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MAURIN DES MAURES-CHAP47-49

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Illustration: Massif des Maures, Var, France - Civodule
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Texte ou Biographie de l'auteur

Maurin des Maures
Jean Aicard
1908

Chapitre XLVII
Qu'il ne faut pas lire, parce qu'on y relate la profonde et ennuyeuse conversation qu'eurent ensemble, – en présence de Maurin des Maures et de Parlo-soulet, – M. Rinal et M. Cabissol, lequel se décida, pour en finir, à conter deux galéjades.

Le lendemain du jour où il avait conté à ses amis La Lièvre de juin, Maurin ne fut pas oisif.

Désireux de se rendre utile à son hôte, pour lui témoigner sa reconnaissance, il passait, en effet, ses après-midi devant un banc de menuisier, réparant une porte ou un volet, un pied de table ou de chaise, car il faisait de ses mains, comme on dit, tout ce qu'il voulait, notre homme, et, dans une île déserte, pourvu que le naufrage lui eût laissé quelques outils à peu près, il eût été capable de construire une péniche presque aussi bien que le charpentier du bord.

Le soir, après le dîner auquel assista M. Cabissol et où, bien entendu, fut servi un poulet sans tête, la conversation prit un tour singulièrement philosophique.

Lorsque arriva Pastouré, qui, silencieux à son habitude, s'assit sur son escabeau tout en allumant sa pipe, la discussion entre l'avocat et l'ancien chirurgien de marine battait son plein.

Les deux chasseurs écoutaient, s'efforçant de comprendre, et comprenant en effet bien des choses, mais non pas tout, et pour cause.

Les deux interlocuteurs parlaient de Nietzsche.

À quel propos ?

À propos du sentiment de pitié auquel le lièvre de Pitalugue avait dû sa libération.

Le philosophe allemand, dissertant de la pitié, dit en propres termes : « Les petites gens la tiennent aujourd'hui pour la vertu par excellence… Gardons-nous de la pitié. Soyons durs. »

« Il a bien raison, s'écriait M. Rinal, Robespierre et Marat pitoyables, c'est la Révolution française, l'émancipation du monde rendues impossibles.

– Cependant, répliquait M. Cabissol qui partageait, au fond, l'opinion de M. Rinal, mais qui s'amusait à le contredire à seule fin de l'exciter aux répliques, – cependant vous ne pouvez pas voir dans votre assiette une tête de poulet ?

– Les poulets sont des innocents. Toutes les bêtes sont innocentes.

– Maurin est un chasseur ; il tue des bêtes.

– Il les tue pour en vivre. La vie inférieure doit être sacrifiée à la vie supérieure, et celle-ci a le droit d'être impitoyable lorsqu'il s'agit pour elle d'assurer sa conservation et les moyens de s'élever encore. Les miséricordieux sont les protecteurs de la vie ; mais ils doivent la protéger, par pitié suprême, contre les premiers mouvements de leur pitié instinctive, laquelle pourrait donner la victoire aux vrais impitoyables… N'en doutez pas, c'est le fond de la pensée de Nietzsche. »

Il faut croire que Maurin avait compris car il grommela :

« Il vaut mieux tuer le diable…

– Que si le diable vous tue, proféra Pastouré le taciturne.

– Le difficile, continua M. Rinal, c'est de distinguer entre les véritables durs capables de sacrifier l'humanité entière à leurs convenances personnelles, et les autres, ceux qui ne sont inexorables qu'en vue du bien général.

– Théorie dangereuse.

– Théorie féconde. Et tenez, dans la vie courante, à toute heure, il faut savoir broyer en soi, douloureusement, toute compassion envers ceux qu'on aime, afin d'assurer leur progrès moral et par conséquent de les aider à être heureux un jour. C'est l'idée éducatrice par excellence. Jésus n'eut-il pas ses heures de colère ? Nietzsche n'a rien inventé ! – Au demeurant, poursuivit M. Rinal, les philosophes ne me plaisent guère parce qu'ils ont la prétention, chacun, de trouver la définitive formule de la vérité. La vérité est éparse et il n'est encore au pouvoir de nulle créature humaine d'en raccorder les fragments disséminés. Le secret, la clef de cet accord ont été cachés dès l'origine sous une pierre des fées ou dans un antre de pythonisse. Il y a plus de vérité dans l'intuition intermittente des simples en général et des poètes en particulier, que dans les systèmes prétentieux d'un philosophe. Les philosophes ne sont que des poètes manqués et, ce qui est plus grave, de simples gens de lettres, du moins pour la plupart.

– Qu'entendez-vous par-là ?

– J'entends par-là des artistes qui se préoccupent surtout de leur gloire. Le désir de se signaler gâte leur sincérité. L'univers nous apparaît comme contradictoire à lui-même ; notre esprit est encore incapable de concevoir que le conflit des forces opposées, la lutte des antinomies, vie et mort, bien et mal, est la condition même de l'ordre dans le monde. Or, malgré eux, les philosophes, dont la logique est mise en déroute par l'inexplicable, finissent par se préoccuper avant tout de paraître originaux. Il faut fonder un système qui ne ressemble pas au système des aînés, sans quoi on n'est que leur écolier, et il s'agit de se poser en maître. Nietzsche est un douloureux attendri qui porte sa robe à l'envers. De quoi est-il vêtu ? Quelles couleurs singulières ! Retournez l'étoffe de Nessus qui emprisonne sa chair et vous reconnaîtrez la pitié. Il la hait parce qu'il en meurt. Grand poète, un peu obscur, que la mort de Dieu a rendu fou, admirateur de l'énergie parce qu'il se sentait faible et de la dureté parce qu'il était trop tendre. »

M. Cabissol toussa.

« La pitié, la pitié, dit-il, c'est, au bout du compte, un acte instinctif par lequel nous nous supposons à la place de l'homme qui souffre ; nous nous y voyons, par une opération imaginative qui nous fait souffrir son mal ; et c'est nous que, égoïstement, nous soulageons ou voulons soulager en lui.

– Même ainsi comprise, dit M. Rinal, la pitié est noble. Elle est la protection de chacun dans tous, de tous par chacun. Elle fait éclater aux yeux de l'esprit le mystère de l'unité dans l'innombrable.

– Les mots peuvent tout dire. Toutes les thèses se peuvent soutenir, s'écria M. Cabissol. Où est la vérité, je vous le demande ?

– Dans tout, vous dis-je ; la vie ne se trompe pas. Le singe flaire une pomme vénéneuse et la rejette.

« Le besoin d'une morale préexiste, dans l'homme, à toute morale formulée. Ce besoin est un fait physiologique, comme la faim.

« Et l'homme, pris en masse, en tant qu'être moral, se comporte vis-à-vis des idées comme le singe avec les fruits : il reconnaît au flair les doctrines qui empoisonnent, ou s'il y mord, il ne s'en nourrit pas. »

M. Cabissol toussa de nouveau.

« S'il y goûte, il peut en mourir, dit-il.

– Individuellement ; mais en tant que race, en tant qu'humanité, l'homme résiste à tous les poisons que produit son cerveau, car la volonté de vivre est infinie, et indépendante de son raisonnement. La cause reste la plus forte. L'espérance indéfinie, si voisine de la foi, est, comme le besoin d'une morale, un fait physiologique. »

Pastouré, émerveillé, renouvela un mot célèbre :

« C'est bougrement beau : je n'y comprends rien.

– Tout de même, poursuivit M. Rinal, l'idéal, le rêve du meilleur et du plus beau, produit par le cerveau humain, est un fait. On peut très bien admettre que ce rêve est une étape vers la réalisation positive des plus nobles chimères.

« Il ne me paraît pas absurde d'affirmer que Dieu, ainsi compris, et qui n'existe pas encore pour qui n'en a pas la conception, existe déjà réellement pour celui qui l'aime !…

« Pourquoi, dans l'infini, le progrès ne serait-il pas indéfini ? Il n'est pas nécessaire aujourd'hui d'avoir du génie pour constater que, dans l'ordre social, tout évolue et que tout monte.

– Vous trouvez ? dit M. Cabissol.

– Parbleu ! quand on ne s'en aperçoit pas, c'est qu'on oublie le passé. Mais, à travers toutes les cruautés, les trivialités, les stupidités de notre vie sociale, il est facile, en comparant les conditions de l'existence moderne avec ce que nous savons du passé, de voir que tout est mieux. Un peu de mieux suffit à l'espérance d'un autre « peu de mieux ». De jour en jour, l'homme s'installe plus confortablement sur le globe et par suite il a le loisir de jouir mieux que jamais, et de mieux comprendre les beautés de la nature et celles des arts.

– En vérité ! dit M. Cabissol, vous croyez que le peuple se soucie de l'art ?

– Pas encore beaucoup, mais donnez-lui le temps. Éduquez-le. Voilà Maurin qui nous écoute… et voilà Pastouré. Eh bien, leur manière de raconter ou d'écouter prouve qu'ils ont le goût de la vie, de la pensée et de l'expression artiste.

– Je vous avoue que bien souvent je me dis au contraire (et j'en demande pardon à Maurin) que la masse est aveugle, stupide et indécrottable. Elle n'aime que les cabarets. Et sans des bourgeois comme vous, qui la conseillent et la guident, elle ne serait même pas capable de revendiquer les libertés qu'elle ne comprend point et qu'elle s'imagine conquérir parce que vous les lui accordez. Qu'est-ce que le socialisme, sans les bourgeois de gouvernement ? Un tas d'ignares, une tourbe envieuse, imbécile et mauvaise ; ça, c'est le peuple.

– Mais sacrebleu ! s'écria M. Rinal, les bourgeois de gouvernement c'est le peuple, c'est le surpeuple si vous voulez, mais le peuple d'aujourd'hui sera le surpeuple de demain. Sans doute le monde, vu superficiellement, est bête, mauvais, vilain, mais n'est-il pas admirable que de tout ce chaos se dégage en somme une idée d'humanité supérieure, un simple petit espoir, mais lumineux, une vision d'homme plus doux, plus fort, plus civilisé. Et ces bourgeois qu'on accuse – je les accuse – qu'on méprise – je les méprise – n'est-il pas magnifique, après tout, que ce soit eux qui se fassent les instruments de l'évolution du prolétariat à laquelle ils perdront quelque chose de leurs avantages ?

– Ils n'y perdent rien, dit timidement M. Cabissol ; ils y gagnent momentanément le pouvoir. Cette compensation leur suffit.

– Un pouvoir qu'ils emploient à préparer leur chute de demain !… Vous m'agacez à la fin.

« De quel droit suspectez-vous leur bonne foi ? Pourquoi pas la mienne ? Qu'ai-je à gagner, moi par exemple, à l'avènement de Maurin, de Pastouré et de tous les prolétaires de France ? Rien. Je professe une opinion qui les sert et qui peut me desservir, puisque je ne brigue ni le mandat de député ni celui de conseiller municipal. Et pourquoi suis-je avec eux ? Parce que je les aime, tout bêtement, et parce que j'aime la justice.

– Oh ! vous ! vous !… vous êtes un saint laïque, grogna Cabissol.

– Noum dé pas Dioù ! dit Maurin, vous me faites venir la chair de poule, monsieur Rinal, à force de bien parler. Ah ! si nous en avions « de comme vous » pour les envoyer là-haut, on te la referait, la France ! Qu'en dis-tu, Pastouré ?

– Je suis là que je me le pense », dit le colosse-enfant.

M. Cabissol semblait réfléchir.

« Alors, reprit-il enfin après un long silence, vous croyez vraiment qu'il y a un autre progrès que le progrès industriel, matériel ? Non ! L'homme s'installe de jour en jour, confortablement sur ce globe, mais il est resté la méchante bête qu'il fut et sera toujours.

– Mon cher Cabissol, dit M. Rinal, voici à quoi je pensais, pendant que Maurin nous contait hier sa jolie histoire de La Lièvre de juin… Quelques années avant la Révolution française, une troupe de jeunes gens, tous apparentés, de près ou de loin, à MM. les membres du parlement d'Aix, revenaient, un soir, d'une partie de campagne. Ils avaient avec eux d'aimables femmes. Ils étaient gais, excités par les propos libres et les bons vins qu'ils avaient bus dans la journée. Ayant rencontré, près de la ville, un paysan qui s'en retournait chez lui monté sur son âne, ils le plaisantèrent à qui mieux mieux et, de fil en aiguille (le paysan répondant à la galéjade par la galéjade), ils lui proposèrent de jouer avec eux… au parlement. S'il consentait à tenir le rôle de l'accusé dans la comédie qu'ils allaient improviser, il aurait pour sa récompense un bel écu d'argent. Le paysan, bonhomme, y consentit. On prit goût au jeu, on s'échauffa, et ayant jugé le manant pour rire… on le pendit pour de bon !

« Ce crime ne fut pas puni. Un procès en règle aurait compromis des noms de juges trop illustres !

« Voilà à quelle conception de l'inégalité des hommes en étaient arrivés quelques-uns au moins des puissants du jour, ceux que la Révolution allait abattre. Ces illustres, ces bien nés pouvaient tout faire, tout se permettre contre le droit des humbles.

« Toute une caste, ou du moins (et cela suffit) les plus orgueilleux d'une caste orgueilleuse, se croyaient tellement au-dessus du peuple qu'ils prenaient avec lui toutes licences. C'était, devenu légion, Néron, incarnation de toute-puissance et d'orgueil. C'était la tyrannie d'une seule classe de citoyens sur toutes les autres, et, dans le crime commis contre tout ce qui n'était pas elle, elle goûtait des joies sadiques, monstrueuses. Voilà ce que la Révolution vint détruire d'une façon immédiate, sans pitié, au nom d'une pitié supérieure, à longue échéance.

« À ce meurtre du paysan d'Aix, pendu par des fils de parlementaires en humeur de rire (histoire exceptionnelle, je le veux bien, mais qui ne serait plus possible de nos jours, sinon au fond de l'Afrique et contre des nègres, et pour les mêmes motifs d'orgueil maladif), l'évolution morale, le progrès moral de notre civilisation libertaire répondent aujourd'hui par l'histoire (exceptionnelle aussi, je le veux bien), de La Lièvre de juin, que Maurin nous a contée hier.

« L'homme est devenu meilleur pour l'homme et même pour les bêtes.

« Et je n'ajouterai qu'un mot : Le génie lui-même ne met pas l'homme au-dessus des hommes. Le savant ou l'artiste n'est digne du respect universel que lorsque, bien loin de s'isoler dans des œuvres d'orgueil, inaccessibles aux masses, il devient au contraire le cœur multiplié qui se donne aux foules pour les consoler ou les guérir.

« Allons ! allons, conclut M. Rinal, vous nous avez promis une histoire gaie, Cabissol, contez-nous-la. »

Cabissol commença ainsi :

LES CANARDS DU LABRADOR…

Chapitre


XLVIII

La merveilleuse histoire des Canards du Labrador.

 

La famille des d'Auriol est bien connue en Provence depuis le XVIIIe


siècle.

C'est vers 1786 que l'aïeul illustre de cette noble famille, boulanger de


profession, prononça le mot historique dont tout le monde en Provence connaît la


fortune : Iou sioù d'Oóurúou : m'en
fouti.

Si vous avez oublié cette histoire, permettez-moi de vous la rappeler.

Un certain Jean, natif d'Auriol, était allé passer son dimanche à Roquevaire.


À Roquevaire il assista au prône. Le sermon endormit l'assistance et maître Jean


– le plus endormi de tous les auditeurs, – ronflait insolemment. Le curé, alors,


frappant sur le bois de sa chaire sonore un coup de poing retentissant pour


réveiller ses ouailles, leur cria :

« Gens de Roquevaire, vous serez tous damnés !

Oh ! iou, dit maître Jean, réveillé en sursaut. Oh !
iou, sioù D'Oóurúou : m'en fouti !


c'est-à-dire : « Moi, m'sieur le curé, veuillez croire que cela m'est bien égal,


vu que je suis d'Auriol. »

Il existe actuellement trois descendants du d'Auriol qui a fondé la gloire de


la famille.

L'aîné, Jean d'Auriol, licencié en droit, vit à Auriol même, dans une


heureuse médiocrité.

Son cadet, Paul, cinquante ans, est secrétaire de la mairie d'Auriol. Les


maires passent, il reste. Il est là, à la mairie d'Auriol, ce que les bureaux


sont aux ministères. Et la ville prospère.

Le plus jeune enfin, qui n'est pas du même lit, n'a que trente-trois ans. Il


s'appelle Pierre. Ce qui nous donne : Jean, Pierre et Paul.

Seul des trois frères, le secrétaire de mairie est marié, et, au moment où


commence cette histoire, son fils, Théodule, il y a de cela quatre ans, avait


seize ans à peine et se trouvait à la veille de passer son examen de bachelier


ès sciences.

Or, le plus jeune des trois d'Auriol, Pierre, sorti de l'École normale


supérieure de Paris, fut quelque temps professeur de philosophie au collège


d'Auriol.

Se jugeant victime d'une injustice, de celles qu'un homme averti doit


supporter tous les jours avec patience, il donna sa démission. C'était un


idéaliste.

Tombé sur le pavé, du soir au lendemain, et sans un sou, ce jeune fou ne


tarda pas à s'apercevoir que les diplômes et titres universitaires ne sont


d'aucune utilité à un homme qui veut gagner son pain.

Aidé d'abord par son frère, Jean d'Auriol, et par son frère Paul, il ne


souffrit pas l'idée d'être longtemps à leur charge. Il alla tenter fortune à


Paris. Là, tout en donnant des leçons dans une boîte à bachot, il se mit à


écrire des romans et des pièces de théâtre, mais il ne trouva ni directeur ni


éditeur disposés à faire représenter ou à imprimer ses ouvrages. Il avait


pourtant du talent, mais il manquait de cette suffisance qui mène à tout. Il


croyait que la modestie est une vertu ou du moins une élégance, l'imbécile !

Un beau matin il vit entrer chez lui un juif qui lui dit :

« Mossieu, je fiens te la bart t'un homme tu monde qui tésire fous ageter un


manuscrit te théâtre afin te le signer te son nom. Foilà teux mille


francs. »

Ce marché conclu, Pierre ne trouva rien de mieux que de partir pour New


York.

Quand il en revint, ayant dû à sa qualité de philosophe idéaliste l'insuccès


de toutes ses démarches en Amérique, il possédait pour seule fortune deux


canards enfermés dans une cage somptueuse qui portait cette inscription sur une


belle plaque de cuivre reluisante :

canards du labrador, spécimen rare.

C'était le cadeau bizarre que lui avait fait un milliardaire américain, en le


mettant à la porte après l'avoir chargé quelque temps de faire à son jeune fils


un cours de français, mais non pas d'idéalisme.

Dès son arrivée au Havre, Pierre d'Auriol, bien embarrassé de la cage


fastueuse, la fit pourtant transporter à l'hôtel avec son humble malle.

Puis il alla au café et demanda les journaux du matin.

Il les parcourut avidement.

Et tout à coup, son regard fut attiré par cette ligne composée en caractère


gras :

GRAND CONCOURS AGRICOLE À AURIOL.

« Voilà, se dit Pierre, des nouvelles toutes fraîches de ma petite patrie. Il


sera question sans doute, dans cet article, de mon frère le secrétaire de la


mairie. »

Il lut l'article.

La petite ville d'Auriol organisait une importante exposition agricole ; il y


avait un grand nombre de sections : horticulture, apiculture, pisciculture,


aviculture, poulets, dindons, faisans… canards.

Quel trait de lumière ! il allait pouvoir se débarrasser des siens !

« Il sera accordé un prix de quatre mille francs à l'exposant qui aura


présenté le plus beau couple de canards modèles !

« Messieurs les exposants peuvent retenir à l'avance des cages d'un, de deux,


trois et quatre mètres carrés pour leurs volatiles. Donner exactement noms,


prénoms et adresses. Ces emplacements sont accordés gratuitement.

Nota. – Si le jour de l'inauguration du comice agricole,


l'emplacement, qui doit être retenu par lettre, n'est pas occupé, il sera payé


un dédit de cent francs par mètre carré.

« Adresser toutes demandes à M. Z., directeur de la section 4, telle rue, tel


numéro, à Auriol. »

Pierre d'Auriol écrivit une lettre détaillée à M. Z. pour retenir un


emplacement de deux mètres carrés, avec bassin et eau courante, et revint à


l'hôtel.

Les canards, dans la cour de l'hôtel, le saluèrent de leurs coin-coin


d'affamés.

Il leur fit donner une pâtée abondante et déclara au patron de l'hôtel qu'il


partirait le lendemain où le surlendemain, emmenant ses précieux canards.

Le patron lui conseilla de les expédier le jour même.

« Mais, dit Pierre, on n'acceptera là-bas les envois des exposants que dans


quinze jours exactement.

– N'avez-vous pas dans cette ville un ami qui leur donnera l'hospitalité ?…


Du reste, vous arriverez presque en même temps que ces intéressantes volailles.


Je vous avoue qu'ici elles me gênent un peu. Et puis… Si l'envie vous venait de


demeurer trois jours au Havre pour vous reposer ?…

– Coin ! coin ! coin ! » dirent les canards.

« Parbleu ! pensa Pierre d'Auriol, j'ai à Auriol, mon frère Paul, le


secrétaire de la mairie. Je vais lui expédier mes canards. »

Il les expédia et négligea d'écrire à Paul.

Pierre passa deux jours au Havre, où il avait rencontré un bon camarade


d'école, puis il s'oublia une dizaine de jours à Paris.

Et quand il arriva chez son frère à Auriol, le premier mot qu'il lui adressa


fut celui-ci :

« Eh bien, et mes canards ? Comment les as-tu trouvés ?

– Excellents », dit Paul.

Pierre tomba, anéanti, sur une chaise en gémissant.

« Malheureux ! tu les as mangés !

– Et que diable voulais-tu que j'en fisse ?

– Hélas ! j'avais arrêté par lettre une cage de deux mètres carrés…

– Il fallait donc me prévenir !

– C'étaient des canards d'exposition, ils valaient deux mille francs pièce,


puisqu'ils m'auraient donné le grand prix du concours qui est de quatre mille…


Et maintenant… je dois un dédit de deux cents francs ! Et je ne possède plus sur


terre que treize francs soixante et quinze !

« Je suis perdu, définitivement perdu !

– Et pourquoi perdu, mon oncle ? » dit le jeune d'Auriol, Théodule, qui


revenait juste à ce moment-là du collège où il était externe.

Son père expliqua l'aventure à ce jeune gaillard de seize ans qui pouffa de


rire.

« Et voilà ce qui vous désole ? Ah ! mon oncle, je vais vous tirer de ce


mauvais pas. Laissez-moi faire. Qu'on m'apporte la cage. On ne l'a pas mangée,


j'espère, la cage ? »

Pendant qu'on la recherchait au grenier, Théodule sortit.

Quand il rentra, un quart d'heure plus tard, la cage était retrouvée, et il


tenait par les pattes, pendus à son poing, la tête en bas, deux magnifiques


canards assez semblables à ceux dont il avait déjeuné quelques jours


auparavant.

Il les introduisit dans la cage :

« Vous ne paierez pas le dédit, mon oncle ; ces deux canards sont du


Labrador, comme en témoigne cette magnifique plaque de cuivre reluisante que


Catherine va fourbir encore.

– Que veux-tu dire ? interrogea anxieusement l'idéaliste Pierre.

– Je m'en doute ! proféra le bureaucrate Paul, que sa vie dans les mairies


avait accoutumé de longue date à ne s'étonner de rien et à tout prévoir.

– Je veux dire, répliqua l'arriviste Théodule (seize ans, l'âge de la


rhétorique, au temps aboli des humanités), je veux dire que vos canards du


Labrador n'ont pas été mangés, puisque les voici, – et que je ne désespère pas


de vous faire obtenir le prix de quatre mille balles !

– Mon neveu, dit gravement l'ex-professeur de philosophie idéaliste, cette


substitution serait un odieux mensonge.

– Mon oncle, répliqua l'écolier Théodule, externe au collège d'Auriol (seize


ans, ô Roméo, l'âge de Juliette !), mon oncle, vos scrupules vous honorent.


Voulez-vous, ou seulement pouvez-vous payer les deux cents francs de


dédit ? »

Le professeur, vaincu, courba la tête.

« Non ? reprit l'écolier. Alors laissez-moi faire. Voyez-vous, mon oncle,


vous appartenez à une génération très coco (mille excuses), vous avez des idées


préhistoriques, car elles datent d'environ sept ou huit ans… En ce temps-là les


autos se mettaient à peine en mouvement. Laissez-moi faire. Deux cents francs ne


sont pas une bagatelle et quatre mille francs non plus ! Je vais arranger vos


affaires. Ce qui m'ennuie un peu c'est la préparation de ce diable de


baccalauréat. Mais bah ! il sera supprimé dans peu de temps, et dès lors les


bacheliers reprendront dans la société le rang subordonné auquel ils ont droit.


Le sens pratique de la vie crée seul les supériorités sociales, c'est-à-dire


celles que donne l'argent, comme cela est de toute justice dans une société


démocratique et égalitaire fondée sur l'inégalité des savoir-faire. »

Pierre d'Auriol, ahuri, se tut, faute de deux cents francs.

« Coin ! coin ! coin ! » dirent les canards d'Auriol, nouvellement promus


canards du Labrador. Et il faut convenir qu'ils n'avaient pas « l'accent ».

Le lendemain, on les porta au comice agricole, dans la cage qui témoignait de


leur provenance.

Trois mois plus tard, à la veille de la distribution des prix, l'heureux


exposant, leur maître, apprenait par une indiscrétion de journal qu'il avait


obtenu, grâce à eux, la grande médaille de quatre mille francs.

« Quand je vous l'avais dit, mon oncle !

– Mon neveu, dit l'oncle, les meilleures plaisanteries sont les plus courtes.


Conduis-moi chez le président de la section des canards. »

Le neveu protesta. L'oncle résista. Ils partirent.

Grâce à l'impertinence de Théodule, qui savait parler de haut aux bas


employés, on les introduisit dans la salle même où siégeait le comité de


l'Exposition.

La section des canards était en séance. Théodule alla dire quelques mots à


l'oreille du président – qui n'était autre que le préfet en personne. Le préfet


se leva aussitôt, très visiblement troublé, pria son comité de délibérer sans


lui et entraîna Théodule et son oncle dans une salle voisine.

« Monsieur le Préfet, commença le professeur idéaliste… mon neveu a dû vous


expliquer d'un mot la situation. Elle est pénible. Je ne peux vraiment pas


arracher à un éleveur sérieux, à un éleveur de carrière, un prix de pareille


importance… Ces canards du Labrador n'en sont pas… et ma conscience…

– Il ne s'agit pas de cela, monsieur, interrompit sévèrement le préfet. Vous


nous avez trompés, c'est entendu, mais, par suite, nous nous sommes trompés. Or


notre erreur nous couvrirait de ridicule si votre conscience la dévoilait


aujourd'hui. Votre devoir à présent est de vous taire.

– Mais, monsieur le Préfet…

– Monsieur, dit le préfet, du ton d'un Bonaparte menaçant (ce ton-là est


celui de tous les démocrates français dès qu'ils sont fonctionnaires), monsieur,


je n'admets pas d'excuses. Vous toucherez le prix de votre mensonge… c'est,


comme vous savez, quatre mille francs.

– Cependant, monsieur le Préfet…

– Il n'y a pas de cependant.

– Ce que vous me demandez est impossible, monsieur le Préfet. J'ai fait


acheter deux canards chez le marchand de volailles d'Auriol, pour remplacer deux


canards authentiquement nés au Labrador, ceux-là… et dès alors…

– Monsieur, dit le préfet hautain, le comice agricole ne doit pas pouvoir se


tromper. Vous aviez exposé deux canards qui sont du Labrador. Nous nous y


connaissons peut-être mieux que vous. Vous toucherez vos quatre mille francs.


N'ajoutez pas un mot, s'il vous plaît, vous me désobligeriez.

– Monsieur le Préfet, je vous assure que mon honnêteté s'y oppose… et…

– Cet homme ne comprend rien ! dit le préfet en frappant du pied.

– Il ne comprend pas grand-chose, dit Théodule, il faut l'excuser, monsieur


le Préfet… c'est mon oncle, le frère de mon père… c'est un homme du temps des


omnibus… Ah ! cela ne nous rajeunit pas.

– Monsieur le Préfet, dit Pierre avec fermeté, les journaux d'Auriol


publieront ce soir même une lettre de moi où je raconterai l'histoire de mes


deux canards. »

Le préfet devint vert.

« Et moi qui le prenais pour un imbécile ! songea-t-il, c'est un


malin ! »

« Monsieur, dit-il tout haut en tremblant, vous n'êtes pas un ennemi de la


République, j'espère ? Voulez-vous donc la faire tomber sous le grotesque ?…

– Je veux une République honnête », dit le professeur d'un air stupide.

Le préfet réfléchit un moment en silence, puis sa physionomie s'éclaira d'un


sourire d'intelligence suprême et de haute bienveillance.

« Je vous comprends enfin, monsieur, dit-il ; aux quatre mille francs du


prix, nous joindrons les palmes académiques. »

Théodule se mit à rire. Son oncle, irrité, haussa les épaules. Théodule, se


ressaisissant, prononça d'un air dédaigneux :

« Les palmes ! les palmes ! heu ! heu !

– Cela ne suffit pas ? poursuivit le préfet. Eh bien, soit, messieurs, vous


avez raison… et plus d'esprit que je ne pensais. Ne dénoncez pas notre erreur.


Ces canards sont du Labrador, puisque nous, comité de l'exposition, nous nous y


sommes trompés… Soyez discrets et je vous promets que nous obtiendrons la croix…


Chevalier de la Légion d'honneur, hein… c'est entendu ?

– Monsieur le Préfet, dit Théodule avec une sorte de solennité, c'est tout ce


que nous désirions… sans oser l'espérer. Merci.

– C'est entendu ! c'est entendu ! confirmait le préfet qui se retira


vivement. Entendu, monsieur Théodule d'Auriol, et comptez sur toute ma


reconnaissance. Vous me sauvez plus que la vie ! »

Pierre d'Auriol demeurait là, cloué sur place, plus stupide que jamais,


bouche bée.

« Mon oncle, lui dit Théodule… ceci m'ouvre les yeux. Je renonce à mes


études, je me consacre à votre fortune. Dans huit jours vous serez décoré ; aux


prochaines élections qui auront lieu dans deux ans, on vous nommera député ;


avant trois ans vous serez ministre de ce que vous voudrez… à condition


toutefois que vous me promettiez dès aujourd'hui de me prendre comme chef de


cabinet.

– Tu m'en diras tant ! » répliqua le professeur idéaliste qui commençait à se


déniaiser.

La distribution des récompenses eut lieu dans les arènes antiques d'Auriol,


les mieux conservées du monde après celles de Nîmes et d'Arles.

Pierre d'Auriol refusa d'aller chercher sa médaille, mais Théodule prit sa


place. Il monta sur l'estrade pavoisée tandis que les Harmonieux
Enfants d'Auriol, soufflant dans leurs cuivres, attaquaient une
Marseillaise enthousiaste.

Le préfet annonça les récompenses :… Chevalier de la Légion d'honneur :
Pierre d'Auriol.

À ce moment précis, un événement se produisit qui faillit tout gâter.

Le marchand de volailles qui avait vendu à Théodule les deux canards du


Labrador vint lui chuchoter à l'oreille :

« Je les ai reconnus : ce sont les miens ! Et je dirai tout… à moins qu'on ne


m'accorde un dédommagement, car enfin certaines injustices sont par trop


criantes. »

Théodule ne se déconcerta pas :

« Qu'exigez-vous ? interrogea-t-il. Puisque vous êtes un ami de la justice,


vous êtes des nôtres et vous n'abuserez pas de la situation.

– Le préfet, dit le marchand, a, je le sais, la plus grande influence au


ministère de l'Intérieur. C'est l'ami intime du ministre : je désire que mon


fils soit nommé sous-préfet.

– Je suis persuadé, répliqua Théodule, que le préfet est, comme vous, trop


ami de la justice, pour ne pas vous aider de tout son pouvoir. »

Quelques semaine plus tard, le fils du marchand de volailles était


sous-préfet et son estimable père était élevé, par la force des choses, au rang


de chevalier du Mérite agricole.

Quand cela fut accompli :

« Maintenant, dit-il à Théodule, aidez-moi à vendre mon fonds. Mon métier de


marchand de volailles est incompatible avec ma nouvelle dignité, et d'ailleurs


il humilie mon fils !

– Fort bien, monsieur, dit Théodule, j'achète en bloc tous vos oisons. »

Il les acheta, ayant son idée.

Avec les quatre mille francs du prix obtenu par son oncle – lequel,


émerveillé enfin de l'habileté de son neveu, se livrait entièrement à lui – il


se rendit acquéreur d'un terrain vague qu'il entoura d'une grille de bois dite


« de chemin de fer ». Dans ce terrain, il fit construire quelques cabanes de


planches et fit peindre au-dessus du rustique portail ces quatre mots en lettres


augustales :

AU CANARD DU LABRADOR

Que vous dirai-je ? La grande faisanderie ou canarderie des d'Auriol prospéra


rapidement : « Fabrique de chapons des deux sexes. Deux millions d'œufs fécondés


par an ! »

Les fermes modèles s'adressèrent en foule au Canard du
Labrador.

Couveuses, gaveuses se multiplièrent dans le parc bientôt trop étroit. Toutes


les industries du pays furent délaissées par les indigènes qui, tous, devinrent


les ouvriers des d'Auriol. Deux mille cinq cents hommes chauffaient les fours,


gavaient les volatiles… Le Canard du Labrador nourrissait


une population entière, – un peuple d'électeurs.

« Il est temps, mon oncle, de vous faire nommer député. »

La campagne électorale fut prestigieuse. L'oncle Pierre suivait docilement


son neveu dans toutes les réunions. Le neveu, âgé alors de dix-huit ans à peine,


pérorait :

« Vous nommerez l'homme qui, par son audace, sa persévérance, son génie


industriel, a fait la fortune du pays ! »

Pierre d'Auriol fut nommé en effet à une écrasante majorité… Il était


navré.

« Et dire, s'écriait-il, que, si j'étais un imbécile ou un gredin, j'aurais


obtenu le même succès !

– Taisez-vous, mon oncle, répliquait l'adolescent, c'est ça la vie, à


laquelle vous n'entendez rien. Laissez-moi faire. »

À la Chambre, Pierre reconquit tout de suite l'estime de soi-même en


travaillant beaucoup. Son premier discours le classa parmi les orateurs les plus


convaincus – et il l'était.

« S'il est ministre aujourd'hui, je ne vous le dirai pas. Sachez seulement


que les d'Auriol n'ont pas droit en réalité à ce nom illustre ; vous ne le


trouverez pas sur les registres de l'état civil. Ce nom d'Auriol est un


sobriquet générique que la voix du peuple attribue à plusieurs familles de


Provence.

« Les d'Auriol dont je parle s'appellent… »

Ici, M. Cabissol se pencha à l'oreille de Maurin et murmura un nom.

« Pas possible ! s'écria Maurin stupéfait… Alors, c'est ce Pierrot-là qui a


épousé mon ancienne petite amie ?

– Pierre, non ! c'est Théodule, dit Cabissol en se tournant vers M. Rinal.


C'est Théodule qui, sur les instances de sa femme, a fait décorer Caboufigue, à


la demande de Maurin. Elle a vingt ans de plus que lui, mais ça les regarde.

– On a bien raison, s'écria Maurin, de dire que tout s'arrange à la fin et


que seules les montagnes ne se rencontrent pas ! Celui-là a eu une brave chance


quand il a reçu en cadeau deux canards qui l'ont fait ce qu'il est, et


Caboufigue en a eu une fameuse de me connaître !

– On doit rarement sa fortune à son mérite. On la doit presque toujours à son
Canard du Labrador, conclut Cabissol. Mais il faut savoir


cultiver son canard ou celui de son oncle ! Et pour cela, il faut être, comme le


jeune Théodule, un arriviste à tous crins. Il n'a pas encore l'âge d'être


électeur, celui-là, et il est déjà un des plus puissants personnages de l'État,


une sorte de petite Éminence grise. Il fait et défait des préfets, des


gouverneurs, des ministres. Sa femme fait des académiciens. Tous les souverains


qui visitent la capitale traversent son salon, et il est, par suite, tout


couvert de croix. Il est, de plus, comblé de sinécures ; il vient encore d'être


nommé conservateur des Hiéroglyphes de l'Obélisque. On dit que, s'il le veut, il


arrivera à la présidence de la République… dès qu'il aura atteint sa majorité.


Une seule chose le désole, c'est la décision récente qui ne lui permettra pas


d'obtenir sans scandale, avant sa trentième année, les palmes académiques, qu'il


fait donner deux fois par an à tout un peuple !

– Mon cher Cabissol, dit M. Rinal, vous êtes, vous aussi, un maître


galégeaïré, car pendant tout votre invraisemblable récit j'ai cru à plusieurs


reprises qu'il était vrai.

– Parbleu ! dit Cabissol, il est beaucoup plus vrai que la vérité, ce qui,


pour les contes, n'est point rare. »

Et, sur ce mot, chacun s'alla coucher.

Chapitre


XLIX

l'on verra l'histoire jolie de
la Poule verte, comment l'horrible Grondard
dénoua le roman de Tonia et du
Roi des Maures, et avec quel
désintéressement admirable Pastouré refusa
une haute position.

Le lendemain au soir :

« Votre histoire d'hier n'était pas beaucoup gaie, monsieur Cabissol, dit


Maurin. J'y ai réfléchi cette nuit : elle veut dire que le gouvernement des


hommes n'appartient pas toujours à ceux qui ont le mérite. C'est vrai peut-être


bien, mais ce n'est pas agréable à penser.

« Il n'est peut-être pas agréable non plus de se dire que notre gouvernement


de la République favorise tant d'intrigues !

– Laissez donc la République tranquille, Maurin ! s'écria M. Rinal. La


moralité d'une époque ne tient pas nécessairement aux formes de gouvernement. On


imagine très bien d'excellents rois et même de bons tyrans !… oui… oui… je ne


m'en dédis pas, moi, le jacobin ! L'idéal de la République est admirable. C'est


le gouvernement des meilleurs et des plus instruits, des plus capables,


comme vous dites, mais l'organisation républicaine ne peut que permettre au


peuple de se faire gouverner par ceux-là, – et d'autre part un peuple peut fort


bien ne pas être digne de ses libertés. Laissez-nous le temps de nous instruire


de nos droits et de nos devoirs. Nous naissons à peine à la liberté. Nous


grandirons. Laissez faire. Et, en attendant, rions de ce qu'il y a de risible,


même dans nos malheurs. Voyons, monsieur Cabissol, encore une histoire


drôle !

– Connaissez-vous celle de la Poule verte ?

– Non, dit M. Rinal.

– Non », dit Maurin.

Pastouré secoua négativement la tête.

« Oyez-la donc, dit M. Cabissol, il m'est arrivé d'en rire tout seul. »

Et il conta ce qui suit.

LA POULE VERTE

« Il se passe souvent, dans le vaste monde, des choses bien


extraordinaires.

« J'ai connu, voici quelques années, un vieux gavot, un paysan de la


montagne, qui s'appelait Marius-Sidoine Cabasse.

« Cabasse vivait dans la bastide où il était né, en pleine Provence des


clapiers, dans l'odeur de la farigoule, là-bas, là-bas, plus loin que


Draguignan. Cabasse n'avait jamais rien vu au-delà des clapiers qui formaient


tout l'horizon de sa bastide. Où la chèvre est attachée, il faut qu'elle broute,


– quand ce serait sur un toit.

« Il y avait, à la même époque, dans les forêts de l'Amérique, un jeune


perroquet qui vivait, mangeait, buvait, voletait, jacassait en oiseau libre.

« Il arriva que ce perroquet fut capturé et vendu à un matelot de Marseille.


À partir de ce moment, sans le savoir, pechère ! ce joizeau, c'est-à-dire


cet « oiseau » brésilien se mit à cheminer, chaque jour un peu, par eau, par


terre et par air, dans la direction de Draguignan ou plutôt de la bastide où


vivait Cabasse.

« Il y a une destinée. Celle de ces deux créatures de Dieu était de se


rencontrer un jour, contre toute attente, à travers toutes les difficultés.

« Tout en revenant vers Marseille, le marin qui était le maître de Jacquot


lui apprenait à parler le français de Provence, et l'animal bien vite le parla


couramment, sans comprendre ce qu'il se disait.

« L'instruction est-elle un bien ? est-elle un mal ? Distinguo. Tout


dépend de la qualité du perroquet.

« Tenez, j'ai demandé l'autre jour à la fille de mon maçon, laquelle a son


brevet : « Qu'est-ce que c'est que Victor Hugo ? » Elle m'a répondu sans


bégayer : « C'est le roi d'Italie, monsieur. » Je parie bien qu'un perroquet


n'aurait jamais de lui-même trouvé cette bêtise.

« Quoi qu'il en soit, Jacquot était déjà beaucoup plus savant, et surtout


plus expérimenté que Cabasse, par la raison qu'il avait déjà vu des hommes,


tandis que Cabasse n'avait jamais vu de perroquet.

« Et puis, il faut bien le dire, les paroles que répètent les perroquets


tombent quelquefois avec tant d'à-propos, qu'ils vous ont l'air d'avoir une


intelligence surprenante. Aussi, ai-je toujours trouvé naturel le sentiment de


cette vieille dévote qui me disait :

« Chaque soir je suis forcée de couvrir d'un voile la cage de ma perruche ;


elle parle si bien, monsieur Cabissol, que pour rien au monde je ne me


déshabillerais devant elle ! »

« Le maître de notre perroquet tomba malade à bord du bateau, dès le premier


jour de la traversée, que le mauvais temps prolongea d'une quinzaine. L'oiseau


familier perchait nuit et jour au bord du hamac de son maître, et il se


fortifiait d'heure en heure dans la connaissance du parler moco, qui est,


comme vous savez, un patois provençal francisé, du plus haut ragoût.

« Le bateau passa un temps à Marseille, puis il arriva un beau soir dans le


port marchand de Toulon.

« Le matelot, descendu à terre, croyant son perroquet plus apprivoisé qu'il


n'était en réalité, négligeait souvent de le mettre en cage… Il le laissait


libre dans sa chambre. Un matin, Coco s'envola.

« Son maître eut beau le suivre en criant : « Coco ! Coco ! », par petits


bonds et par petits vols il s'éloignait toujours davantage.

« Quand la nuit vint, la poursuite fut abandonnée. Le lendemain Coco était


arrivé sur les cimes boisées du Coudon, à quatre lieues de notre premier port


militaire, à huit cents mètres du niveau de la mer.

« De là Coco pouvait voir toute la Méditerranée au sud, sur sa tête le plus


beau ciel du monde, et Draguignan du côté de l'est.

« Le surlendemain, dès la première pointe du jour, il s'envola vers le


chef-lieu en récitant aux échos des montagnes son répertoire : fragments de


romances, jurons de bord, mots salés du gaillard d'avant. Il déjeunait à toute


minute d'une olive ou d'une amande, puis repartait d'un vol plus décidé vers les


collines qui entourent Draguignan.

« Et voilà que le soir du troisième jour, un peu avant le coucher du soleil,


Coco vint se percher sur le frêle amandier qui se dressait au bord de l'aire, à


trente pas de la bastide de Marius Sidoine Cabasse sur le coteau, au-dessus de


Figanières.

« Cabasse, pétrifié d'étonnement en voyant l'oiseau inconnu, s'écria :

« – Oï ! vé ! une poule verte ! »

« Puis, sans autre réflexion, il rentra quérir son fusil, et du seuil de sa


maison il épaula… Pauvre Coco ! tu auras traversé les océans, bravé, surmonté


les dangers de la tempête, pour venir tomber bêtement sous le plomb d'un Cabasse


qui ne sait pas distinguer un perroquet d'une poule ! Ce que c'est que de nous,


pourtant !

« Le tonnerre d'un coup de fusil éclata et se prolongea longtemps dans l'écho


des vallons. Que de bruit, bon Dieu ! pour si petit gibier ! L'homme qui n'avait


jamais vu de perroquet courut ramasser sa proie, et tout en soupesant dans sa


main le pauvre petit corps frémissant, dont la tête pendait, secouée par les


hoquets de l'agonie, – il souffla sous les plumes pour les rebrousser, et pour


voir si son gibier ferait un bon rôti. Hélas ! il n'aperçut qu'une peau


blanchâtre, flasque, toute plissée. Si bien qu'il ne put s'empêcher de s'écrier


tout haut :

« – Oï ! qu'il est « mégre » !

« À quoi, Dieu aidant, l'agonisant perroquet répondit, de sa voix caverneuse,


par ces paroles, celles – soyez-en sûr – que lui avait le plus récemment


apprises son maître :

« – Je suis été un peu malade ! »

« Stupéfait, tout saisi d'une terreur subite, l'homme laissa tomber le


perroquet à terre, et ôtant vivement son chapeau, d'un mouvement humble et


contrit :

« Oh ! pardon, môssieur… Ze vous avais pris pour « un joizeau » !

– Celle-là, voui, dit Maurin, qu'elle est drôle ! j'en rirai jusqu'à ma


mort ! »

Hélas ! le lendemain au soir, Maurin sortit dans l'intention de tuer un


sanglier ; et, au matin, il ne rentra pas !

« Tonia, dit, ce matin-là, à sa fille, le brigadier Orsini, tu ne sais pas ?


On raconte que Grondard a assassiné Maurin !

– Ce n'est pas possible ! je ne le crois pas, dit-elle, épouvantée quand


même. Maurin se méfiait trop… Un Grondard ne tue pas comme cela un Maurin, même


par surprise !

– Si, si ! confirma le cantinier du Don qui accourait chez Orsini. Ce n'est


que trop véritable. Maurin était, cette nuit même, à l'affût des sangliers et il


venait de décharger son fusil de ses deux coups, quand, désarmé comme il


l'était, et assis dans son étroite cabane de branchages, il fut attaqué par


Grondard.

– Mais comment le sait-on ?

– Il paraît que cette brute de charbonnier se vante de son coup.

« Il est fier d'avoir su profiter du moment où Maurin était empêché dans les


broussailles sous le couvert bas de sa cabane d'affût. Maurin voyant, au clair


de la lune, à travers les branchages qui formaient sa cabane, luire et s'avancer


contre sa poitrine la longue canardière de Grondard, la saisit à pleines mains.


Alors Grondard tira. Il paraît que Maurin en tombant a poussé un cri de lion. Si


bien que son assassin s'est mis à fuir comme si notre pauvre Maurin eût été


encore vivant, pechère ! et capable de se revancher ! »

Tonia s'était évanouie.

Quand Pastouré raconta ces choses, le soir même, chez M. Rinal, – Cabissol,


ému d'abord, répondit après un silence :

« Cela me semble impossible ; je ne peux pas admettre que Maurin soit mort


ainsi ! d'une façon si contraire à son caractère, à la logique de sa vie. Un


Maurin ne se laisse pas surprendre par un Grondard. Il l'entend venir, il le


déjoue.

– Vous oubliez que plus d'une parmi de très illustres existences s'est


terminée par l'accident ou par l'assassinat, répondit tristement M. Rinal.

– Les accidents sont logiques la plupart du temps, s'écria Cabissol, ils


arrivent à ceux qui les attirent. Quant à l'assassinat, il ne réussit jamais


avec un Napoléon ! Oui, oui, il y a des hommes plus grands que la destinée. Et


Maurin était de ceux-là. Maurin n'est pas mort !

– Vous oubliez que Maurin n'est pas un personnage de roman. Et quand il ne


serait pas autre chose, pourquoi son histoire ne se terminerait-elle pas au plus


beau moment ? en vertu de quelle esthétique ? Si le roman doit peindre la vie


telle qu'elle est, il doit pouvoir s'interrompre brusquement. Et quant à la vie


elle-même, elle n'a cure des procédés du romancier ! »

M. Cabissol protesta :

« Rien ne m'ôtera de l'idée qu'il n'est pas mort. Il a trouvé son île d'Elbe,


voilà tout ; il reviendra, ne fût-ce que pour cent jours. »

Il y eut un silence :

« Je l'aimais, cet homme-là, ajouta-t-il.

– Et moi donc ! » dit M. Rinal que l'émotion gagnait de plus en plus.

– S'il était mort, grogna Pastouré, quelque chose me le dirait !

– Voyez-vous, dit Cabissol, sentiment à part, la mort de Maurin me laisserait


aujourd'hui l'impression d'une belle destinée interrompue avant l'heure… Et, à


propos, savez-vous que Jean d'Auriol… ?

– Quel Jean d'Auriol ?

– Le licencié en droit, Jean, le frère de Paul et de Pierre.

– Bon. Et qu'alliez-vous nous dire de lui ?

– Je devais vous l'amener un de ces jours ; c'est une surprise que je voulais


vous faire. Il a commencé, sur mes instances, une sorte de biographie de Maurin


des Maures, une manière de roman tout coupé d'anecdotes et de récits, sur le ton


de nos contes populaires… La mort de Maurin va le consterner ; il rêvait pour


son héros une longue suite d'aventures… Depuis quelque temps je lui envoyais


journellement des notes… Il m'écrivait hier : « Si Maurin laisse le gendarme


épouser la Corsoise, le roman se terminera fort mal. »

– Il me semble, dit M. Rinal, qu'un romancier a le droit et presque le devoir


d'imaginer au moins un dénouement. Votre d'Auriol n'est-il qu'un réaliste ?

– J'ai donc eu tort, dit M. Cabissol, de me servir du mot roman. Jean


d'Auriol voudrait être l'historiographe de Maurin ; il le connaît fort bien, lui


aussi, et l'aime beaucoup ; il prétend avec moi que son histoire jusqu'ici est


expressive de tout un aspect du caractère méridional… le côté jovial et


gouailleur.

– Hélas ! soupira M. Rinal, il est probable que si Maurin venait à mourir en


ce moment, la belle Tonia se consolerait avec Sandri !

– Noum dé pas Dioù ! s'écria Pastouré, – j'aimerais mieux l'épouser moi-même,


bien que j'aie pris les femmes à l'odi (en horreur), plutôt que de la laisser à


ce gendarme de carton ! »

Il y eut un assez long silence.

« Voyez-vous, dit M. Rinal, il est bien probable que, par des moyens que


j'ignore et pour une raison qui nous échappe, Maurin aura jugé bon, tout à coup,


de faire courir le bruit de sa mort !

– Vous devez être sorcier, mon brave M. Rinal, dit Pastouré, je mettrais ma


main au feu que les choses sont comme ça et pas autrement… Allons, adieu… que je


vais aux nouvelles !

– Et où cela, mon bon Pastouré ?

– Laissez-moi faire, dit Pastouré, je finis toujours par retrouver mon


Maurin, moi ! Mort ou vivant, je le trouverai. Aussi bien moi que mon chien Pan


pan, quand nous sommes sur une piste, nous rencontrons au bout ce que nous


cherchons… À vous bientôt revoir ; maintenez-vous ! »

Pastouré sortit, et quand il fut seul sur la route, au clair de lune il se


parla ainsi à haute voix :

« Qu'il soit mort, notre Maurin, n'en croyez rien, braves gens ! Il en a


encore à dire et à faire, et qui seront toutes meilleures les unes que les


autres. Il les fera trimer encore, les gendarmes ! Il en aura encore, des


procès-barbaux ! Il n'a pas fini d'en tuer, des lièvres et des lapins ! Et il


n'a pas fini de plaire aux belles filles, croyez-moi, puisque c'est moi que je


vous le dis… Nous en conterons encore ensemble, des galéjades, mon vieux


Maurin !… Non, non, il n'est pas mort. D'abord, voyons un peu… en quel endroit


était-il à l'affût, cette nuit ? Il me l'a dit hier en partant. Il est allé au
Suvé Rampaoù ; oui, cela est cela. Eh bien, quelle


distance y a-t-il d'ici au Suvé ? Une petite lieue, à peine. Et alors,


connaissant son chien comme je le connais, je suis sûr et certain qu'il serait


revenu, le brave Hercule, chez M. Rinal, où il savait que je veille à


l'accoutumée tous les soirs, et m'aurait tiré par la veste comme pour me


dire :

« – Ouah ! Ouah ! viens vite, que le maître a besoin de toi ! »

« Ce n'est pas la première fois que cela serait arrivé. C'est arrivé


notablement cette fois où Maurin, tombé dans un trou avec une entorse, voilà


quatre ou cinq ans, – comme le temps passe ! – n'en pouvait plus sortir. Son


chien vint me chercher et je suivis son chien, un chien qui vaut plus que


beaucoup d'hommes, et je tirai Maurin d'affaire. C'est pourquoi je peux me jurer


que Maurin n'est pas mort et je ne me trompe pas, croyez-le-vous !… Pourtant, je


sais très bien qu'une mort dans ce genre, c'est son destin, mais quelque chose


me dit que ça n'est pas encore son heure…

« Et cependant, que sommes-nous en ce monde ? Pas grand-chose, si peu que


rien, des rien-du-tout qui ne pèsent rien, et la mort travaille comme elle veut.


Tu es là aujourd'hui, mais demain tu n'y es plus ; et, pechère ! où l'un va,


l'autre finit toujours par y aller ! Mais il est vrai aussi que, des fois,


lorsque vous croyez avoir fini, voilà, vous recommencez ; et, des fois, vous


commencez à peine, que, voilà, tout est fini… une tuile avec encore une tuile,


ça fait deux tuiles… deux tuiles avec encore une tuile, ça fait trois tuiles…


trente et un, trente-deux ; c'est tantôt le tiers, et tantôt le quart ; quand il


n'y en a plus, il y en a encore ; aussi bien il me pleut par-devant que


par-derrière ; ce qui est marqué, tu ne peux pas le changer ; l'un va devant, et


l'autre le suit ; si c'est ton moment, rien à dire ; on ne sait ni qui vit ni


qui meurt, et le dernier fermera la porte…

« C'est égal, celui qui tient le registre – il faut qu'il ait une fameuse


tête pour marquer, sans s'y embrouiller, les entrées et les sorties, les


naissances et les morts, les baptêmes et les mariages ! Ça serait trop


d'affaires pour moi… Qu'heureusement je ne suis pas leur saint du


Plan-de-la-Tour, car autrement il me faudrait, un de ces quatre matins,


remplacer le Bon Dieu en personne ! Et ce sont là des positions qu'on ne peut


pas occuper sans une grosse expérience ; l'expérience ne s'attrape qu'avec la


vieillesse et la vieillesse ne vaut rien ! Voilà pourquoi je ne voudrais pas de


la place du Bon Dieu. Non, je n'en voudrais pas, de sa place, quand bien même,


suivi de tous les anges qui joueraient tous ensemble de la flûte et du


tambourin, et accompagné du grand saint Pierre, il viendrait me l'offrir


lui-même à genoux, avec les clefs de son Paradis portées sur un coussin de


velours subredoré et tout brodé de fleurs par la Sainte Vierge ! « Non,


Seigneur, que je lui dirais, c'est bien de l'honneur que vous me faites, mais ce


serait véritablement trop de soucis pour moi ! Adressez-vous à d'autres pour


vous débarrasser du gouvernement ! Dans votre métier, Bon Dieu ! que


deviendrais-je ? Rien que pour écouter les imbéciles qui tous les jours vous


demandent la lune dans leurs prières, il doit y avoir trop de cassements de


tête. Et pour faire la justice, dans tant de pays différents et qui tous


bataillent les uns contre les autres, comment m'y prendrais-je, pauvre de moi,


puisque – parlant par respect, – vous-même n'y parvenez pas tous les jours !


Non, non, excusez-moi bien, Mestré, et adressez-vous à d'autres… pourquoi moi,


voyez-vous, je suis d'Auriol… Et ceux qui n'en sont pas, je leur conseille de


dire qu'ils en sont. – Ainsi soit-il ! »

Les Lauriers-roses. – La Garde. –
Var.

Lire la suite des aventures de Maurin des Maures dans
L'Illustre Maurin.

Source: Wikisource


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