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LA CIGALE ET LA FOURMI

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Musique : Bruitage cigales de Provence : http://www.universal-soundbank.com/
Illustration : Jean-Jacques Grandville (1803-1847) 
Dessinateur, aquarelliste, caricaturiste et lithographe.







Texte ou Biographie de l'auteur

E. M. Laumann (1862-1928) Romancier. -


 Prénoms selon l'état-civil : Charles Ernest


La cigale et la fourmi


Certainement, vous vous souvenez de la pauvre cigale dont vous parle La Fontaine, qui, confiante dans le bon coeur de la fourmi, sa voisine, voyait venir l'hiver sans trop d'inquiétude.


 


« Ma commère, pensait-elle, me prêtera bien quelques grains pour subsiter jusqu'au printemps. »


 


Hélas, la pauvrette se leurrait, car, nous le savons, la fourmi n'est pas prêteuse, et, au lieu du grain demandé, la cigale n'eut que l'ironique conseil de danser, puisque la saison de chanter était passée.


 


Le coeur gros, la cigale s'en allait donc pleine d'inquiétude et de chagrin. Or, sur sa route, elle rencontra un grillon qui rentrait chez lui, et elle l'interpella.


 


« Qu'avez-vous donc, ma gentille amie, à soupirer de la sorte ?


- J'ai bien de la peine, monsieur le Grillon. Je suis, vous le savez, une assez bonne personne, mais j'ai de grands défauts ; je ne suis ni économe, ni prévoyante, et je n'ai plus rien pour attendre l'été : la fourmi, en qui j'avais toute confiance, m'a cruellement mise à la porte.


- En effet, voilà qui est fâcheux, mais écoutez, ne vous désolez pas. Nous allons peut-être sortir de cet embarras. C'est très petit chez moi, je vis seul et suis modeste, mais on trouvera bien quelque coin pour vous mettre, où du moins vous serez à l'abri du vent, du froid et de la pluie. »


 


La cigale fut vivement touchée, elle se confondit en remerciements, et nos deux amis se remirent à trotter à travers champs.


 


Au loin, tout au bout de la plaine, se dressait une ferme.


 


« C'est là, dit le grillon ; les habitants ne sont pas méchants, mais il vaut tout de même mieux ne pas se montrer. Attendons la nuit. »


 


Tapis sous une motte d'herbe, les deux insectes attendirent, tout en causant à voix basse. Le grillon affirmait que l'hiver serait rude, et la cigale, qui avait repris courage, répondait que les rudes hiver font les beaux étés, et déjà, dans sa petite tête, elle se voyait voletant au soleil, courant dans les sillons et mangeant tout à loisir les meilleures graines du monde.


 


La nuit était enfin venue ; les vaches, les moutons, les bêtes de labour étaient toutes rentrées, et la cigale, qui commençait à avoir froid, souhaitait vivement prendre possession de son nouveau domicile.


 


« Patience, dit le grillon, les maîtres du logis sont encore à table, les chiens sont autour d'eux et si l'un d'eux nous voyait, nous serions perdus. »


 


La cigale ne souffla mot et, toute grelottante, attendit.


 


Enfin, les chiens furent amenés dans la cour et attachés dans leur niche, les lumières s'éteignirent et tout bruit cessa.


 


Il faisait un clair de lune admirable. Les deux insectes quittèrent leur motte d'herbe.


 


« C'est là, dit le grillon, en arrivant au bas d'une porte ; baissez-vous. »


 


« Pouah, dit-elle, ça sent le renfermé !


- Pour vous qui avez l'habitude de vivre en plein air ; pour moi, je ne m'en aperçois même plus. »


 


La cigale sentit qu'elle avait dit une sottise ; elle se laissa conduire sans rien ajouter.


 


« Voilà, dit le grillon, la cheminée ; c'est là que j'habite : ce tout petit trou, là, à gauche ; vous, vous pouvez vous mettre dans celui-ci, il est plus grand, ça sera tout à fait votre affaire.


 


- Il y fera bien chaud, répliqua la pauvre cigale ; enfin, merci tout de même, vous êtes un bon coeur, je m'en souviendrai. »


 


Le grilla mena son amie par la chambre ; ils trouvèrent à terre, dans les coins, sous la table, de menues choses qu'ils mangèrent, puis chacun s'en fut coucher.


 


La cigale n'était pas très heureuse, mais du moins elle ne souffrait ni du froid, ni de la faim. Pendant le jour, nos deux petits personnages se tenaient cois, mais la nuit venue, après avoir écouté tous les propos qui s'échangeaient à la veillée, ils se promenaient et mangeaient, puis, au petit jour, chacun rentrait dans son trou.


 


L'hiver passsa, puis vint le printemps, et la nature était en fête, quand un soir la cigale prit congé de son compagnon, lui promettant de ne pas l'oublier et de n'être pas ingrate.


 


« Ah ! Ah !dit-elle, dès son premier saut dans un champ, du moins ici on respire. »


 


Et, toute joyeuse, elle se mit à chanter.


 


Quand le soir arriva, la cigale chantait encore ; tous les insectes du voisinage, le charançon, la bête à bon Dieu, le puceron, la mouche faisaient cercle autour d'elle, charmés, lorque passa dame Fourmi qui traînait une petite graine jusqu'à la fourmilière ; elle haussa les épaules de pitié et, sans s'arrêter même une minute à la douce chanson de la cigale, elle continua son chemin.


 


L'été passa ; souvent le grillon s'en allait dîner à la campagne, chez son amie la cigale, qui s'ingéniait à lui donner tout ce qu'elle pouvait trouver de meilleur, puis elle l'accompagnait jusqu'au seuil de sa demeurre : jamais on n'avait vu de si bons amis.


 


L'automne était venu, et la cigale commençait à trouver le temps frais, lorsqu'un jour sur le revers d'un petit chemin, elle rencontra dame Fourmi qui pleurait à chaudes larmes.


 


« Mon Dieu, ma commère, qu'avez-vous à pleurer ainsi ?


- Ah ! ma commère, il m'arrive un bien grand malheur, allez... mais à quoi bon vous le dire ? Cela ne vous intéressera sans doute pas.


- Pourquoi donc ? Je compatis au malheur de tous.


- Eh bien, un grossier cheval qui était sorti du chemin, où pourtant son devoir le retenait, a mis le pied sur notre fourmilière. Il a fait un épouvantable carnage, toutes mes soeurs sont en fuite, les magasins sont détruits, et je ne sais ni où loger, ni quoi manger.


- Voilà qui est triste, en effet, dit la cigale sans malice ; vous êtes absolument dans la même situation que moi, lorsque j'allai chez vous...


- Je vous ai bien mal reçue, dit la fourmi honteuse.


- C'est vrai, dit la cigale, mais je ne veux pas m'en souvenir, et nous allons tâcher avec mon ami le grillon de vous tirer d'embarras. »


 


Le grillon se prêta de fort bonne grâce à la réalisation du projet de la cigale.


 


Après une longue conférence, on le vit bientôt trotter à travers les prés, à travers les bois, de brin d'herbe en brin d'herbe, annonçant qu'avant que l'hiver n'arrivât définitivement, Mme la Cigale allait donner son dernier grand concert, au profit d'une fourmilière ruinée.


 


Dans le monde des insectes, la cigale était très aimée. Aussi accoururent-ils en foule à son appel. On vit autour d'elle toute la gent ailée, et chacun avait apporté son obole, si bien qu'il y avait dans la clairière où l'on s'était réuni un gros tas de grains et de vermisseaux.


 


Le succès de la cigale fut magnifique, et chacun l'applaudit à sa façon. Perché sur un arbrisseau, le grillon était fier de sa camarade, et il donnait le signal des bravos.


 


Lorque le concert fut terminé, la cigale montra à la fourmi les provisions qu'on lui avait laissées, et elle lui dit :


 


« Prenez tout, ceci est pour vous ! »


 


Dame Fourmi, très émue, répondit :


 


« Vous sauvez la vie non seulement à moi, mais à tous les miens, car nous avons maintenant plus de grains que nous n'en avions mis de côté. Quand je pense à la façon dont je vous ai accueillie l'hiver dernier, je suis si confuse, que je ne sais comment vous remercier, et comment reconnaître tant de bonté.


- Oh ! c'est bien simple, dit la cigale : n'oubliez pas ce qui vient de se passer, et ajoutez à toutes vos qualités celle d'être bonne et compatissante, et si quelqu'un vient un jour frapper à votre porte pour vous emprunter de quoi subsister jusqu'à l'an prochain, prêtez-lui, par amitié pour moi. Sur ce, adieu, ma commère, et souvenez-vous que ceux qui chantent et qui rient ont toujours bon coeur. »


 


La fourmi s'en alla, emportant ses graines et la leçon.


 


Le grillon dit :


 


« Vous avez bien fait, ma commère ; puisse-t-elle devenir meilleure. Sur ce, bonsoir ; l'hiver sera rude, je sens mes vieilles douleurs qui courent déjà dans mes pattes de devant.


 


- Eh bien, dit la cigale, rentrons dans notre trou, chauffez-vous, et bonsoir ! »
Source: http://touslescontes.com/biblio/conte.php?iDconte=401


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