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LES éCREVISSES

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Texte ou Biographie de l'auteur

Jacques Normand est avocat à 21 ans, puis étudiant à l'École des chartes. En 1870, il s'engage dans les gardes mobiles (les moblots). Démobilisé, il obtient en 1875 son diplôme d'archiviste-paléographe. Il devient ensuite prosateur, romancier, poète, journaliste, auteur pour le théâtre.


 


Il épouse la fille de l'académicien Joseph Autran. Sa fille Jacqueline épouse le comte Bérenger de Miramon Fitz-James en 1907. En 1918, il est vice-président de la Société des gens de lettres, où il crée le prix littéraire qui porte son nom.


 


Source : Wikipédia


 





LES ÉCREVISSES



JACQUES NORMAND


 


1879


 


FANTAISIE EN VERS
DITE PAR
Benoît Constant Coquelin, dit Coquelin aîné de la Comédie-Française


A MON AMI C. COQUELIN







I


 


Trente-neuf ans, fortune ronde,
Célibataire et bon garçon,
Depuis qu'on m'avait mis au monde
J'habitais à Pont-à-Mousson.
Jamais — de mes destins propices
Poursuivant le cours régulier —
Je n'avais mangé d'écrevisses
En cabinet particulier.







II


 


Fidèle à ma ville natale,
Je n'attachais que peu de prix
Aux plaisirs de la capitale…
Je ne connaissais pas Paris.
De ce foyer de tous les vices
Je savais — détail familier ! —
Qu'on y mangeait des écrevisses
En cabinet particulier.







III


 


Avez-vous connu Véronique ?…
Ma tante ?… Non ?… — Ça ne fait rien !
Me trouvant son parent unique
Quand elle mourut, j'eus son bien.
Je dus, pour certains bénéfices,
Gagner Paris, comme héritier…
Et je songeais aux écrevisses
En cabinet particulier.







IV


 


Cependant, réglant mes affaires,
Je refis vite mon paquet,
Car Paris ne me plaisait guères
Et Pont-à-Mousson me manquait.
J'allais partir plein de délices,
Quand j'eus le désir singulier
D'aller manger des écrevisses
En cabinet particulier.







V


 


C'était ma dernière soirée.
Quand vers six heures moins le quart
— Heure à mon dîner consacrée —
Je descendis au boulevard :
De Brébant, lieu des plus propices,
Je gravis le large escalier…
Et commandai des écrevisses
En cabinet particulier.







VI


 


Nous avions un salon praline…
Je dis nous, car bien vous pensez
Que seul, j'eusse fait triste mine
Vis-à-vis de vies crustacés.
Une enfant blonde, aux cheveux lisses,
Daignait m'avoir pour cavalier…
Et partageait mes écrevisses
En cabinet particulier.







VII


 


Que vous dirai-je ?… Elle était belle !
Nos cœurs battaient à l'unisson....
« Ah ! si tu m'aimes, me dit-elle,
« Ne va plus à Pont-à-Mousson ! »
Je dus céder à ses caprices :
Le lendemain, pour varier…
Nous remangions des écrevisses
En cabinet particulier.







VIII


 


Dès lors un tourbillon m'entraîne…
Par l'engrenage je suis pris…
Deux jours, trois jours, une semaine,
Six mois… et je reste à Paris.
Je glissais dans des précipices,
Cherchant en vain à m'enrayer…
Il me fallait des écrevisses
En cabinet particulier !







IX


 


Le tête-à-tête obligatoire
Pas une fois ne fut banni :
Mais — brune ou blonde, blanche ou noire —
Il se changeait à l'infini.
Seul, présidant aux sacrifices,
Le menu restait régulier…
C'étaient toujours des écrevisses
En cabinet particulier !







X


 


Oh ! ces femmes étaient divines !
Des mains ! des dents !… un sans-façon !
Et des œillades assassines
A troubler tout Pont-à-Mousson !
J'aurais voulu que tu les visses,
Saint Antoine, sans sourciller…
Croquant leurs pattes d'écrevisses
En cabinet particulier !







XI


 


Mais hélas !… Au bout d'une année
Je vis — sans être encore lassé ! —
Qu'en ma course désordonnée
Tout mon avoir était passé !
Plus rien !… Rentes et bénéfices,
Véronique… et mon mobilier…
Absorbés par les écrevisses
En cabinet particulier !







XII


 


Mais je suis d'une rude étoffe !
Et, guéri par cette leçon,
— Trop tard, hélas ! — en philosophe
Je revins à Pont-à-Mousson.
Pour expier mes anciens vices
J'y suis devenu marguillier…
Ne mangez jamais d'écrevisses
En cabinet particulier !





 





 


 
Source: http://fr.wikisource.org/wiki/Les_%C3%89crevisses_(1879)

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