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Illustration: Dessine-moi un fauteuil avec des ailes - christian martin
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Dessine-moi un fauteuil avec des ailes

(Version Intégrale)

Enregistrement : Éditions de l'À Venir
Publication : 2009-01-02

Lu par Christian Martin (Québec),Ezwa
Livre audio de 16min
Fichier Mp3 de 18,5 Mo

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Un petit geste pour le téléthon un tête à tête sous des gravats. http://www.afm-telethon.fr

Podcast des éditions de l'à venir




Dessine-moi un fauteuil avec des ailes !
Je vis de petits boulots, comme on dit. Pour ne pas dire que je vis comme je peux avec les boulots que lÂÂÂ'on me donne. Je les prends petits parce qu'il ne sÂÂÂ'en présente pas de grands.
Encore que...
Celui que jÂÂÂ'exerçais avant lÂÂÂ'accident, était petit mais mÂÂÂ'a grandi. Je ne vois plus la vie comme avant.
Je raccompagnais Amandine, une ravissante petite fille de 6 ans. Je la reconduisais comme tous les soirs à son domicile après lÂÂÂ'école en poussant son fauteuil roulant.
Ah ! JÂÂÂ'allais omettre de vous dire ! Amandine est atteinte dÂÂÂ'une amyotrophie spinale. Une maladie génétique qui "téléthonne" chaque année en automne et puis que lÂÂÂ'on oublie au printemps.
Elle demeurait au quatrième étage d'une barre dÂÂÂ'HLM vétustes, sans ascenseur. Inutile de préciser quÂÂÂ'à 6 ans ma petite Amandine faisait son poids .Son petit corps tout mou ne mÂÂÂ'aidait guère à mÂÂÂ'équilibrer, quand la fatigue se faisait sentir au troisième étage. Je me demandais souvent comment sa mère enceinte de 6 mois faisait, quand je nÂÂÂ'étais pas là.
CÂÂÂ'est chouette de connaître tous les codes génétiques pour la recherche, mais un petit pavillon en rez-de-chaussée ne serait pas du luxe. Mais non ! le 21eme siècle côtoie le 19e et moins encore. Des labos rutilants, des fusées majestueuses, des capitaux géants, mouvants, intouchables, mais pas de pavillon en rez-de-chaussée pour Amandine, sa maman et bientôt son petit frère.

CÂÂÂ'est en arrivant précisément au troisième, essoufflé et suant, quÂÂÂ'une explosion me projeta en lÂÂÂ'air dans un premier temps, puis le vide mÂÂÂ'aspira vers le bas dans un fracas indescriptible.
Je ne sais pas combien de temps jÂÂÂ'ai perdu connaissance. Quand je suis revenu à moi, je ne pus ouvrir les yeux tant ils étaient collés par la poussière. JÂÂÂ'étais prisonnier dÂÂÂ'un carcan de béton et de terre, je ne pouvais bouger, ni mes membres, ni ma tête, par bonheur tournée sur le côté. Je parvenais donc, tant bien que mal à respirer.
Cette description de mon état à cet instant, je lÂÂÂ'ai reconstitué bien après. Je nÂÂÂ'avais conscience de presque rien, pas de pensées, pas de pourquoi. JÂÂÂ' avais le désir de respirer et dÂÂÂ'ouvrir les yeux, la conscience primitive dÂÂÂ'un animal piégé, une lucidité somme toute, confortable, dénuée dÂÂÂ'affect et sous-tendue par le seul désir primaire de survivre.
Peu à peu, mes esprits sÂÂÂ'éveillant, je pris conscience de l'horreur de ma situation, la panique m'inonda. Je me tétanisais, essayais en vain de bouger mes membres, mon corps . Ma respiration superficielle s'accélérait, je me mis à pleurer, crier avec le peu d'air qui me restait.
C'est alors que la petite voix d'Amandine se fit entendre tout près de mon oreille.
— Tu pleures ?
Dans la surprise, et au bord de l'asphyxie je ne répondis pas.
— Je crois que l'immeuble a explosé ! m'expliqua-t-elle calmement .
Ce bilan lucide de la situation, qu'elle m'offrait sur un plateau avec un sang froid insensé, m'apaisa un peu. C'était peut-être la première fois que j'entendais la voix d'Amandine. Elle parlait peu, à l'accoutumée. Je la pensais un soupçon demeurée, je ne sais pas pourquoi.
— Tu respires mal c'est normal on est dans la poussière .
— Oui, je ne peux pas respirer je vais mourir ! J'ai peur ! lui répondis-je en suffoquant .


À nouveau l'agitation me reprenait, une agitation toute statique, sans expression corporelle qui ne générait que de l'angoisse et un épuisement .
— Tu as peur de mourir parce que tu respires mal ? Faut pas ! Moi chaque fois que j'ai un rhume je respire mal, j'ai l'impression que je vais manquer d'air, puis je souffle calmement, je pense à autre chose et ça va mieux. Il m'arrive, l'hiver, d'aller à l'hôpital pour me faire respirer de l'oxygène.Là, je suis si essoufflée que je ne peux même pas parler.
Sa voix d'enfant était d'un calme étonnant, communicatif. Je laissais couler ce doux murmure à mon oreille .
— J'ai réussi à ouvrir les yeux, il fait très noir. Je sens ta respiration tu n'es pas loin, attends, je crois que je peux te toucher.
Et je sentis sa petite main caresser ma joue .
— Tu ne peux pas bouger ?
— Non je suis bloqué! J'ai mal !
— Moi, tu sais, je connais cela, mes jambes bougent peu et mes bras soulèvent péniblement mon lapin blanc . Quand j'ai mal ou que ça me démange quelque part, je ne peux pas remuer, non plus. J'attends, je pense et j'oublie.

Peu à peu j'ai retrouvé un semblant de calme, je réussis même à dégager un bras. Je sentais un plaisir inouï à le mobiliser, toucher, gratter autour de ma tête, essuyer mes yeux !
— J'ai ouvert les yeux, Amandine, mais je ne vois rien ! J'ai peur ! Ne pars pas.
— Moi je te vois un peu, et ne t'inquiète pas, je ne risque pas de partir ensevelie ou pas, je ne pars jamais, j'attends toujours qu'on me porte ou qu'on me pousse.
Elle éclata de rire, mais son rire s'acheva dans une quinte de toux qui lui fit perdre la respiration. Elle mit quelques minutes à retrouver un souffle calme. Je me suis un instant inquiété pour elle.
— ça va mieux Amandine ?
— Oui merci Gérard !
C'était la première fois qu'elle prononçait mon prénom.
— Dis-moi, tu as voyagé ?
— Euh, oui !
— c'était une île?
— Oui, c'était la Corse.
Et aussitôt des visions du cap Corse m'envahirent, les falaises vertigineuses, les criques inaccessibles irisées de vagues brillantes, les plages noires et les eaux turquoise.
— Ce doit être beau ! Où que tu tournes la tête, tu vois la mer !
— Tu étais seul dans cette île?

À nouveau, des visions de bonheur se dessinaient dans le noir de mon horizon de débris. Le visage de Rachel, mon amie de l'époque, m'apparaissait, nos promenades dans les ruelles de Sartène la main dans la main, le cÂÂÂœur plein du plaisir d'aimer.
— Non, avec mon amie .
La voix d'Amandine prit une intonation canaille .
— Ton amie? Vous vous embrassiez ?
— Euh! oui .
Cette conversation sous des tonnes de gravats devenait surréaliste.
— Il paraît que ce n'est pas comme ça que l'on fait des bébés . Un garçon, à l'école, m'a tout expliqué. Il mÂÂÂ'a même montré son ÂÂÂ… Je me doutais un peu que ça se passait là. Moi j'aurais préféré les baisers.
Si j'ai un mari, je ne veux pas de bébé, je veux que des baisers !
Les mots d'Amandine m'arrachaient des sourires entre deux crampes sur un mollet qui me torturaient.
— Tu l'aimes ?
— Non, nous ne sommes plus ensemble .
— Vous êtes séparé comme papa et maman . Il paraît qu'ils se disputaient tout le temps .
C'est mamie qui me l'a dit. Moi je pense que c'est à cause de moi et de ma maladie, ils sont tristes de ne pas avoir un enfant normal .

Papa, quand on joue et qu'on se marre, il se met, soudain, à pleurer sans raison. Je sais que c'est à cause de moi. Il dit qu'il a une poussière dans l'ÂÂÂœil, moi je sais qu'il pense que je vais bientôt mourir. Je le pense aussi, mais je n'ai pas peur de mourir, on s'endort et on se réveille plus. Voilà !
Ce qui m'inquiète, c'est si on se réveille quand on est mort.


J'avais oublié où j'étais, le flot de paroles d'Amandine me transportait dans un monde passé, perdu dans ma conscience d'adulte .
Dans la situation la plus catastrophique, elle continuait à rêver, penser. Le monde étriqué de son corps paralysé s'effaçait dans l'univers hypertrophié de son imagination sans limites .
Dans ma prison de béton brisé, je nÂÂÂ'étais quÂÂÂ'un corps inerte, quÂÂÂ'un cerveau paralysé par la peur de mourir, la peur dÂÂÂ'étouffer. Amandine du haut de ses 6 ans, connaissait déjà tout cela, et se permettait de sÂÂÂ'évader. Mieux, elle était déjà dehors.
La chaleur devenait de plus en plus insoutenable , la soif et ma bouche empâtée de poussière ,étaient insupportable . À nouveau une angoisse irrépressible me prit, ne faisant quÂÂÂ'aggraver mes souffrances.
— jÂÂÂ'ai soif ! deux mots que ma bouche expulsa dans un râle.
—Tu as soif ! CÂÂÂ'est marrant dÂÂÂ'habitude c'est moi qui ai toujours soif, je bois tout le temps.
Une vraie manie, me dit mon père, parfois en colère, quand il doit me porter jusquÂÂÂ'aux toilettes ! Heureusement jÂÂÂ'ai mon doudou, enfin ce que tout le monde croit être un doudou. On me prend souvent pour une débile avec mon lapin blanc en peluche qui ne me quitte pas. En fait dedans il y a un gros biberon . Regarde !
Et joignant le geste à la parole elle mÂÂÂ'enfourna dans la bouche , à tâtons, une tétine dÂÂÂ'où coulait un merveilleux liquide que jÂÂÂ'aspirais goulûment.



— Tu sais ce que jÂÂÂ'aimerais faire avant de mÂÂÂ'endormir pour toujours, ce serait de voler. TÂÂÂ'imagines, un fauteuil volant ! Je planerais dans les nuages, je caresserai les mouettes et les oies sauvages . Toi, tu serais tout petit dessous, un minuscule point, une puce !
Elle réprima un rire pour ne pas sÂÂÂ'essouffler. Mais sa respiration devenait de plus en plus rapide, interrompant parfois son fleuve de mots et de rêves .
Encore une fois, elle me faisait flotter, elle me tirait de ma tombe, me projetais dans le ciel où je mÂÂÂ'évadais parfois en sautant en parachute les dimanches après-midi .
Les nuages, les puces au sol, et les oiseaux qui me tutoient, je connaissais.
— Tu vas bien, Gérard !
Elle sÂÂÂ'inquiétait pour moi!
— ça va Amandine, ne tÂÂÂ'inquiète pas. Je te ferai voler quand on sortira cÂÂÂ'est promis !

Quand on sortira !
Enseveli sous des tonnes de décombres, haletant, et les membres écrasés, je me prenais à rêver aussi, à y croire.

— Tu entends ? on dirait un chien qui jappe ! sÂÂÂ'exclama Amandine !
Les oreilles comblées de poussière, je nÂÂÂ'avais guère lÂÂÂ'ouïe fine . Mais je sentais des vibrations venues dÂÂÂ'au-dessus, venues du monde des vivants .
Je perçus des cris lointains, des appels, une agitation . On vient nous chercher !
— Au secours ! cet appel que je voulais fort nÂÂÂ'était que chuchoté.
Je grattais avec mes ongles les parpaings rudes, je gesticulais par la pensée. Amandine ne parlait plus et je ne mÂÂÂ'en préoccupais pas, les sens tendus vers un espoir qui grandissait.
Respirait-elle encore ?
Quand je vis la main du pompier, un voile blanc envahit mon champ de vision .Une voix a crié:
-Pour la petite c'est...
JÂÂÂ'ai perdu connaissance.
— CÂÂÂ'est génial de voler !!hein ! Gérard ! je regarde en bas on dirait des puces, et je nÂÂÂ'ai même pas peur ! cÂÂÂ'est génial ! cÂÂÂ'est beau la vue du ciel .
Et puis je me suis faite plein de copines !! des oies sauvages et des mouettes !
Et puis jÂÂÂ'ai rencontré un prince charmant qui ne fait que mÂÂÂ'embrasser.
DÂÂÂ'ici je vois la Corse ! on va sÂÂÂ'y poser et dormir sur une plage à droite. Celle de gauche est pleine dÂÂÂ'algues, celle dÂÂÂ'en haut est pleine de cailloux et celle dÂÂÂ'en bas est pleine de parasols !



J'ai entendu sa voix, même dans le coma qui a suivi mon sauvetage, pendant les longues heures de réa ou les scopes rythmaient le temps et la survie.
Quand je suis sorti de ma stupeur comateuse, je rêvais de la voir sur son fauteuil. Je la vis un beau matin, dans ma chambre, au sortir des soins intensifs, une vision ?

Elle m'a fait un clin d'ÂÂÂœil.

- Dit Gérard tu n'oublies pas ta promesse ? On ira voler, il faut que tu guérisses, tu entends ?

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