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LA CUSHMA

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Documentaliste français, l'imagination florissante a toujours été innée chez Claude Cotard.Elle a bien souvent été un exutoire lui permettant de s'évader d'une réalité pas toujours satisfaisante, principalement dans son enfance.
Une vie pleine de rebondissements et quelques rencontres passionnantes l'ont encouragé à écrire, notamment Auguste Le Breton ou Simone de Beauvoir, mais bien d'autres encore.
Avec de tels encouragements, il s'est donc mis à écrire son histoire, mais aussi ces autres histoires qui lui passaient par la tête.
Entre romans et essais philosophiques, entre poésie et biographie en passant par les chroniques, l'écriture est très vite devenue pour lui une passion.




Texte ou Biographie de l'auteur

Claude Cotard

De Paris à Lima

D'où vient cette idée d'expédition en Amazonie ?
Il nous semble nous souvenir qu'il vient d'un désir d'autre chose.
Nous étions trois autour d'un verre un soir chez Brad. L'idée a dû germer comme ça, et nous y sommes accroché comme un enfant s'accroche à un rêve.
Bradell dit Brad, un jeune camerounais, saxophoniste, que j'avais connu dans un club de jazz, rue de la huchette à Paris.
Julien, un Indo mauricien, que j'avais connu dans un bar mal famé et qui flirtait plus ou moins avec le milieu, a l'époque, un peu comme moi.
Besoin de changer de vie, de voir autre chose. Tous les trois, enfants, avions rêvés d'être plus tard aventuriers.
La vie s'était chargée de nous conduire sur d'autres routes.
Puis vint cette soirée. Peut-être à l'issu d'un reportage télé. Bref, l'idée est venue de faire cette expédition.
Lucide malgré tout, et sans trop en savoir les raisons psychologiques, nous nous y sommes accrochés.
Pendant des semaines, des mois, nous avons couru Paris a nous documenter auprès de ceux qui avaient fait le voyage. Les avis étaient unanimes. Chacun reconnaissait, des mois après leur retour, que c'était une expérience unique et inoubliable dans leur vie. Ce qui nous donna d'autant plus envie de persévérer.
Moi étant à l'armée alors. Brad musicien la nuit dans divers clubs. Juju se débrouillant, comme il disait .
La rencontre de Xavier Maniguet y fut, je pense, pour beaucoup aussi.
Xavier Maniguet,médecin colonel français, tropicaliste, qui, des années plus tard, sera impliqué dans l'affaire du Rainbow Warrior.
Toujours est-il qu'un an plus tard, en novembre 1977,
nous étions prêts a partir. Moi j'ai fini mon service militaire.
Nous avions réuni les informations, le matériel, le minimum financier et une idée assez précise du lieu où nous allions mettre les pieds. Des aléas en tout cas pour survivre en milieu hostile.
Et nous voila le 26 novembre 1977 à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle, cet aéroport qui vient de fêter ses 3 ans.
Nous enregistrons nos sacs à dos pour Lima, le coeur battant.
Nous nous disons quand même que nous sommes cinglés. Partir ainsi sans savoir si ce que nous avons appris correspondra à la réalité sur place. Si nous ne partons pas ainsi vers l'inconnu, peut-être vers la mort. Si nous reviendrons un jour.
D'un autre côté, rien ne nous retient ici. Ni travail, ni femmes, et la famille même pas.
Un mélange de sentiments nous étouffe. Entre la joie et le bonheur de partir et une certaine appréhension.
Nous sommes assez lucides pour savoir que peu, encore, ont fait l'expédition en tant qu'amateur, mais que tous ne sont pas revenus.
Sommes-nous assez prêts malgré les vaccins, la préparation, l'étude des lieux et des conditions de vie ?
D'autant que seul Brad parle espagnol, un peu de quechua, langue du Pérou, qu'il a appris avec une amie originaire de Cuzco.
La compagnie néerlandaise KLM nous conduit de Paris à Amsterdam, et de là, nous prenons un autre avion pour Lima.
Durant ce long vol d'environ treize heures, avec une escale à l'île d'Aruba, au large des côtes vénézuéliennes,après neuf heures de vol. Aruba, petit caillou de cent mille habitants entouré par des plages et sous domination hollandaise.
Cette relique des temps coloniaux constitue un petit îlot de richesse (relative) parmi la zone caribéenne, et beaucoup de ses habitants n'échangeraient leur statut de Hollandais pour rien au monde.
Nous n'avons pas le temps de faire connaissance avec les autochtones de l'île, et nous restons cantonnés dans le petit aéroport.
Nous observons tout ! Affamés de nouveautés, de nouvelles cultures, d'un Nouveau Monde, d'aventure.
Nous nous sentons comme Christophe Colomb,Vasco de Gama lorsqu'ils firent leur premier voyage en terre inconnue. Comme Alain Bombard au moment de partir.
La dernière partie du voyage commence, il ne reste plus que quatre heures et demie de vol pour atteindre notre destination.
Nous survolons la Colombie, et notamment Bogota, cette métropole tentaculaire et anarchique de près de huit millions d'habitants.
Et nous finissons enfin par atterrir à l'Aeropuerto Internacional Jorge Chávez de Lima, Perú.
À peine un pied posé sur le sol, nous réalisons que notre expédition n'est déjà pas au point.
Nous avons étudié le climat. La flore et surtout la faune. Les coutumes et la géographie. Nous nous sommes préparé physiquement. Mais nous n'avons pas pensé à un lieu pour dormir.
Nous nous sommes dit que nous nous débrouillerons sur place.
Sur place, nous y sommes maintenant.
Nous trouvons heureusement un petit hôtel modeste pour passer la nuit. Car 13 heures d'avion nous ont épuisés.

Sans parler du décalage horaire et du climat tropical.
Demain il fera jour et nous aurons les idées plus claires.
Bien sur, aucun de nous ne parvient à dormir. Nous sommes trop nerveux à l'idée de ce Nouveau Monde qui nous attends dehors. Penchés à la fenêtre, nous observons, nous écoutons, nous humons et c'est un choc ; Lima est sale, bruyante, polluée. Nous n'avons vu que le pire, heureusement !
Nous décidons de sortir faire un tour malgré tout, nous n'avons pas fait cette expédition pour rester dans une chambre d'hôtel. Nous nous retrouvons sur la Plaza de Armas où grand nombre de Liméens s'étaient donné rendez-vous. Nous sommes stupéfaits par l'ambiance, d'autant plus qu'on s'y sent vite observé, épié.
Cette âme de ville coloniale parcourue par des vendeurs ambulants indiens et nombre de petits métiers donne au centre un aspect que nous avions survolé dans quelques westerns italiens.
De vieux cafés et clubs, avec vieilles boiseries, élégance guindée et charme des bâtiments coloniaux, essaiment dans cette partie de Lima. Beaucoup de prostituées. Souvent mineures.
Nous évitons les bidonsvilles qui pullulent ici. Nous aurons le temps plus tard de nous saper le moral. Nous savons, nous en avons aperçu quand même. Une telle misère nous paraît intolérable. Dans ce vieux quartier, nombreux sont les sans-abris, qui n'ont pas le minimum pour vivre.
Les taxis cherchent inévitablement à arnaquer les touristes fraîchement arrivés, aussi les évitons-nous.
Plus d'un tiers des 24 millions de Péruviens vit à Lima, soit 8 millions d'habitants.
Et ça se voit et ça s'entend. La ville est incroyablement bruyante, grouillante et polluée. Pour ajouter la touche finale au tableau, à cette période, là ville est nimbée d'un brouillard humide appelé le garùa. on ne voit pas le ciel et la ville revêt une pâleur fantomatique. On nous dit qu'il faut revenir en été, à partir de janvier, quand les bâtiments colorés de la vieille ville s'éclairent enfin et que les habitants de Lima profitent de la plage.
On a faim, mais ici, pour ne pas exploser notre budget il faut soit manger dans la rue (empanadas, papas rellenas), soit manger dans les restos économiques qui proposent des menus très copieux de 2,50 à 5 soles (1 à 2 euros) avec soupe, plat de résistance et boisson locale.
Nous commençons à nous demander si nous n'avons pas fait une folie de nous embarquer ainsi à l'aventure.
Un homme nous aborde et commence à discuter avec Brad, en espagnol.
Il nous recommande le "Barranco ", un quartier chic de Lima. pour le " ceviche ", une spécialité péruvienne de marinade de poisson. Nous propose de nous y conduire, mais nous rassure en précisant que c'est amicalement, que nous n'aurons rien à payer . On tente le coup, et c'est vrai que l'homme ne nous réclamera rien du tout.
Le quartier est très mignon et " occidentalisé " avec des belles maisons et des rues agréables pour flâner. Il y a le fameux "puente de los supires " ( pont des Soupirs) sorte de " ponts des arts " de Barranco où se retrouvent tout les amoureux. C'est vrai que la petite rue qui donne sur la mer est de loin l'endroit le plus romantique de tout Lima.
Ensuite, l'homme nous propose de nous ramener à notre hôtel.
Demain nous devons nous lever tôt pour profiter au maximum.
Pendant la route, nous discutons avec cet homme qui nous fait penser, physiquement, à Castro.
L'homme se nomme Abimael Guzman Reynoso. Il est originaire de la région d'Arequipa et professeur de philosophie à l'université d'Ayacucho.
Il a créé un mouvement de Guérilla d'obédience marxiste, fondé en 1970, mais n'en est qu'aux balbutiements.
Pour le moment, son principal apport, est de signaler le maoïsme comme nouvelle, troisième et supérieure étape du marxisme. Staline et Mao Tsétoung sont ses héros, si on peut dire. Ses modèles.
la grande lutte entre marxisme et révisionnisme est son cheval de bataille.
Nous on ne comprend pas tout à ces histoires, mais nous somme loin encore de deviner ce que deviendra Abimael et le mouvement qu'il créera quelques années plus tard : Le sentier lumineux.
Utilisant les méthodes de la de la terre brûlée, intimidations, chantages, assassinats, outre les enlèvements et vols,du trafic de la cocaïne. les guérilleros du Sentier lumineux pratiqueront une politique dont la population civile fera les frais de cette guerre, prise entre la violence terroriste de la guérilla et la violence contre-terroriste de l'État. Le Sentier Lumineux appartient aux groupes terroristes les plus meurtriers du globe.
Le 12 septembre 1992, Guzman sera capturé et condamné à la prison à vie. Il sera enfermé dans une prison construite spécialement pour lui dans la base navale de Callao.
Le groupe maoïste Sentier Lumineux est responsable de la mort de 38.
000 paysans.
Mais sur le moment pour ne voyons qu'un gauchiste, très engagé dans ses idées, mais encore sympathique. Il faudra attendre l'année suivante (1978) pour qu'il démissionne de l'université, et entre dans la clandestinité pour fonder le Sentier Lumineux.


Cuzco- Le contraste

Nous nous levons de bonne heure pour retourner à l'aéroport de Lima et prendre un avion à destination de Cuzco, où nous arrivons vers sept heures et demie . L'aéroport est tout petit, un groupe de péruviens accueille les voyageurs en entonnant des chants aux accents andins. Il fait froid dehors, nous sommes à près de trois mille quatre cents mètres d'altitude. Mais le soleil brille et le ciel est d'un bleu azur. L'ambiance est calme, presque villageoise, on se sent tout de suite bien à Cuzco, la capitale historique du Pérou, comme il est écrit sur une bannière à l'intérieur de l'aéroport. Le voyage semble enfin commencer.
Le contraste avec Lima fut saisissant. Une autre atmosphère. Là, nous nous sentons vraiment au Pérou. Notre voyage commence vraiment. Nous débattons sur un point pratique. Il nous faudrait quand même un guide.
Brad et Juju préféreraient une femme... Ha ces deux-là !
Comme partout au Pérou, Cuzco s'organise autour d'une place centrale, la Plaza de Armas. Celle de Cuzco est très belle, propre, bordée de jardins et de petits bancs joliment peins. En son centre, une belle fontaine. Tout autour s'étalent des bâtiments dans le style colonial espagnol avec des balcons en bois sombre. Une pure merveille que cette grande place. Toutes les rues autour de la place, mais également dans l'ensemble du centre-ville, sont pavées, ce qui confère à Cuzco un cachet d'autantisme supplémentaire.
De nombreux enfants s'approchent des touristes pour leur vendre des cartes postales qu'ils gardent soigneusement rangées dans des petites boîtes en carton.
Un peu partout dans la ville, des paysannes quechuas se promènent, certaines avec un lama au bout d'une corde.
C'est la première fois que nous en voyons en dehors du zoo de Vincennes.
Les petites écolières dans leur bel uniforme déambulent sous les arcades de la Plaza de Armas et dans les petites ruelles pavées.
Chaque école possède son propre uniforme et les garçons ne portent pas les mêmes costumes que les filles. Le soleil réchauffe la vallée, la température devient douce et agréable.
on ne trouve pas à Cuzco de bidon-villes insalubre et glauque comme c'est le cas à Lima, la capitale. Le centre-ville de Cuzco est sûr, on peut s'y promener seul en toute tranquillité, et jamais durant les quatre jours que nous y avons passés je n'ai ressenti de l'insécurité, même la nuit.
De belles filles aux longues jambes, aux cheveux longs et aux grands yeux noirs lancent des regards charmeurs au grand blond que je suis.
Je fais ainsi connaissance de Waynapata.
-"Tienes una novia ?" (tu as une copine ?)
-No ! Mauvaise réponse.
Brad, et Juju sont morts de rire et se moquent du tombeur, comme ils m'appellent.
Waynapata ne me lâchera plus et deviendra mon guide, un bien joli guide.
De petite taille, ses cheveux très longs descendent bien plus bas que son dos. Sa taille est fine et elle a des yeux et un sourire charmeur et malicieux. Quel âge peut-elle avoir ? 17 ans me dira-t-elle.
Vêtue d'une cushma, large tunique cousue des deux côtés, décorés avec des teintures et des motifs géométriques très élaborées sur un fond rouge typique de la région. Un chapeau en laine posé sur sa tête.
Heureusement, elle parle un peu français grâce à un missionnaire qui prit soin d'elle lorsqu'elle et sa famille quittèrent la selva (forêt) deux ans plus tôt.
D'après ce dont j'ai pu me rendre compte, les gens dans la rue, les vendeurs, les gamins, les jeunes filles,tous sont "ouvert".
Tous nous paraissent accueillants, chaleureux et prêts à engager la conversation.
Sincères, ils ne se forcent pas. Il y a en eux une réelle chaleur que l'on ne ressent plus chez nous, ou plus rarement, dans nos pays "développés ".
De Cuzco, La vue y est spectaculaire.
Les habitations sont en énormes pierres jointives caractérisant l'architecture inca. Le mélange des architectures inca et coloniale donnent un genre particulier à la ville.
Nous avons particulièrement apprécié le marché indien près de la gare. On peut y trouver toute la nourriture nécessaire pour préparer la suite du voyage. Nous flânons donc entre les magasins artisanaux et les petits cafés. Hors de question de fréquenter les coins à touristes grâce à Wayna. Nous ne voyons que de l'authentique. Nous buvons la chicha, boisson faite à base de maïs fermenté et de différentes herbes aromatiques, à une baraque en bois. Nous hésitons sur le masato quand Wayna nous explique que c'est fait par les indigènes de la forêt amazonienne, à base de manioc fermenté et de salive. Par contre, la chicha morada nous plaît mieux, boisson qui s'apparente à un jus de fruits dont la base est le jus du maïs violet.
Wayna nous fait découvrir aussi le camu camu, un fruit qui contient 40 fois plus de vitamine C que le kiwi. La Cecina , viande de porc assaisonnée et fumée qui peut se consommer crue ou cuite.
Les pâtisseries telles que : les alfajores, les picarones ou l'arroz zambito finissent par avoir raison de notre faim.
Nous nous rendons enfin à la forteresse de Sacsahuaman, qui jadis protégeait la ville de Cuzco et qui est impressionnante. Édifier avec des blocs de pierre énormes (certains pèsent plusieurs dizaines de tonnes), elle surplombe la ville (à 45 min de marche de la Plaza de armas).
Ces blocs de pierre sont si bien ajustés (sans ciment) qu'il est impossible de glisser quoi que ce soit entre deux pierres (on dit qu'il est impossible d'y glisser une lame de rasoir).
Wayna n'a pas tardé à me prendre la main pour marcher. Elle ne me quitte pas d'un pas et me lance des regards langoureux comme ses sourires. Quand elle m'offre un Churro (friture au lait sucré), qu'elle vient d'acheté, je veux lui donner un bisou sur la joue pour la remercier. Elle pose délicatement sa main sur ma joue pour tourner mon visage afin que ce soit nos lèvres qui se rencontrent. Aucune résistance de ma part.
Brad et Juju sont hilares et chantonnent "la maladie d'amour " de Sardou.
Bien sur, il est hors de question de rater le Machu Picchu, mais selon Wayna, comme je l'appelle, il faut y aller tôt, et elle nous propose d'organiser ça pour le lendemain, car c'est très cher, mais avec elle, nous ne paierons pas et seront considéré comme des visiteurs privilégiés puisque les principales autorités qui gèrent le site sont de sa famille ou des amis.
Ce qui nous plaît a Cuzco, c'est tout d'abord ce mélange fusionnel entre l'art inca et espagnol, mais également une certaines fiertés des Péruviens pour leurs origines indigènes. Nous ne l'avons jamais ressenti de manière aussi forte et c'est un plaisir de rencontrer une population qui revendique et réaffirme ses racines.
Les femmes, dans des tenues chatoyantes, portaient sur leur dos des bébés, enveloppes dans des couvertures traditionnelles. Le marche quotidien déployait dans les rues ses parfums et ses couleurs, pour mon plus grand plaisir.
A Cuzco il y a toujours une fête.
En fin d'après midi des groupes homogènes d'une trentaine d'enfants se déplace au son de ces rythmes andins, avec à leur tête, un porte-drapeau. Nous nous renseignons auprès d'adultes qui accompagnent ces enfants. Il s'agit juste de la fête d'une école de la ville. Par solidarité, une vingtaine d'écoles s'associent à la fiesta en faisant défiler une de leurs classes. La flûte de pans, le bonnet couvrant les visages. Certaines tenues nous font penser à tant de scènes de films. Les enfants sont heureux comme tout, d'abord grâce à cette grande fête, qui est la leur, mais aussi, car ils sont les vedettes des photographes et cameramen.
Nous nous coucherons assez tôt, car, comme nous en avertit Wayna, demain une rude journée nous attend, aventuriers que nous sommes. Ce n'est pas pour ça que, Wayna, qui partagera ma chambre, me laissera dormir...
Levé à 3h du matin. Nous prenons la route à 4h30.
A près de deux mille mètres, la végétation est tropicale, la forêt vierge a remplacé les hauts plateaux secs de l'Altiplano.
Il est sept heures quand nous nous lançons à l'assaut de la montagne, et d'après le registre déjà près de trois personnes nous précède.
1600 marches, 500 mètres de dénivelé pour arriver à ses portes. Lampe torche. C'est dur, très dur, j'entame mes forces, mes oreilles se bouchent, un voile blanc sur les yeux, la sueur qui dégouline, il doit faire au moins 40 degrés Celsius ce matin-là. Je respire en fonction de mes mouvements et tente de contrôler inspiration et expiration. Il nous faudra 40 minutes.
Le chemin qui mène en haut est des plus effrayants pour les personnes sujettes au vertige, passantau dessus du vide le plus gigantesque, mais ce n'est pas notre cas.
Et là se dresse le site juste devant nous, comme flottant dans les airs entre les cimes :
majestueux, et a en couper le souffle ! C'est un spectacle inimaginable ! Et nous le découvrons au fur et à mesure que le soleil se lève au loin.
Une fois entrés sur le site du Machu Picchu, nous prenons de la hauteur (2000m de dénivelé) pour admirer la cité dans son ensemble, avec en arrière-plan le Wayna Picchu, la montagne que l'on voit sur toutes les cartes postales.
On en est tous les trois émerveillés.
Les premiers rayons du soleil apparaissent et éclairent la ville déserte. C'est un vrai enchantement que de la voir s'illuminer au fur et à mesure. La luminosité est exceptionnelle.
Il est difficile d'expliquer avec des mots, des paysages auxquels le regard a du mal à croire, un poème pour les yeux écrit pour être admire. voilà qu'on rencontre des lamas venus brouter avec leurs petits de deux mois : ils sont adorables. Brad et Juju leur foncent dessus pour les photographier, mais ils ne sont pas décidés à se laisser faire, la mâchoire du mâle grossi dangereusement. Brad et Juju n'insistent pas et c'est à Wayna et moi de rire maintenant.
Pour être exact. Il nous faut tout d'abord traverser l'ensemble du site, et avant de commencer la montée, nous devons signer un registre dans un petit cabanon, une sorte de décharge pour les autorités qui veulent se laver de toute responsabilité. Avec Wayna ce n'est pas utile et nous passons comme une lettre à la poste.
Le mont Wayna Picchu, le "jeune pic ", culmine à près de deux mille sept cents mètres d'altitude. La place centrale de la cité est située à deux mille cinq cents mètres, mais il nous faut descendre de cent mètres avant de commencer l'ascension du Wayna.
Pour résumés, nous avons gravi un dénivelé de trois cent mètres. Ce n'est certes pas très impressionnant, mais la montée est très raide et les marches sont hautes. Il faut être en bonne condition physique pour effectuer le parcours, mais celui-ci n'a pas de difficulté ou de danger particulier.
Arrivés au sommet, sur des grandes pierres plates, nous contemplons toute la vallée autour du pic.
C'est le silence, car autant de beauté ne prête à aucun mot. Et les quelques touristes courageux qui nous ont rejoints ne disent mot. Leurs yeux sont fascinés.
Nous nous sentons minuscules au milieu d'une telle création céleste.
La descente est plus rapide et ne prend qu'une demi-heure et heureusement qu'il y a des cordes pour s'agripper, car la pente a un fort pouvoir d'attraction.
Mais rien ne me fera oublier le comportement inadmissible des touristes qui débarque par centaines comme en terrain conquis.
Au moment de partir, alors que l'on se rapproche de l'entrée, il y a soudain un touriste belge qui jette sa canette de bière sur un des petits murets de pierre du Machu Picchu pour faire peur à un des alpagas. En moins d'une minute raisonne un sourd grondement persistant des autres touristes qui sont arrivés et qui ébranle toute la montagne, un peu comme si tout le Machu Picchu allait s'effondrer. Tout le monde est choqué ! Et le bruit court que quelqu'un a osé polluer le Machu Picchu, cette merveille que tous, y compris Wayna et moi, sont déjà prêts à défendre au prix de leur vie s'il le fallait tant ils en sont tombés amoureux ! Qui a bien pu oser faire ça ? Toutes les têtes se retournent et mitraillent du regard ce touriste.
Je ne vous dis pas la colère qui s'élève en cet instant envers lui... lequel ne peut pas croire qu'il puisse être à l'origine de cette sinistre réprobation populaire, et ne sait plus où se mettre. Paniqué, il se sauve un peu plus loin...
Au fond, dans la vallée qui entoure littéralement le Machu, coulent les eaux limpides et glacées du Rio Urubamba. Il faut savoir que ce n'est pas une simple rivière, mais le plus grand fleuve du monde ! Ce n'est autre que le début de l'Amazone. D'abord appelé Urubamba, puis Ucayali (au confluent avec le Rio Apurimac), et enfin Rio Amazonas (au confluent avec le Rio Maranon), le fleuve change donc de nom à trois reprises.
Pour le retour sur Cuzco depuis le Machu Picchu, il faut se préparer à gagner durement sa place dans le train. Effectivement, la gare de Puentes Ruinas (Machu Picchu) n'est pas un terminus. C'est un train déjà bondé qui arrive en gare. Avant même l'arrêt complet du train, Indiens et touristes se précipitent aux portes des wagons. Bien sûr, il existe des convois réservés aux touristes (Autorail), mais ils sont bien plus chers ; et puis quel bonheur de voyager parmi les Quechuas !
Inutile de vous dire que nous sommes, bien sûr émerveillé, mais surtout hors service tellement la fatigue se fait sentir et que nous ne nous coucherons pas tard. Même si Wayna ne me laisse pas encore dormir, ce qui ne me demande pas de gros effort. Serait-ce le camu camu ou les feuilles que nous machons le soir ? (je ne sais pas alors que ce sont des feuilles de coca). En tout cas, ma libido ne s'est jamais si bien portée.
Le lendemain, levé à 5h et départ pour Santa Rosa .
10 heures de marches à travers des paysages magnifiques nous mènerons jusqu'à Cachora, dernier village digne de ce nom.
C 'est un petit village figé dans le temps avec ses maisons au toit de chaume, ses enfants courant en sandales et les gens parlant quechua. Le chemin, tranquille au début, permet d'admirer le paysage impressionnant dominé par la montagne enneigée de Suyruqocha, laissant sans voix.
Le chemin monte lentement entre eucalyptus. Le soleil tape fort et cette descente interminable est un véritable épreuve pour les genoux et les orteils.
Puis nous repartons en jetant un coup d'œil furtif vers le majestueux Padrayoc enneigé, perché à plus de 5482 m d'altitude.
Nous passerons par les bains Thermaux de Cconoc : Ses eaux ont des propriétés médicinales et sont idéales pour chasser la fatigue et relaxer les muscles, nous pouvons le confirmer et nous voilà en forme pour repartir. Les eaux se trouvent sur la rive gauche de la rivière Apurimac (anciennement appeler le roi des rivières ou le prince du profond), juridiction du district de Curahuasi, la ville de l'anis.Nous traversons les villages de Izcuchaca, Anta et Limatamba, traverserons le Rio Apurimac par le pont Cunyac où nous apprécierons l'immense vallée de l'Apurimac arrivant à Curahuasi et finalement à Cachora.
Au seul carrefour du village, nous installons sur le trottoir et discutons avec les commerçantes en avalant une bonne assiette de riz. de plus en plus ded touristes passent par Cachora, mais rares sont les fadas qui s'aventurent ici sans mules et sans guide. Nous, nous avons Wayna, heureusement. Nous pouvons voir des lieux que la plupart des touristes ne voient pas, passant à côté.
Les paysages alentours atteignent des hauteurs allant de 1 000 à 6000 mètres au dessus du niveau de la mer, ce qui engendre une grande diversité de flore et de faune sauvage.
On trouve notamment l'ours à lunettes et le condor.
Région extrêmement sauvage qui s'étendent du nord-ouest de Cuzco jusqu'au cours inférieur de l'Urubamba.
Nous poursuivons notre route en arrivant au col de Capuliyoc (2800m) où nous descendrons jusqu'à Chikisqa.
Ensuite continuerons sur Choquequirao.
Au premier tiers de l'ascension. Il n'y a là plus aucun autre voyageur et surtout pas de moustiques.
Notre première étape nous permettra de nous acclimater en observant l'agréable variation de paysages depuis les précipices profonds jusqu'aux montagnes enneigées.
Nous continuerons le chemin et à un certain moment nous nous retrouverons nez à nez avec le canyon de l'Apurimac, qui de nos jours encore suscite beaucoup de discutions par rapport à sa profondeur impressionnante.
Nous arriverons finalement à Santa Rosa, où nous installerons notre campement pour la nuit.
Une cabane en bambou rustique où un fermier propose de la chicha. Nous installons nos hamacs et nos moustiquaires sur un pâturage, entre deux arbres. Car bien sûr il est hors de question de dormir à terre.
Bonne habitude à prendre ici nous exhortera Wayna.
Une question me taraude depuis un moment et j'en profite, entre deux assiettes d'espesado, purée de maïs avec de la viande de chevreau. Pourquoi s'est-elle attachée à moi ainsi au point de tout quitter . Sa ville, sa famille, et si vite. Elle ne savait rien de moi.
J'apprendrai que la première chose sur laquelle elle à flashé, ce sont mes cheveux Choque (or en quechua).
Puis mon regard, mon sourire, et enfin ma gentillesse.
Elle m'expliquera que nos façons de raisonner ne sont pas comme la leur.
Nos systèmes de valeur totalement différantes. Eux ont un esprit déjà beaucoup moins matériel. Un toit, à manger, pouvoir élever leurs enfants, et un minimum de sécurité, ça leur suffit.
Le bonheur, les plaisirs de la vie, ils ne les laissent pas passer, ils n'ont pas les moyens ni le temps.
Pas besoin de longues phrases. De mots. Juste des faits.
Elle avait envie de me suivre, de m'accompagner, alors elle ne s'est pas posé de question. Elle a écouté son instinct. Comme la plupart font. D'ailleurs, elle ne comprend pas bien ma question.
-On est bien non ? Alors, à quoi bon se poser des questions ? On ne fait de mal à personne.
Bon raisonnement auquel je ne sais que répondre. Comme la vie peut-être simple quand on ne se pose plus de question pour se justifier de nos choix.
Nous allons philosopher une bonne partie de la nuit. Nous aimer, puis nous endormir d'un sommeil profond.
La nuit est étoilée et 10 000 bruits nous entourent.
Au début ils nous empêchaient de dormir. Inquiet de tout. Maintenant nous y somme habitué et ils ont même quelque chose de rassurant. Et puis Wayna veille après nous avoir avisés des divers dangers potentiels.
À l'accoutumé nous nous réveillons pour partir tôt pour Choquekirao (3050m). Durant cette journée nous passerons le pont suspendu, ensuite nous apercevrons le majestueux Nevado Salkantay (6250m), point culminant de la cordillère Vilcabamba et visiterons la citadelle Inca de Choquekirao, lieu où nous camperons.
Choquekirau, de grandes terrasses, plates-formes, places cérémonielles, temples, entrepôts, fontaines et canaux d'irrigation connectée par de longs escaliers et un important réseau de chemins.
Un lieu mystérieux où un très faible pourcentage de ses constructions ont été retrouvées jusqu'à présent, 5 a 10% seulement découvert ! Le reste est ensevelis dans la jungle pour protéger ses secrets. Aussi grande que le Machu Picchu, malgré que tout n'a pas encore été découvert.
Brad s'arrête brusquement : des oiseaux d'un rouge éclatant sont là, à deux pas ; c'est les Gallito de las Rocas, les superbes oiseaux emblématiques du Pérou, qui ont choisi ce lieu paisible pour faire une pose.
Du haut du site, la rivière Apurimac apparaît comme des boucles vertes et blanches s'entremêlant.
La nuit sera mystique sur ce lieu sacré et historique.
Nous continuons l'ascension en direction du col de la Apacheta (5 100 m) le lendemain à l'aube. Gravir ce col était évidemment très dur, peut etre etait-ce meme plus dur mentalement que physiquement. La difficulté à été le manque d'oxygène que nous vraiment commence a ressentir à partir de 4800 mètres. La respiration devient saccadee et les battements de coeur s'accelerent.L 'atmosphère est plus tropicale. Vue imprenable et extraordinaire sur les montagnes, en passant par la forêt Mina Victoria au col de San Juan . Marcher n'est plus quelques choses de naturel - on ne pense a rien - l'air est comprime dans nos poumons - nous respire mal, mais nous avons la chance de ne pas avoir aucun maux de tete ni coup de folie.
Ensuite nous redescendrons vers le col Apacheta et la lagune Tuni Condoriri (4650 m), où nous passerons la nuit.
Plus haut, nous n'aurions pas su monter n'étant pas préparé physiquement et risquant l'oedème pulmonaire.
Nous nous émerveillerons de la qualité de la flore que l'on croisera.
Nous parlons peu, de moins en moins.
D'abord à cause de la fatigue, mais aussi par ce que nos têtes sont pleine de merveilles et de méditations intérieures. Nous nous parlons du regard, par des sourires. Nous sommes conscients, Brad, Juju et moi de vivre quelque chose d'exceptionnel et d'avoir une chance prodigieuse de vivre ça.
Nous rions de notre appréhension à l'aéroport de Roissy. Du fait, on se l'avoue maintenant, que chacun à sur l' instant pensé que c'était une folie et a renoncé, mais juste sur l'instant. Heureusement que l'on ne s'est pas concerné à ce moment-là. Nous ne serions pas là autrement.
Autour d'un feu de camps, le soir, enfin, et parce que le temps s'est très largement rafraîchi, nous commençons a discuter, à philosopher en buvant du Pisco pour nous réchauffer.


Le Pérou

Départ à 7h30. Choquetacarpu (4643m) nous continuons en direction de l'Abra de Choquetacarpu.
C'est un trek physique à cause des grands changements d'altitudes tout le long de ce trek et les températures étouffantes qu'on peut y rencontrer.
On traverse maints paysages différents à vous couper le souffle allant des forêts de nuages aux glacières en passant par les entrées de la jungle,traversant des régions de forêts tropicales des hautes plaines, des lacs, et maintes autres encore. Le tout est parsemé de ruines Incas d'importance plus ou moindres le long de ce chemin.
À cause des différentes altitudes, le climat change sans cesse ce qui est la raison pour l'énorme diversité de la faune et surtout de la flore.
Nous rencontrons un paysan qui nous offre des feuilles de coca à macher. Brad et Juju doivent avouer que ce n'est pas trop mauvais. Moi je connais, grâce à Wayna.
Nous continuons notre chemin pour arriver dans la région d'Inca Machay où nous dormirons dans une forêt d'eucalyptus.
Si nous nous lavons tous les jours, nous ne nous sommes pas rasé depuis le départ et ça nous donne vraiment une allure d'aventurier. Pour Brad, j'ai un air de Jérémiah Johnson, le film de Sydney Pollack avec Robert Redford, mais Jérémiah dans les Andes. Wayna ne connaît pas Redford, ne connaît pas la télé et encore moins le cinéma, mais elle trouve que ce Redford doit avoir de la chance de me ressembler. Nous sommes écroulé de rire. Je dois expliquer à Wayna qui est Redford. Un sexe symbole dont j'aimerai vraiment avoir le physique.
Nous avons, surtout le soir, de bonnes parties de rigolade malgré que Brad et Juju commencent à déprimer de ne pas avoir d'accompagnatrices, du moins surtout le soir, car la journée nos efforts physiques occupent toutes nos pensées.

Il serait temps aussi que nous arrivions à un vrai village, car nous allons manquer de Pisco. Nous décidons de pousser le lendemain jusqu'a Huancacalle. Du moins Wayna puisque c'est elle en faits qui nous guide. Nous il y a longtemps que nous ne sachions plus nous situer au Pérou.
Nous ne savons pas où elle nous mène, mais nous avons une totale confiance en elle.
Du pisco ? Deux compagnes pour mes amis ? Elle nous garantit que nous trouverons cela là-bas. Elle à deux cousines à Huancacalle.
Nous continuons donc le trekking le lendemain où nous pourrons visiter les forteresses de Vitcos et Rosaspata puis les ruines et impressionnants bains thermaux de Yurac Rumi, Vitcos pour arriver au village de Huancacalle, lieu où nous serons hébergés par lesdites cousines.
Le soir nous arrivons après une épuisante route. Il était temps d'arriver, car le poids du sac a dos avec la nourriture, la cuisine, et les affaires personnelles se font sentir. Le village n'a ni eau ni électricité ; les toilettes sont communes a Tout le monde.
les gens viennent à notre rencontre - surtout les enfants qui sont fascinés par le doré de mes cheveux qui se sont éclaircies encore au soleil.
Loreta et Chaca, les deux cousines, un peu plus agées que Wayna nous feront visiter les sites archéologiques de Rosaspata et Ñusta Hispana, citadelles refuges des derniers souverains incas, et de Choquequirau, magnifique site suspendu au dessus de la vallée de l'Apurimac.
Ce sont de jolies péruviennes de 20 ans et qui plaisent assez à Brad et à Juju.
Ça tombe bien, faire des expéditions comme la notre, pour elles, c'est commun et elles en ont déjà fait pas mal. Donc, elles nous accompagneront.
Nous apprenons ainsi qu'en faits, Wayna nous conduit dans la selva, dans son ancienne tribu où vivent encore ses parents et grands parents, donc de la famille de Loreta et Chaca.
Pour nous pas de soucis. Bien sur, Wayna explique qu'elle fait beaucoup de détours pour nous faire visiter son beau pays.
Cette nuit-là, je ne suis plus, avec Wayna, le seul couple et Brad comme Juju se rattrapent bien à voir leurs cernes le lendemain matin. Il faut dire que les cousines n'ont pas souvent l'occasion de voir de beaux jeunes hommes traîner dans leur village. La plupart des jeunes ayant quitté le village pour la ville où ils ambitionnaient de trouver une situation avec plus d'avenir. D'autre pour se consacrer à la culture des feuilles de coca. Car au Pérou, les surfaces consacrées à sa culture illicite sont quand même de 32 000 hectares. Pour les défenseurs de cette culture, la coca est utilisée dans des centaines de produits aussi basiques que du shampoing, du dentifrice, des vêtements, des médicaments. Il s'agit d'ailleurs d'un potentiel financier considérable pour la région andine.
Le lendemain donc, nous commençons notre marche en direction de Ututu. Nous passerons par Vilcabamba, qui est connue comme la Vallée de la Longévité, car on dit que la plupart des gens d'ici vivent plus d'un siècle.
Ville entre jungle et montagne. La biodiversité de la flore est, içi, phénoménale. 500 espèces d'oiseaux, d'après Loreta et Chaca, des colibris, des toucans, des perroquets bien surs, et également l'ours à lunette.
Nous pourrons voir la fleur appelée « raymondi » qui ne se trouve qu'à cet endroit.
Elle mesure environ 3 mètres, ce qui en fait la plus grosse fleur du monde.
A La Vieja (3500m) nous visiterons l'antique temple colonial pour continuer vers le Col de Qollpaqasa (3850m), vue imprenable sur l'immense vallée de San Miguel puis redescente pour arriver à Ututo. De là, nous pénétrerons dans la jungle histoire de passer la nuit dans un lieu extraordinaire et sauvage.
Pendant le dîner autour d'un feu de camps, assez dur à allumer à cause de l'humidité tropicale, je note que Loreta et Chaca ont comprit le truc, elles donnent des feuilles de coca à macher à Brad et à Juju. Moi, Wayna sait et m'en donne déjà depuis longtemps. C'est excellent pour la libido, si besoin était. Car non pas que nous ayons des
problèmes de ce côté-là, mais les filles ont tellement de retard à rattraper que ça ne peut qu'être bénéfique pour elles. Cela dit, avez-vous déjà essayé de faire des calins dans un hamac à 2 mètres du sol ? Je vous le recommande. C'est un exercice complet et fort périlleux. Sur la fin nous deviendrons cependant, non pas des experts, mais disons des artistes en la matière.
D'autant difficile qu'Il y a les serpents, mais aussi de temps à autre un puma qui passe. Mais c'est assez rare, nous rassure Chaca. Elle fait bien de nous le dire. Nous guetterons le moindre bruit, et Dieu sait qu'il y en a en pleine jungle.
Départ en direction Urpipata en passant par une végétation dense et par des habitations de paysans amazoniens.
Nous passerons par les villages de Vista Alegre (1600m) et San Guillermo. Pêcherons dans le Rio Concevidayoc et continuerons pour le campement de Urpipata.
Nous continuons notre passionnant voyage en pénétrant dans une végétation exubérante d'arbres géants, nous pourront observer de grandes variétés d'oiseaux, insectes, fleurs colorées comme les orchidées et plantes médicinales.
Nous visiterons la dernière Citadelle inca d'Espiritu Pampa où l'on pourra rencontrer le fameux coq des roches et d'autres oiseaux typiques des forets tropicales comme le Caraca. Nous passerons le Rio Chontabamba connut également sous le nom de Rio San Miguel et continuerons notre chemin en passant les ponts suspendus des Rios Consevidayoc et San Miguel puis arriverons au village de Chihuanquiri, lieu de notre camp de nuit.
Nous sommes usés. Les ampoules que nous avons nous font souffrir, comme notre dos. Les filles vont nous achever. Nous ne sommes pas des mules ! Même si nous marchons à notre rythme. Mais quels paysages merveilleux Avons-nous traversé !
Wayna nous apprend que pour les ampoules, il ne faut pas les percer, mais glisser un fil de couture dedans et laisser le liquide s'écouler lentement le long de ce fil toute la nuit. Ça tombe bien, nous avons fils et aiguilles dans la trousse de secours. Et c'est vrai, ça marche à merveille. Le lendemain, aucune douleur, les ampoules ont séchées.
Nous sommes en forme au matin, d'autant que cette nuit, les filles ont eu pitié et nous ont laissé dormir. En ce qui me concerne, la première fois depuis notre départ de Cuzco, ma rencontre avec Wayna.
Nous continuons notre voyage en passant par les villages de Yuveni et Kiteni pour arriver au bord du Rio Urubamba, aventure assurée ! 40km en 12h. ça a l'air de faire peu, mais dans la jungle, dans la montagne et dans un tel décor, c'est déjà pas mal.
Nous descendons le Rio Urubamba en barque à moteur jusqu'au Pongo de Mainique, lieu enchanteur où se rassemble toutes les rivières en cascades, Eden paradisiaque à la porte du bassin amazonien où nous passerons la nuit pour explorer ses alentours au coeur d'une végétation de plus en plus luxuriante.
La région est peu fréquentée,
l'accès difficile et le trafic d'embarcations plutôt aléatoire.
Brad s'est armé de sa carabine (au cas ou on rencontre des pumas) et de son coupe-coupe sans lequel il est impossible de progresser dans la jungle qui couvre les collines environnantes, territoires où vivent encore des communautés indigènes dont une que nous croiserons, pacifiquement.
Nous remontons le fleuve tumultueux jusqu'à Quillabamba.
La plage de Quillabamba ressemble à un paradis tropical ! Les palmiers sur le bord de l'eau, la petite brise de vent sur le bord de la rivière.
Nous voilà enfin dans une grande ville. Une ville vitrine approximative par son marché et ses boutiques, de ce que les grands centres urbains "modernes " offrent, des voitures 4x4, des camions qui transportent ces marchandises aussi loin que possible pour approvisionner les petits villages de la région desservie d'une voie carrossable. Dans la ville beaucoup de triporteurs dont pratiquement 90 % sont des taxis.
Ça nous fait tout drôle de retrouvé voitures et camions. La civilisation avec ses hôtels, ses restaurants.
Nous passerons d'ailleurs la nuit dans un petit hôtel de la vielle ville. Bonne occasion de prendre une vraie douche, dormir dans un vrai lit. Manger un vrai repas. Voir des Européens qui nous prennent pour des fous d'aller ainsi à pieds et à l'aventure alors qu'il y a cars et trains. Ils trouvent ça suicidaire malgré nos guides.Ils n'ont rien compris.
Nous constatons quand même que nous sommes décalés par rapport à notre retour dans la civilisation.
Le bruit de divers travaux de bâtiments, des voitures nous perturbent un peu. Entendre un poste de radio passer de la musique nous enchante, mais modérément. Nous avons cependant l'occasion de refaire le plein de matériel. De changer de chaussures car les nôtres sont plus qu'usées. A Juju d'envoyer ses rouleaux de films kodak en france chez son frère resté à Paris.
Mais le lendemain, dès l'aube, nous repartons à la première heure. Avant même le lever du soleil.
La prochaine étape prévue est Aguas Calientes, village typique et agréable où nous espérons nous ressourcerons dans les bains thermaux. En effet, on pourra profiter des sources d'eaux sulfureuses chaudes de la ville.
Nous n'arrivons que le soir à Aguas Calientes, après avoir beaucoup marché.
Nous avons encore fait le plein de paysage merveilleux, nous sommes bien sur cassé tant au niveau du dos que des pieds, mais c'est surtout psychologiquement que la journée fut tendue. Chacun plongé dans ses pensées.
Après avoir retouché du bout des doigts la civilisation à Quillabamba, nous nous interrogeons.
Comment serons-nous à notre retour à Paris ? Arriverons-nous à nous réacclimater ? C'est que ça se rapproche sérieusement. Peut être une dizaine de jours tout au plus.
Presque un mois que nous sommes au Pérou, et nous avons bien changé tant physiquement que psychologiquement. Nous avons maigri. Avons le teint hâlé. Mais surtout, nous sommes devenus un peu sauvages Vis-à-vis du monde dit civilisé. La télévision, la musique, les journaux, les actualités, tout ça est bien bien loin de
nous. Comme si nous avions quitté la terre pendant trois semaines.
Le Machu Picchu n'est plus loin et nous avons maintenant une appréhension de voir le voyage se terminer et arriver notre retour à Paris. De plus, il faudra quitter nos compagnes à qui nous nous sommes attaché. Mais impossible de les ramener à Paris, et elles ne le voudraient pas, Brad à poser la question à Wayna, pour tâter le terrain.
Bref, l'ambiance est morose, nostalgique.
C'est presque en traînant les pieds que nous repartons le lendemain pour le Machu Picchu.
Dans les pas de Hiram Bingham, le découvreur du Machu Picchu, notre trek nous emmène successivement du pied des glaciers jusque dans la jungle, sur un parcours jalonné de sites Incas oubliés. Après une descente sur un bateau en bois, très fin, long d'une dizaine de mètres, surnomme le "poko-poko" à cause du bruit de son moteur, nous pénétrons l'Amazonie à la rencontre des peuples natifs. Ici les vertigineuses andes s'inclinent pour laissé la place a la démence de la végétation. Le fleuve, la forêt, la chaleur et les moustiques... j'avais trouve un endroit digne de mon désir d'aventure. Nous sommes partis le lendemain en expédition.
Nous avons passes six jours fabuleuses dans la jungle, a dormir sous une moustiquaire que l'on bâchait en cas de pluie. Avons savoure le spectacle époustouflant des étoiles, étincelantes, à travers les arbres. La nuit, des milliers de lucioles virevoltes dans un féerique balai, comme pour nous protéger de notre environnement hostile. Wayna m'appris à pêcher des piranhas, chasser l'alligator. Nous avons vu une multitude d'animaux.
Les fourmis, dans la forêt, font parfois plus de 3cm, l'Anaconda y est le roi. Nous avons évidemment été dévoré par les moustiques, le fléau de la selva ! La fatigue, la pluie, et une douleur à l'épaule m'ont fait douter un instant de l'aboutissement d'arriver au village, mais je l'ai gardé pour moi, rapport à Wayna.
Nous ne connaissons pas encore la maladie de Chagas. Cette maladie, qui sévit au Pérou est terrible. Un petit insecte, la Vinchuca, de la taille d'un cafard, et qui vit dans les bambous, se réveille la nuit pour vous piquer.
La nuit, elle sort des murs et se jette sur ses victimes, les pique pendant leur sommeil et les infecte d'une maladie pour laquelle il n'y a ni vaccin ni médicament . Seule la prévention nous évitera de prendre le risque. Heureusement Wayna connaît bien la selva et ses bestioles. Les victimes se réveillent avec une rougeur marquant l'endroit de la piqûre et un parasite dans le sang qui, des années plus tard, affaiblira leur cœur, leur ôtera leurs forces et pourra éventuellement les tuer.
Notre frêle embarcation a subi une tempête tropicale au milieu du fleuve, et nous avons failli chavirer. Apres six jours de ce traitement, l'arrivée au village, sans eau ni électricité, est apparu comme un luxe. Nous avons passé dix jours, loin de la civilisation, à nous laver dans l'eau brune du fleuve, a nager en plein bonheur, face a nous même !
Dans le village de Wayna, les Indiens vivent avec le soleil. Ils se lèvent avant lui et se couchent avec les poules ! La météo gère tous les actes du quotidien. Ils vivent organisés en clans, en familles. Autour d'eux, ils ont un périmètre de chasse, de cueillette, de pêche, qui appartient à chaque clan.
Ils fonctionnent au quotidien.
Les clans, qui comprennent dix à quarante-cinq personnes, sont espacés d'une demi-journée de marche.
Aujourd'hui les Ashaninkas se sont un peu regroupés pour se protéger de tout ce qui leur arrive : à savoir le sentier lumineux [Ndlr : mouvement guérillero d'inspiration maoïste], le narcotrafic de cocaïne et l'abattage de l'acajou, le bois précieux.
Le Machu Picchu aurait été bâti pour les vierges du Soleil, les « aclla ».
Envahies par la jungle, les ruines semblent se reposer d'une longue agitation. Nous savourons l'atmosphère de ce site Inca si particulier à l'ombre d'une végétation dense, quand Brad s'arrête brusquement : deux oiseaux d'un rouge éclatant sont là, à deux pas ; c'est le Gallito de las Rocas, le superbe oiseau emblématique du Pérou, qui a choisit ce lieu paisible pour venir nicher...
Pour compléter cette aventure exceptionnelle, nous allons ensuite pénétrer au cœur du bassin amazonien. En bateau, nous descendons le fleuve Urubamba avant qu'il n'aille grossir les eaux de l'Amazone, jusqu'au pongo de Mainique, des gorges sublimes où abondent les cascades à flanc de falaise. Cusco est maintenant si loin qu'il nous faut 3 jours pleins d'une route bordée d'orangers, de caféiers et de fruits tropicaux pour atteindre un col improbable qui nous ramène dans la vallée sacrée, pour pouvoir finalement accéder au mythe en découvrant le Machu Picchu…
Monter au Huayna Puis retour à Cusco.
Nous ne pouvions quitter le Pérou sans aller voir le canyon de Colca.
Un petit jet, appartenant à l'oncle de Wayna, nous y conduira.
D'abord le canyon, et quel canyon ! Les Péruviens prétendent que c'est le plus grand du monde, dépassant les 3000 mètres.
Il possède des milliers d'hectares cultivés en terrasses. Ces dessins harmonieux sont l'œuvre des Indiens Colluhuas, une civilisation qui possède un millénaire de plus que celle des Incas.
L'antique condor nous a offert un véritable balai aérien au petit matin. Il a plané au dessus de nos têtes, se laissant porter par le vent, pour nous montrer sa majesté. le canyon de Colca est le paradis des condors, le célèbre oiseau des Andes et aussi le plus grand du monde avec ses 3 mètres d'envergure.
Puis nous apercevons notre étape : L'Oasis. C'est le nom de ce petit hameau plein de charmes. Au milieu d'une rocaille grise, au fin fond, dans l'antre du Canyon, se trouve un petit paradis : une vraie Oasis.
Palmiers, eaux thermales déviées pour remplir des piscines, orangers, verdure, animaux, et petites cabanes de bois et de paille semblant nous inviter à un vrai repos.
Nous dégustons rapidement nos pains avec du thon, des tomates, et bientôt nous choisissons un lagon pour nous baigner. Ce sera celui où l'eau coule sur un rocher et qui donne une belle vue sur la montagne d'en face. C'est le plus plaisant car le plus chaud, mais aussi le plus naturel avec ses rochers inclus dans la structure.
Puis l'oncle nous conduit aux portes de Huacachina une petite oasis en plein coeur du désert. Et là, on découvre un vrai petit paradis, une minuscule station balnéaire construite autour d'un lagon, et surplombée tout autour par d'immenses dunes de sable. Un vrai paysage des mille et une nuits., le désert.
Nous avons aussi entrepris l'ascension des dunes.
C'était presque une épreuve à chaque pas, car on glissait en contrebas à mesure qu'on montait. C'est d ailleurs plutôt étrange comme sensation, un pas en avant, on s'enfonce, on glisse, on recommence, le tout très lentement, mais finalement on finit par arriver sur la crête.
Là-haut c'était splendide, on avait une vue plongeante sur l'oasis encore endormie, et tout autour de nous les dunes, aiguisées parfois par les vents comme des pics. Tout au loin se dessinait la ville et un peu de verdure, on avait peine à croire que le désert s'étendait d'un coté à perte de vue, et qu'il était de l'autre circonscrit par la ville. Nous passerons la journée et la nuit côté désert.
Ce désert côtier long de près 3 000 Km pour quelques dizaines de large s'étend du nord du Pérou jusqu'au presque ile de Paracas - désert côtier Chili pour se confondre avec le désert d'Atacama, plus aride encore. C'est un désert au sens strict : Dunes mouvantes, lits de rivières asséchés, plaines rocailleuses et montagnes couleur châtaigne.
Des années entières séparent parfois les chutes de pluie torrentielle, ce qui fait de cette région l'une des nombreuses lignes de Nazca - Le Colibriplus aride de la planète. Il y a de vastes zones où rien ne pousse, pas même des cactus ou de la broussaille !
Le sud péruvien, comme la cote, est un désert de sable dont les dunes de sable nous ont profondement emus par l'intensité de leur couleur dans la luminosité du soleil couchant. L'immensitude du désert. Il nousrenvoient a notre statut de fourmis dans cet univers. Dans un désert, il n'y a rien a perte de vue, mais il y a le silence.
Nous passons notre dernière nuit en ce lieu, dans le désert immense à méditer sur la fin de notre voyage.
A tout nous remémorer. Sans un mot. Chacun face à face à soi même. Le coeur très lourd avec cette envie de pleurer.
Wayna est assise en face de moi, nous nous tenons les mains toutes la nuit, en nous regardant. Nous savons que c'est la dernière fois que nous nous voyons. Demain, Wayna et ses cousines rejoindront leur tribu et nous Paris.
Et les larmes coulent, silencieusement. Pas besoin de se parler. On sait.
Brad et Juju sont dans le même état que moi. Le coeur trop gros pour contenir les larmes.
Ce voyage hors du commun, fruit 'un long travaille de terrain et d'une logistique finalement irréprochable, grâce à Wayna et à ses cousines, il faut bien l'avouer puisque rien n'aurait été possible sans elles. La plus formidable aventure qu'on peut rêver de réaliser au Pérou.
Wayna m'a laissé une cushma que j'ai conservé des années. Malheureusement dérobé lors d'un déménagement.
Heureusement il me reste la mémoire.

23 Décembre 1977
— Cusco - Lima et Vol retour en France, en soirée.
Il nous a fallu une bonne année pour nous réaccoutumer à Paris. À sa faune, à sa vie. Je ne sais si nous y sommes vraiment parvenus, mais il nous restera toujours quelque chose de cette expérience. Jamais nous ne pourrons oublier cette aventure humaine.
Bien sur, nous n'avons jamais revu les filles, mais j'ai su que Wayna était, après notre départ, avait quitté le Pérou pour l'Angleterre où elle était rentrée à l'université.
En 1997 j'eus l'occasion de voir un article de journal sur elle, apprenant qu'elle était journaliste pour un grand magazine de voyage (Géo).

Avec Brad et Juju, nous sommes, 30 ans après, restés en contact.
Brad s'est marié, à eut 3 enfants avant de se retirer définitivement en 2006 à Yaoundé dans son village natale au Cameroun où il a ouvert un restaurant. Nous restons en contact grâce à Internet.
Juju n'as plus jamais eu aucun contact avec le milieu. Il s'est marié aussi avec une jeune suisse et ils ont eut 2 enfants. Ils vivent dans le sud de la France. Ils travaillent ensemble comme enseignants. Comme pour Brad, nous sommes toujours en contact par internet.
Quand à moi, et bien je vie maintenant en Belgique et je me consacre à l'écriture principalement, à ma compagne et à ses enfants et tout va bien.
Pour conclure, je terminerais par une citation de Xavier Maniguet, qui au fond, à été l'instigateur involontaire de cette merveilleuse aventure.
"Courir le monde de toutes les façons possibles, ce n'est pas seulement la découverte des autres, mais c'est d'abord l'exploration de soi-même, l'excitation de se voir agir et réagir. C'est le signe que l'homme moderne a pris conscience du gâchis qu'il y aurait à rendre passive une vie déjà bien courte."
Xavier Maniguet.


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