanvin. Très vite lassée des lumières et des artifices parisiens, elle retourne en Bretagne en 1928, obtient un livret maritime -une gageure pour une femme à l'époque-devient matelot embarqué à la pêche à bord de thoniers et de langoustiers, observant la vie à bord, en Atlantique, au large de la Mauritanie, mais aussi la vie insulaire du Ponant -Ouessant, Sein, Molène, etc.-, fort intriguée par le fonctionnement de ces sociétés matriarcales de fait. Elle en rend compte dans la presse parisienne de l'époque, encouragée dans l'écriture par son oncle écrivain, Alphonse de Châteaubriand -descendant de qui vous devinez-. Une famille en or, vous avais-je prévenu. A l'étroit dans son monde de journalisme d'exploration qui a pourtant le vent en poupe, elle élargit en cercles excentriques ses terrains d'aventure et va contribuer à construire deux disciplines en plein essor, l'ethnologie et l'anthropologie. Le prestigieux et misogyne commandant Charcot refuse de l'embarquer pour une expédition au Groenland au prétexte qu'elle est une femme ? Qu'à cela ne tienne, vieux barbon ! Tournant le dos aux glaciers du nord, elle conçoit sa propre expédition en terre africaine et embarque avec l'amour de sa vie à bord de la Belle Hirondelle pour une plongée dans le sable du désert du Sahara Occidental : « « Un million de kilomètres carrés de sable qui s'étendent, d'une seule nappe ondulée de dunes et de vallées étroites, coupée, du nord au sud, par des chaînes de montagnes tabulaires (...) entre les douteux confins marocains et la ligne précise du Sénégal, entre l'Atlantique et les grands déserts soudanais... Pour la connaissance de ces sables, des hommes avaient donné leur force, leur jeunesse, leur science, parfois leur vie. (...) C'était à ces sables que, leur dédiant une année de nos vies, nous allions demander de nous apprendre l'aventure. » (Odette du Puigaudeau, Pieds nus à travers la Mauritanie, 1936) e premier voyage saharien fut une révélation -et sera suivi de nombreux autres-. Il le sera aussi pour les Maures qui parleront ensuite de "l'année des deux dames". À leur retour, les deux femmes ont le souci de livrer à ceux qui ne sont pas partis ce qu'elles ont appris. Documentation précieuse de première main, collectée sur le « terrain », portant témoignage de l'état de cette société nomade encore à peine ébranlée par l'intrusion du monde moderne. Tout en restant fidèle à ses racines bretonnes, Odette du Puigaudeau consacrera dès lors sa vie au Sahara Occidental : vie d'aventure au temps des derniers rezzous, vie scientifique et littéraire tournée tout entière vers le peuple maure, et enfin, toujours avec la fidèle Marion, pour remplir les missions de préhistoire et d'ethnographie dont les ont chargées divers ministères et sociétés savantes : Elles rallient Tombouctou par l'ouest afin de suivre l'Azalaï, l'immense caravane de plusieurs milliers de chameaux qui, une fois l'an, remonte vers le nord à travers la partie la plus aride du Sahara en direction des mines de sel de Taoudeni. Au milieu des convoyeurs et des chefs de tribus d'un pays alors à peine pacifié, le voyage est rude et semé d'embûches qu'elles surmontent avec astuce, en compagnie de leur fidèle cuisinier noir Khouirou. Odette du Puigaudeau écrivit huit livres, illustrés par Marion qui, disait Odette «« dessine comme elle respire », d'innombrables articles et un traité d'ethnologie sur le peuple maure. À travers leurs travaux -écrits, dessins, aquarelles, photographies, ...-, se décline un tableau sensible de la Mauritanie traditionnelle avec ses coutumes. Scènes familiales sous les tentes, tumultes des danses et des tambours lors des fêtes collectives dans les campements, soirées plus intimes dédiées à la musique et à la poésie, activités des tisseuses de tapis, des tisserandes, des forgerons ; gestes du puisatier manoeuvrant son chadouf (balancier de puits), du chamelier maîtrisant sa monture... On retrouve aujourd'hui dans leurs portraits et silhouettes : peuls, Sarakollés, nemadi, pêcheurs imraguen, guerriers arabes, sages marabouts berbères mais aussi coiffures emperlées et nattées, les enroulements des voiles qui encadrent les visages des femmes. Sans aucun doute, et surtout pour Odette, c'est dans son regard de femme porté sur le monde qu'on lit en filigrane son amour et son admiration pour toutes les autres femmes qu'elle aura croisées, dans un chant et contre-champ qui résonne des îles bretonnes au désert mauritanien. «Une maîtresse de chant psalmodiait des strophes qu'elle rythmait sur un tambour ; deux choeurs de femmes alternaient les répons. La voix de la chanteuse était belle et grave ; celles des choristes avaient une indicible et sauvage tristesse. Leurs chants étaient des hymnes pieux, l'histoire des prophètes, de longs récits d'exodes. Autour du choeur agenouillé, d'autres femmes dansaient religieusement, déployant des voiles noirs contre la nuit bleue, lentes, silencieuses comme de grandes chauves-souris. Lorsqu'elles passaient dans le rayon du photophore, la lumière révélait un bras de suppliante dressé vers le ciel, un dos courbé, une nuque accablée entre des tresses alourdies de perles. » Dans Grandeur des Iles, publié en 1944, Odette souligne le rôle essentiel des femmes et célèbre en elles leurs âmes viriles et leurs coeurs sans défaillance : « Agrippées au flanc des roches, penchées sur chaque aspérité, les Ouessantines noires, l'air farouche, attendaient le bateau-courrier. D'autres arrivaient en courant, se cherchaient une place avec des rires et des cris de vertige. Leurs jupes claquaient au vent comme des ailes. On eût dit une bande d'oiseaux marins, attentifs et querelleurs, venus là sécher leurs plumes. Deux fois la semaine, elles guettent ainsi : tout leur vient de l'océan qui souvent reprend le lendemain ce qu'il apporta la veille. Le vent étirait leurs chevelures sombres, les rubans noirs de leurs bonnets, les longues franges de leurs châles. Elles semblaient flottantes au soleil, comme des algues dans un courant. » Après près d'un demi-siècle de vie commune, Marion s'éteignit dans les bras de sa douce à Rabat où elles avaient posé définitivement leurs malles en 1961. Quant à Odette, elle ne rendit son dernier souffle qu'à 96 ans, toujours aux portes d'un désert auquel elle avait consacré sa vie. Une bien belle complicité qui traversa le XXème siècle comme un pied de nez aux conventions et aux scléroses de sociétés humaines qui ne vont pas si bien, au fond, à l'aube du XXIème siècle. On partagera donc, sinon un plat de lentille, du moins une jolie salade de lentilles blondes aux épices douces, aux herbes fraîches, aux tomates confites et à courge. On se damnerait presque pour ce plat de lentilles aux parfums d'orient ; on y laisserait volontiers son droit d'aînesse... Pour 4 méharistes brûlées par le sable du désert : 160g de lentilles (par exemple blondes ou vertes Du Puy) 3 feuilles de laurier 2 branches de thym Quelques feuilles de persil plat 3 carottes 1 oignon Une petite gousse d'ail Quelques quartiers de tomates séchées confites à l'huile d'olive Une cuillère à café de curcuma Une cuillère à café de cumin moulu Poivre du moulin 1 cuillère à soupe de tahini (pâte de sésame qu'on trouve facilement dans les épiceries bio et/ou asiatiques) Un citron bio (zeste et jus) Fleur de sel de Guérande Piment Huile d'olive Une demi-butternut bio Et un petit pot de coulis de persil plat: http://gouezou.canalblog.com/archives/2014/07/11/30232743.html Cuire les lentilles dans une grande casserole d'eau (surtout non salée, cela rallonge le temps de cuisson) avec le thym, les feuilles de laurier et les tiges du persil. Comptez une quarantaine de minutes de cuisson. Pendant ce temps, égrainer, peler et détailler en petits dés la butternut. Verser les petits dés dans un sachet hermétique (type sachet pour surgelés). Verser un filet d'huile d'olive, du poivre et du cumin moulus ainsi que de l'origan dans le sachet, le refermer, bien répartir les ingrédients pour enrober les dés de butternut. Verser le tout sur une plaque à pâtisserie recouverte de papier sulfurisé et enfourner, four doux, chaleur tournante, 160°, pour une demi-heure. Égoutter et réserver les lentilles tout en gardant un petit bol d'eau de cuisson. Pendant la cuisson des lentilles, émincez l'oignon et détailler les carottes pelées en petits dés. Faire suer l'oignon et les carottes dans un peu d'huile sans les laisser dorer. Les légumes doivent commencer à cuire et s'attendrir un peu, c'est tout. Ajouter les épices, curcuma, cumin et poivre, ainsi que le piment (épépiné si on veut éviter l'incendie) finement émincé puis couvrir et laisser compoter à feu doux. En fin de cuisson, ajoutez les lentilles, la butternut rôtie, les tomates grossièrement hâchées, le jus du citron, un demi-zeste de citron très finement râpé. Délayer le tahini dans un peu de bouillon de cuisson des lentilles et l'ajouter au mélange. Ciseler les feuilles de persil et en parsemer toute la surface de la salade. Terminer par un voile de fleur de sel de Guérande.
Source: http://www.gouezou.canalblog.com/archives/2019/01/01

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