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JOLIS CONTES POUR DUTILLEUL

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Musique : Topics Khatchaturian, Fiedler, Boston Pops, Orchestral, 78rpm
Khatchaturian: Masquerade Suite
Boston Pops Orchestra conducted by Arthur Fiedler (1947)






Texte ou Biographie de l'auteur


« Dès qu’il s’éveilla, Simon Parisy, sept ans, sut qu’il s’était passé quelque chose. Contrairement à l’habitude, Tatie Albertine n’était pas venue le réveiller de sa voix douce qu’il aimait tant. Par la fenêtre, il vit que le soleil était déjà haut dans le ciel, signe qu’il avait dormi longtemps. Il jeta un coup d’œil à la belle pendule dorée qui se trouvait sur la table de chevet. Il n’eut aucune difficulté à décrypter les chiffres romains. Neuf heures et demie.

Tatie Albertine était bien partie. Ce qui frappa Simon, c’était l’expression de son visage : apaisée. Sans même la toucher, il comprit que tout était fini. L’ordre de la pièce n’indiquait pas le moindre signe d’une lutte ultime. Les choses s’étaient passées exactement comme la vieille dame l’avait voulu, ce qui réconforta beaucoup le petit garçon. À présent, il savait ce qu’il devait faire.

Sortir de l’appartement sans oublier de fermer la porte à double tour derrière lui. Même s’il n’y avait guère d’allers et venues dans l’immeuble, on n’était jamais à l’abri d’une mauvaise surprise. Introduire la clé dans la serrure était l’opération la plus délicate, car elle était encore un peu haute pour lui, mais il pouvait y arriver sans une aide extérieure.

Bien sûr, il eût pu aller toquer à la porte de l’appartement de monsieur Stanislas, mais il ne voulait pas interrompre la leçon en cours. Monsieur Stanislas avait trop besoin de cette source de revenus. De toute façon, se raisonnait–il : qu’aurait–il pu faire de plus ? Inutile de multiplier les intervenants, de « contaminer les lieux ». Même s’il n’en comprenait pas totalement la signification, Simon savait que c’était très important. Lui, n’avait touché à rien. « Laisse cela à la police, c’est son affaire ! ».

Sans plus d’hésitation, Simon prit la direction du commissariat, distant d’environ deux cent cinquante mètres. Il était familier du long bâtiment triste, construit dans les années soixante et qu’il trouvait particulièrement laid. Il n’éprouvait pas la moindre peur. D’un pas résolu, il poussa la lourde porte à tambour qui grinçait. Il arriva dans un corridor à la lumière blafarde. Aucun officier de police n’était en vue et comme Simon n’avait pas précisément le temps d’attendre, il partit en exploration dans les étages. Une bonne âme finirait bien par lui indiquer le bureau du gentil monsieur Belgarde.

En attendant ce matin, tous les bureaux que croisa Simon lui semblèrent bien vides. Pas un chat à l’horizon… du moins jusqu’à ce qu’il rentre littéralement en collision avec un véritable géant. Jamais encore dans sa courte vie, il n’avait vu d’homme si… grand et il alla buter directement dans des genoux un peu osseux.

– Bonjour ! mon lapin ! Que fais–tu ici ? l’interrogea une voix douce.

Simon était conscient qu’il ne devait pas se démonter ; que l’instant crucial était venu. Il mit donc toute la détermination de ses sept ans à répondre :

– Bonjour, monsieur le policier ! Je cherche le gentil monsieur Belgarde ! Tatie Albertine m’a dit de m’adresser à lui quand cela arriverait. Alors comme… ben… je devais le prévenir. Je crois… Non ! Je sais, corrigea–t–il, que Tatie Albertine est morte ce matin. Elle est toute froide.

– Comment t’appelles–tu ? dit l’homme d’une voix malicieuse.

Le petit garçon posa une main sur sa bouche, dépité d’avoir commis une erreur si bête.

– Je m’appelle Simon. Simon Parisy. J’habite l’hôtel Landry avec ma maman, mes sœurs et mes cousins.

– Tu as très bien fait ! approuva Dutilleul, qui avait bien du mal à conserver son sérieux en dépit de l’annonce funeste. Nous allons constater la chose de ce pas !

Veux–tu bien me montrer le chemin ?

– Où est monsieur Belgarde ?

– Il est de repos aujourd’hui, mon lapin ! Est–ce que cela te gêne ?

– Pas tellement ! Tatie Albertine m’avait bien recommandé de prévenir la première personne que je croiserai, alors… Comment tu t’appelles ? Demanda Simon avec sa naïveté enfantine.

– Dutilleul. Simplement Dutilleul. J’ai le grade de commissaire.

– Ah oui ! s’illumina soudain Simon. Vous êtes le sup… le chef de monsieur Belgarde. Il parle souvent de vous.

Dutilleul ne put s’empêcher d’être attendri par ce petit bonhomme déjà si déterminé. L’hôtel Landry… Albertine… Ces noms lui disaient bien quelque chose et c’était effectivement en rapport avec Belgarde. Sans plus d’hésitation, il décida de se rendre sur place… »





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