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DE L'IDENTITé

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Photo:Éole
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De l'identité


Je ne souhaitais pas intervenir dans le débat en cours sur l'identité car les accusations de manipulation sont réciproques dans la mauvaise foi politique. Cependant, j'ai été interpellé par une photo qui m'a été adressée avec la question explicite « qu'est-ce que tu dis de cela ? ». Il s'agissait d'un jeune vu de dos, dont le tee-shirt portait un hexagone contenant un drapeau algérien.


Ma première réaction a été amusée car l'interpellation venait de militants d'un parti qui veut faire arrêter le débat sur l'identité nationale, mais qui ne sont pas moins choqués par cette image.

Ma deuxième réaction est de dire que ce jeune (algérien ?) ne se sent pas français et fait de la provocation en affirmant une France-algérienne, sorte de revanche à une Algérie-française dont il est trop jeune pour en avoir connu la revendication.

Il paraît que la moitié des Français souhaite l'arrêt des débats sur ce sujet. Ils sont sensibles aux hésitations et aux propos de leaders politiques qui se prononcent dans ce sens. Mais ils contredisent ce choix dès qu'ils sont confrontés à une interrogation identitaire : le réflexe est alors immédiat et la question apparaît bien toujours d'actualité, même si l'angle de vision retenu change selon les époques.

Il y a des années que l'on se pose la question identitaire dans les cité-ghettos où les jeunes sont chômeurs, cible d'extrémistes religieux qui exploitent leurs difficultés économiques et leur sentiment d'être rejetés de la société française.

L'impression d'un gel de l'ascenseur social, le sentiment qu'ils ne peuvent s'en sortir que par l'économie parallèle, entre soi, contre les autres, leur font affirmer une identité asociale, négative envers la France. Cela cache des réussites certaines de l'intégration et l'oubli d'une protection sociale dont ils bénéficient mais qui n'est perçue que comme un assistanat. Il y a souvent exagération de leur part, mais le problème est bien réel.

Si le gouvernement a choisi l'opportunité des débats électoraux pour tirer bénéfice des discussions ainsi menées… Je pense que l'opposition est à côté de la plaque encore une fois en refusant de prendre sa part dans une recherche qui peut être positive, si l'on met en valeur l'idée que l'on se fait d'une France républicaine et laïque, accueillante aux autres.

Cette France n'a pas à rougir ni à faire l'autruche devant des communautarismes bien réels. Faute d'avoir su soulever ce problème avant, ne voulant pas subir les conditions du gouvernement, l'opposition préfère toujours l'ignorer et n'avoir une fois de plus qu'une attitude de refus, la tête dans le sable.

S'il y a un problème identitaire en France, c'est bien parce qu'il y a des gens différents. C'est une évidence. Cela ne veut pas dire qu'en parler signifierait exclure certains. Il faut exposer les valeurs communes, celles qui, aujourd'hui, permettent le rassemblement national de ces citoyens qui, différents, doivent pouvoir s'intégrer dans la communauté nationale si l'on ne veut pas voir perdurer les divisions ethniques.

En fait nous subissons encore les avatars du « droit à la différence » qui repose sur le fait que les communautés vivent côte à côte sans se confondre. Cette idée, venue des EE. UU., ne correspond ni à notre tradition historique ni aux valeurs républicaines de la nation française. On oublie aussi que les étrangers recevant la nationalité « américaine » prêtent serment d'allégeance à la Constitution des USA et qu'ils s'engagent à respecter les lois du pays. Leur différence reste dans ce que nous appellerions en France « la sphère privée ».

Affirmer nos valeurs est une manière de les montrer à ceux qui nous ont rejoints. Ce n'est pas mépriser les leurs. Ce n'est pas les rejeter, mais leur demander de s'intégrer à nous donc de les accueillir avec nous. Est-ce négatif de leur expliquer la laïcité, source de libertés et leur faire connaître les Droits de l'Homme qui sont aussi les leurs ? Ne doit-on pas leur dire que leur appartenance à la nation comporte aussi des devoirs ?

Peut-on croire que plier devant les provocations de certains fondamentalistes religieux soit productif ?... Il y a 10 ans personne n'aurait pu croire que des françaises se cacheraient entièrement sous une burqa. Cela existe aujourd'hui. Si l'on ne réagit pas au nom de nos principes républicains et de la dignité des personnes, croit-on que ce phénomène ne s'amplifiera pas ?...

Ne se rend-on pas compte que ces provocations sont concertées, qu'elles ne restent pas au plan individuel, que ce sont des coups de bélier dans notre société résultant de manipulations d'intégristes qui abusent la crédulité de croyants en situation de faiblesse, dans le silence des croyants modérés ? Ne se rend-on pas compte que ces provocations suscitent, elles, des réactions de rejet ? Elles font bien plus pour cliver les musulmans que l'instauration d'un débat pour faire émerger une identité républicaine commune à tous.

Il est vrai que des dérapages individuels se sont fait jour et qu'ils expriment une xénophobie implicite… qu'ils soient condamnés !... mais qu'on n'en prenne pas prétexte pour éviter de proclamer le consensus qui peut réunir, dans un patriotisme qui n'a rien de condamnable.

Je viens de lire la conférence d'E. Renan à la Sorbonne le 11 mars 1882. Elle avait pour thème « Qu'est-ce qu'une nation ? » Il y expose les différences entre des concepts que l'on a l'habitude de confondre et je ne peux pas résister à le citer :

« A l'époque de la Révolution française, on croyait que les institutions de petites villes indépendantes, telles que Sparte et Rome, pouvaient s'appliquer à nos grandes nations de trente à quarante millions d'âmes. De nos jours, on commet une erreur plus grave : on confond la race avec la nation, et l'on attribue à des groupes ethnographiques ou plutôt linguistiques une souveraineté analogue à celle de peuples réellement existants »...

« L'essence d'une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun et aussi qu'ils aient oublié bien de choses »… « la nation moderne est un résultat historique »… « La France est celtique, ibérique, germanique »… Le Français n'est ni un Gaulois, ni un Franc, ni un Burgonde »… « Les premières nations de l'Europe sont des nations de sang essentiellement mélangé »… « Une nation est une âme, un principe spirituel… possession en commun d'un riche legs de souvenirs… consentement actuel, désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire selon l'héritage qu'on a reçu indivis »…

Michelet, Lavisse, F. Braudel et beaucoup d'autres ont expliqué la formation de la nation française. Je ne veux pas faire acte d'érudition sur un sujet que d'autres, plus qualifiés, développeront mieux que moi.

Il y a longtemps que je me suis étonné que, à part la période de la Résistance face aux nazis, la gauche française ait toujours abandonné le patriotisme à l'extrême droite et à la droite... Sous prétexte de ne pas tomber dans le nationalisme on a abandonné le drapeau, la Marseillaise (hors épisode Chevènement)... tout en oubliant par ailleurs de plus en plus l'internationalisme des origines…

Je ne suis donc pas étonné de la timidité des partis de gauche, qui préfèrent refuser de parler d'identité et qui se réfugient derrière le risque de provoquer de l'islamophobie plutôt que de s'engager dans l'exaltation des valeurs que notre République laïque a permis de développer et qu'il est essentiel de préserver et de faire perdurer.

Raymond BELTRAN

Le 24 décembre 2009


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