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LE VIOLON DE LYDIE (SOUVENIR DE GUERRE)

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Poème inspiré d'un touchant épisode durant la guerre de 1914-1918.

"Chers lecteurs et lectrices, écoutez le son du violon de Lydie, qui vibre à travers l'émotion de ce poème." lili






Le Violon de Lydie

(Souvenir de guerre)

 Mademoiselle Lydie Demirgian, jeune violoniste déjà célèbre, prix d'excellence du Conservatoire, se rendait avec sa mère, sœur d'Henry Bataille à un concert, durant la guerre, lorsque des bombes lancées par des avions allemands obligèrent les deux femmes à se réfugier dans une cave. L'abri était plein d'autres "réfugiés" à qui la vibrante artiste fit oublier par le prestige de son art la cruauté de l'heure. Ce touchant épisode a inspiré à M. Maurice de Faramond l'Ode suivante :


A Mademoiselle Lydie Demirgian.

O soir très pur de lune ronde !
Astres cloués à l'azur clair !
Un gai parfum exaltait l'air ;
Et Lydie aux beaux bras, rieuse et blonde
S'en allait au concert.

Elle portait dans un élégant sarcophage
Son beau, bien aimé violon,
Qui tient comme la brise en esclavage
Et dont les cordes sont crinière d'Apollon.

Et sa mère pensive accompagnait Lydie !
Et les deux femmes parlant bas,
Joignant leur pas,
Se hâtaient vers la gloire et vers la mélodie,
Lorsque soudain... (ô jours de combats !)

Le cri, l'horrible cri de la sirène,
Qui semble fait de spasmes sanglotants,
Où du sang déjà hurle et traîne,
Ce cri déchira l'air et tua le printemps.


Bénignité des cieux ! Astres suaves !
Tout s'abolit en un clin d'oeil.
Voici l'épouvante et le deuil.
Que l'on s'enfonce dans les caves !
Le boulevard prit la tournure d'un cercueil.

Sous la voûte tonnante et les éclairs de chlore,
Les deux femmes, en ce lourd moment,
Comme une grande porte allait se clore,
S'y jetèrent éperdument !

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Or dans la profondeur de ce cube de pierre,
Sous des ténèbres de granit
Tout un peuple était réuni,
Pauvres gens, qu'étreignait leur malheur comme un lierre,
Morne cohue écoutant mugir l'infini !

On avait même posé sur un lit de sangle
Une triste fille en proie à la mort.
Dont, la pâleur de veilleuse éclairait un angle,
Vivante, mais à peine, comme on dort.

Et tous ces êtres, du fond de ces catacombes,
L'âme anxieuse jointe, et corps à corps,
Entendaient sangloter les astres au dehors,
Et la Lune cracher en torpilles et bombes
Tout son vomissement... et c'est alors

Que Lydie élevant son vermeil visage
Par dessus tous, avec sa force de vingt ans
Tira son violon de son noir sarcophage,
Et le posa sur son cœur gonflé de printemps.

On perçut une voix de rêve frémissante,
Comme un chuchotement secret du mur,
Ce que le brin d'herbe à la brise chante,
Ce qu'exhale au rayon la rose obéissante,
Balbutiement de source, hymne heureux du fruit mûr,

Qui devint allegro la chanson de la proue,
D'un navire qui danse à des flots d'Orient ;
Puis un désir d'amour parut et fit la roue,
La Vierge ouvrit ses bras au Héros souriant.

On vit les traits cadavéreux de Celle
Qui semblait n'avoir plus d'espoir que de mourir
Se ranimer sous les grands coups d'archet, coups d'aile !
Et l'air en feu craquait comme étincelle,
Les murs tels que des fleurs se mirent à s'ouvrir !

L'instrument divin croissant en puissance
Vibra plus haut, dans une étreinte d'Ariel ;
Ses cordes comme debout clamaient la naissance
D'un monde qui veut boire au seuI baiser du ciel !

Des êtres de clarté, dans leur blanche voltige,
Glissèrent à l'obscur et répugnant sous-sol ;
Des âmes sur des hyppogriffes en plein vol
Echangeaient dans la nuit les bonds de leur vertige ;
Et tout à coup ce fut l'hymne du Rossignol.

Du Rossignol caché, qui trille ses extases,
Enjoignant même au Temps d'écouter, de surseoir,
Et les couples émus se dédiaient des phrases,
Ainsi que les enfants se passent l'encensoir.

Les chercheurs de pensée, au crâne qui flambe, ivre,
Montèrent au soleil, espérant le tenir ;
Contre l'horreur s'armait d'azur ce qui veut vivre ;
Et, son espoir aux dents et sa main sur le Livre,
L'homme nouveau déployait, page à page, l'avenir.

Le geste déchaîné d'ardeur, de violence,
Parvint plus haut !... Au seuil de lumière interdit,
Là, tremblant, s'arrêta, faisant silence.
Mais ce n'est pas le silence qu'on entendit ;

On entendit aussi puissant qu'un météore
Le beau violon gémir et chanter toujours ;
Ce n'était plus et cependant c'était Lydie encore,
Elle portait le nom de la prochaine Aurore,
Elle jouait sur les premiers rayons du jour !


MAURICE DE FARAMOND












Poème "Le Violon de Lydie" (Souvenir de guerre),
de Maurice de Faramond de Montels (poète et dramaturge français 1862-1923).
Extrait du Journal Comoedia du 26 Août 1920 (Paris).


Illustration : Pixabay 
Source: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k76477291/f2.item


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