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Illustration: L'agonie - richard gehenot
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L'agonie

(Version Intégrale)

Enregistrement : Audiocite.net
Publication : 2007-10-24

Lu par Ka00 & Fred
Livre audio de 26min
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Note de l'auteur : Je souhaite découvrir l'univers qui fait tant vivre votre imagination. J'adore la lecture... Histoire de voir, voyez dans lequel je voyage à chaque instant. Découvrez de courtes méditations sur les sentiments essentiels de l'existence humaine. Par moments mon monde imaginé bascule dans le chaos. Il renaît de ses cendres pour apporter une union de paix.

Illustration : http://commons.wikimedia.org/wiki/...9.JPG
http://commons.wikimedia.org/wiki/Image:Fiat_680.jpg


Richard Gehenot

numéro 6

Peu à peu, j'émerge des bras de Morphée, je me sens lourd et je n'arrive pas à clarifier mes idées. Je cligne les yeux.

— Où suis-je donc ? Je ne parviens pas à me le rappeler.

Il fait drôlement sombre, je ne perçois rien ne serait ce le scintillement d'une étoile, une étincelle. Rien, rien que du noir, ce noir où le clair-obscur est une hérésie au sein de cet univers.

Je parviens à tendre les bras, mes gestes me coûtent en efforts et je parviens difficilement à bouger.

— Que se passe-t-il donc pour que je ne réussisse pas à faire les postures les plus élémentaires ?

J'explore mon univers dans un premier temps de façon circulaire afin de saisir ne serait-ce qu'un objet qui me soit familier. Ma vue s'est adaptée, je perçois les formes tout autour. Je dois posséder une sorte de sens radar qui me permet de voir à travers mon cocon. Au-dessus de moi je sens comme une sorte de dôme. En dessous même chose,

— On dirait que je flotte entre ces deux parois, je ne repose sur rien. Effroyable ?

Au bout de plusieurs essais je parviens à briser le cocon m'entourant, je repose bien dans un oeuf. Etonnant, celui-ci est relié à une sorte de machinerie incompréhensible pour moi. Une lumière diffuse inonde progressivement ma prison.
— Qu'est-ce que c'est que ce bazar ?

L'oeuf brisé dans lequel je suis assis mesure environ deux mètres, pour une circonférence de quatre vingt centimètres.

— Comment puis-je deviner la taille de ce sphéroïde rien qu'en le regardant ? Et je sens qu'au fond de moi-même que c'est la dimension exacte. Cela doit-être l'effet du réveil, je fabule complètement.

Cette couche est reliée à une armoire métallique par son aspect. Elle mesure deux mètres cinquante sur un mètre de large pour une profondeur de cinquante cinq centimètres. Cette machine est étrange, son toucher est chaud et elle ronronne tout doucement. Comme si à l'intérieur un être vivant tapi attendait son heure pour sortir. Sur le sol il y a des dessins. Trois cercles entrelacés, de couleurs et de dimensions différentes. Un rouge et deux orange. Celui du centre étant plus grand on parvient à voir en son milieu deux êtres humains face à face les mains tendues vers le ciel, et en décor une pyramide avec une étoile en son sommet.

— Ciel j'ai dit ciel, ... (Mon regard cherche désespérément le plafond à la recherche de celui-ci.) — Où suis-je donc ?

Le paysage qui m'entoure est une nature morte de mauvais goût. Des murs lisses et d'une couleur grisâtre, un plafond jaune canari et sur le sol du sable fin comme à la plage avec cette dalle rupestre en sa périphérie. Mon univers est un cylindre de six mètres de diamètre avec au plafond un rond de lumière qui semble me narguer et me crier :

— Tu vois je suis là-haut et toi tu n'es qu'un ver de terre je domine ta vie, tu prieras chaque jour que tu puisses te rapprocher de moi pour t'offrir la clé qui te permette de sortir de cet endroit.

Mon désarroi est à son comble, je ne serai pas ce Roi légendaire de Corinthe, célèbre pour ses crimes. Il fut condamné dans les Enfers à faire rouler sur la pente d'une montagne un rocher qui retombait toujours avant d'avoir atteint le sommet

— Non tu m'entends je ne serai pas ton Sisyphe, je ne roulerai pas le rocher de ton indifférence éternellement afin de glorifier ton mysticisme. Par dépit et surtout par fatigue je m'écroule au sol essayant de canaliser mon désespoir vers l'apogée de mes espérances. A cet instant mon but dans l'existence sera de sortir de cette prison.

De nouveau j'émerge d'un long sommeil, combien de temps ai-je encore dormi ? Cela ne semble avoir aucune importance, cette prison n'a pas de représentation du temps qui s'écoule trop lentement à mon goût. Ma vie à chaque seconde qui passe s'en va de moi goutte par goutte et s'enfuit vers une spirale de mort. Je ressens que chaque pore de ma peau mon flux vital s'en va pour rejoindre le torrent du néant.

— Non ! Il ne faut pas que je reste là à me lamenter, il faut que je réagisse, bon sang !

— En premier lieu je vais explorer ce charmant studio.

A l'aide d'un morceau de métal que j'ai arraché de la cloison avec peine, j'ausculte les murs méthodiquement. Rien malheureusement ne répond mes appels. Comme je l'avais prédit, le mur à certains endroits est relativement friable. C'est très intéressant, je peux creuser dans celui-ci pour pouvoir mieux l'escalader. Déjà une voix moqueuse surgit d'en haut.
— Ah ! Ah ! Quelle idée grotesque, pourquoi t'acharnes-tu à vouloir t'échapper ? Tu es ici pour l'éternité, je suis ton geôlier et je parviendrai à dévorer toute parcelle d'humanité en toi afin que tu deviennes mon esclave. Tu deviendras un zombie !

— Non ! Ah ça jamais ! Tu m'entends espèce de tricératops à pédales ?

De colère je me lève et saisis la barre et frappe violemment l'armoire qui se brise en mille morceaux. Sous mes yeux ébahis, celle-ci se reconstitue. Les fragments sont animés de vie et recherchent automatiquement leurs vis-à-vis pour former une structure parfaitement uniforme sans trace de dommage. Je redouble de colère et frappe, frappe encore et encore. Plus je cogne et plus les morceaux se recollent, ne daignant plus tomber à terre. Après plusieurs heures d'efforts acharnés je m'écroule à terre pour pleurer de larmes de colère qui d'un coup m'étreint comme le rasoir du coiffeur coupant de très près le poil rebelle. Je ferme quelques instants les yeux et lorsque je les ouvre je remarque une table dressée avec des victuailles. Mon regard se tourne vers le haut mais la faim justifie les moyens. Pris d'une horrible faim je dévore les aliments avec avidité sans utiliser les couverts.

— Comment diable ce repas est-il venu ici, pourtant je n'ai vu personne l'apporter ? Il n'a pu ce matérialiser tout seul. A moins qu'il n'ait été déjà là et que je ne puisse le voir, c'est une possibilité folle alternative quand même. Il faut donc que j'observe mieux mon environnement afin d'y déceler une faiblesse.

Je lance avec force une cuillère contre le mur d'en face. Celle-ci contrairement aux apparences ne rencontre aucun obstacle et disparaît derrière celui-ci.

— Incroyable elle a disparu, évanouie de ce monde c'est pourtant si réel !

Je me lève et me précipite contre le dit mur. Fait ahurissant mes mains touchent et sentent une surface lisse et froide.

— Je crois deviner, mon cerveau par l'intermédiaire de mes yeux voit un mur et donc crée l'illusion d'une façade opaque et dure. Ma motivation pour sortir est la plus forte, ce qui explique le fait que la paroi soit friable à certains endroits, je dois donc pouvoir sortir facilement.

— Je souhaite qu'à cet endroit même s'ouvre à l'instant une porte que je vais allègrement franchir.

Déception aucune porte ne se dessine, on voit une brume osciller. Je tends un pied puis l'autre. Le mur est devenu mou.

— Allons, un peu de courage j'ai juste quelques pas à faire et on ne parlera plus de ce cauchemar.

Je traîne les pieds vers cette brume si étrange, synonyme de liberté, de griserie. J'y parviens avec difficulté comme si une partie de moi-même se refusait à quitter cet endroit. Il y a donc une dépendance qui s'est créée durant mon internement.

— Ca y est je réussis à soulever un pied puis l'autre.

De grosses gouttes de transpiration coulent sur mon visage ; cet effort est nécessaire. Mon corps enfin réussit à bouger et je franchis la brume grisâtre. Un froid intense me glace jusqu'aux os, ma vue s'habitue à cette obscurité lunaire. Je tourne la tête et je hurle de terreur.

Le paysan

Gustave du haut de son un mètre quatre vingt cinq domine sa cinquantaine bien passée. Il est assis sur un tracteur agricole accouplé à une charrue petite-petite-fille de l'araire.

Ce vénérable agriculteur laboure avec patience et simplicité en s'appliquant à effectuer des sillons parfait. Le but est d'aérer son champ d'où il a le secret espoir d'y faire naître la récolte du siècle. Le bruit incessant du tracteur a depuis longtemps détruit une partie de ses facultés auditives. L'homme s'en moque, le plus important dans la vie c'est de faire ce qu'il lui plaît. Même si c'est au détriment de la santé. Quelle importance cette usure journalière face à l'accomplissement de ce chef d'oeuvre ? C'est sa maxime préférée.

Gustave tourne la tête de droite à gauche, recherche dans l'espace fini de sa vision faiblissant une comparaison entre son travail et celui tout à fait impersonnel des robots labourant les champs voisins.

— Quels imbéciles ils ne savent pas la chance qu'ils ont de pouvoir labourer un champ et tout le savoir-faire qu'il faut mettre en oeuvre pour l'exploiter intelligemment.

— Je leur montrerai qu'il est possible de réaliser des sillons aussi droits que la ligne Maginot. Ce sera la réussite de l'année, du siècle pardi !

Passage après passage inlassablement le tracteur poursuit son périple à travers la glèbe d'où d'innombrables obstacles peuvent surgir du sol. Pierres, rochers et autres objets bizarres tels que des obus datant de la troisième guerre mondiale. Le métier d'agriculteur est devenu dangereux, l'emploi de machines autonomes indispensables.

— Dire qu'à tout moment je peux tomber sur une de ces saletés.

On dira après que le métier d'agriculteur est sans danger. Je leur montrerai qu'il est possible de cultiver cette terre sans danger malgré tout ce que peuvent dire ces technocrates.

Gustave continue inlassablement son travail dans son champ.

Le grand vide

Je me trouve face à un vide sans limites ; un tourbillon de matières translucides parcourt son centre. Instinctivement je m'accroche à la paroi, je suis terrorisé. Heureusement je trouve quelques points d'appuis qui me permettent de ne pas tomber et surtout de réfléchir à la situation dans laquelle je me trouve. J'exagère, je n'en mène pas large, je suis pour l'instant dans l'incapacité de faire quoi que ce soit. Effrayé je meurs de peur, je jette des regards de côté espérant trouver un réconfort moral. J'en viens à regretter l'espace cloîtré dans lequel je me trouvais précédemment.

— Allons respire tu ne vas tout de même pas rester ici planté toute la journée. Tu attends le bus ou quoi ?

Après un petit moment d'hésitation je parviens à respirer normalement et commence à analyser mon environnement. Une sorte de puits sans fond ni plafond (ou ciel) mais en fait constituer de rochers irréguliers, comme taillés dans le matériau même avec un marteau et un burin.

Le plus inquiétant est ce tourbillon qui semble me surveiller. Je remarque une chose, lorsque que je bouge il s'anime d'un mouvement de balancier et a tendance à s'approcher. Effet de mon imagination ou peur intuitive de chute mortelle ? Le plus énervant est ce bruit qui monte et qui descend.

— Dans quelle diablerie suis-je donc tombé ? Je crois que même le crime le plus horrible ne mérite pas un tel châtiment.

Je repose au bord d'une corniche tout à fait instable. Je commence donc à progresser le long de la paroi, je remarque qu'à quelques mètres de là il y a une petite ouverture d'une couleur jaune comme le soleil. Calme et agréable à regarder, serait-ce enfin l'issue de secours ?

Plaqué à la paroi je progresse petit-à-petit. De temps en temps j'émets un cri de frayeur, sous mon pied une partie de la corniche tombe dans le vide. Ce tourbillon n'est pas là pour arranger les choses, plus j'avance plus il s'anime d'un mouvement de va-et-vient et s'approche de plus en plus de moi. Au passage du cyclone je frémis, j'ai de plus en plus de mal à rester agrippé et ce bruit qui me casse les oreilles, quelle horreur. Une odeur d'essence brûlé empuanti l'air, j'ai la nausée.

— Encore un petit mètre et je serai libre.

Peine perdue, une bourrasque m'arrache à mon support et je suis entraîné dans le vide tournoyant de mon désespoir et pour la première fois de ma courte vie l'idée même de la mort me glace le sang jusqu'aux os. Tant de peine pour se retrouver ainsi ballotté au gré de cette dépression. Dire que la course peut se terminer en un fracas sanglant contre un rocher ou simplement en une aspiration verticale dans ce nuage puant qui mènerait vers l'asphyxie rapide et sans douleur. Mort en ce moment peut-être souhaitable. Je hurle de terreur et, pris de panique, je m'évanouis dans le néant de ma conscience.

La ferme

Gustave au sortir de son champ, prend le chemin qui mène à sa ferme. C'est une vieille bâtisse datant au moins de cent ans, juchée sur un monticule de rocailles, inintéressante pour les promoteurs. Dans le bas coule un petit ruisseau où l'eau tranquillement s'écoule vers une destination inconnue. Gustave s'arrête songeur devant sa propriété, comme il aime se l'entendre dire. Devant ses yeux fatigués, revient en sa mémoire toute une longue période d'économie pour obtenir enfin cette vieille ferme et ses dépendances. Il s'agenouille et arrache quelques brins d'herbes qui commencent à pousser entre les fissures d'un béton déjà vieillissant. Le calme et la tranquillité règnent dans cet espace dégagé. Il n'y a que des forêts aux alentours conférents à cette ferme un calme absolu.

— Pourvu que l'on ne vienne jamais me déranger, même avec cette misère apparente je suis vraiment l'homme le plus riche du monde.

— Je dois avouer que pour obtenir des pièces de rechange et du ravitaillement il faut longtemps mais je me sens bien.

Le temps passe, le soleil disparaît à l'horizon terrassé par le dragon des ténèbres. La bataille n'est pas terminée, demain il reviendra plus majestueux et vainqueur. Et un autre combat s'annonce. La nature est vraiment correcte ni de gagnant ni de perdant, le juste équilibre des forces qui permettent de vivre en bonne harmonie avec la nature. Sur cette agréable pensée, Gustave se relève en embrassant du regard sa propriété.

Au paradis

Pas un bruit, seulement une brume où je flotte dans un bien-être reposant.

— Est-ce cela l'image de la mort ? Je suis au paradis je me sens bien.

Son corps émet tout à coup un formel démenti, des messages de douleurs arrivent de partout.

— Où suis-je donc tombé ?

Je lève les yeux, je ne reconnais en rien ma dernière prison. Le tourbillon de fumée à disparu.

J'aperçois toujours la structure du puits, sauf que tout en haut je vois un rond de lumière. J'escalade la paroi et continue à monter. Plus je me rapproche du sommet plus je sens de la chaleur se dégager.

*

— Maudit tracteur il tombe toujours en panne au mauvais moment !

En effet Gustave au milieu de son champ tire rageusement sur le démarreur, le moteur reste impitoyablement muet. Pourtant la soirée d'hier s'était admirablement bien terminée.

Après cet instant de joie qui l'a étreint il a rangé son matériel méticuleusement dans le hangar. Puis aussitôt il est rentré dans son havre de paix. Célibataire depuis toujours, il a réfléchi plusieurs fois avant de refuser les avances de quelques jeunes filles. Lui n'est pas un mauvais parti, les filles à l'académie disaient même qu'il était "beau gosse".

Il préfère la solitude avec son éternelle remise en cause, la sempiternelle question : ai-je fait le bon choix, l'existence de reclus que j'ai choisi mène-t-elle vers la véritable liberté ? Navigant dans les méandres du destin cherchant à chaque étape la réponse à mes craintes, mes angoisses...

— Pour l'instant l'angoisse qui m'accapare le plus au monde est ce maudit tracteur qui ne veut plus redémarrer.

Gustave descend de l'engin et enlève prestement le capot. Les organes rougissants de la machine sont mis à nu, dévoilant sans pudeur la saillie de leurs cylindres et où se forment les gaz de combustion, ceux qui fournissent la force expansive agissant sur le mécanisme. Gustave d'une main experte réalise quelques tests de recherche de panne. Nettoyage consciencieux des bougies, vérification méthodique de chaque gaine et câble d'alimentation. Un sourire vainqueur éclaire le visage de Gustave, ses yeux se braquent sur le tuyau d'arrivée de gazole. Celui-ci offre un petit trou presque invisible à l'oeil nu, on remarque que le carburant perle à la blessure.

— La réparation sera rapide, et hop ! Voilà qui est fait.

Au moment de refermer le capot, Gustave remarque un scintillement au creux des garnitures protégeant les courroies. Sa main tel un météore saisit l'objet du délit.

— Une cuillère ! Comment diable cet objet a-t-il pu venir ici ?

Il l'observe avec minutie, pas banal ce couvert flambant neuf sorti de l'emballage, ne portant aucune marque ni aucun numéro de fabrication d'usine, comme ces industriels aiment si bien faire. Avec indifférence Gustave jette par-dessus son épaule l'objet. Il tombe et vient mollement s'enfoncer dans la terre glaise. Petit bruit mat aux oreilles de l'homme, cataclysme destructeur pour l'insecte qui est proche. Que ressentirait-on si un immeuble de douze étages venait s'écraser au sein de l'une de nos plus grosses agglomérations ? Catastrophique tel est le mot.

La cuillère, aux yeux de la fourmi, s'élève majestueusement creusant un cratère de plusieurs centaines de mètres de largeur et de profondeur. Ici quelques secondes auparavant se déroulait la "fourmi-route" qui mène vers la fourmilière. Contrairement à tout objet venant du ciel celui-ci rapetisse à une vitesse incroyable. La fourmi ouvrière habituellement indifférente à ses objets extra-terrestres lève vers la cuillère ses antennes et cherche à comprendre à travers l'ébauche d'intelligence de son cerveau la compréhension de ce phénomène. Il se crée un nuage de vapeur et l'objet se désintègre ne laissant que le trou béant. La fourmi comme à regret reprend son travail routinier et a déjà oublié l'incident.

*

Une secousse sismique ébranle l'ensemble de l'édifice que j'escalade, des craquelures se forment à divers endroits, dont une sous mes pieds. La chute se fait dans le silence, mes mains désespérément essayent de s'agripper à la paroi. Je ne réussis pas, je m'écorche les doigts.
Je ferme les yeux dans l'attente de ma mort prochaine. J'entre en contact avec un liquide froid et visqueux.

— Pouah ! Quelle odeur infecte, c'est huileux en plus.

Un glouglou bruyant se fait entendre, je tourne la tête et je vois un siphon se former où sont aspirés des centaines d'hectolitres à la seconde. Comme je l'ai prévu inexorablement je suis entraîné vers cet abîme.

— Je tombe vraiment de Charybde en Scylla, qu'ai-je donc fait aux dieux pour mériter tel châtiment ?

Je retiens mon souffle et disparais. Au milieu du tourbillon je remarque un tunnel fortement éclairé. Par un heureux hasard j'arrive à la surface de ce torrent souterrain.

— Heureusement que le niveau n'atteint pas le plafond !

Je surnage péniblement avec une affreuse angoisse de non-retour.

Au loin j'aperçois une faille d'où pendent des lianes. Je les agrippe à temps, la résurgence de ce fleuve n'est qu'à quelques mètres de là, et qui peut savoir où ce Styx aboutit ? Sur les faubourgs de l'enfer et autres diableries. Je puise dans mes dernières forces et parviens à me hisser. Une plage de sable fin accueille mes premiers pas. Je m'effondre de fatigue et m'endors rapidement et je n'ai pas le temps d'entendre ce bruit sinistre et intolérable qui soudain s'élève.

*

Gustave tourne la clé et victorieusement le moteur se remet en route. Il embraye la machine agricole. Les rouages se mettent en branle et continuent leur travail. Gustave sourit à ce bon fonctionnement et joyeusement continue son activité. En deux heures c'est terminé, content de lui, il a battu un record malgré la panne. Il entreprend de regagner son logis quand, de nouveau, le moteur donne des signes de fatigue, hoquète et dans un dernier soupir et s'éteint.

— Mince que se passe-t-il encore ? Veux-tu te remettre en route bon sang de machine à la graisse de cabestan !

Rien n'y fait, pas même les incantations ni les insultes de Gustave. Le tracteur reste sourd à toutes ses invectives.

Un coup bien assujetti donne l'impulsion nécessaire à l'ouverture du capot. Cette fois sans voyeurisme, sans volonté de choquer et avec retenue, le moteur se cache derrière une nappe brumeuse : symbole de sa dernière résistance à toute pénétration infectieuse. Gustave bat des mains pour chasser les volutes de fumée. La surface motorisée se dégage et apparaissent enfin les organes de leur capot protecteur. Un souffle brûlant sort d'une partie précise du moteur suivi d'un bouillonnement caractéristique. Une Durit d'eau rompue, panne facilement réparable si on dispose de la pièce de rechange. Gustave en dispose d'une à proximité dans son coffre à outils.

— Fort heureusement, j'ai toujours sous la main de quoi pallier à tout manque, vu l'isolement dans lequel je me trouve.

— Pour renouveler l'eau du radiateur il suffit que je puise dans le ruisseau qui coule au pied de mon champ. Cela tiendra jusqu'à ce que je revienne à la ferme et la remplace par du liquide de refroidissement classique.

*

Les particules de fer contenues dans "l'huile moteur" s'animent d'une vie propre et s'activent à la recherche du prisonnier qui s'est échappé. Chaque recoin est soigneusement visité, perdre l'étincelle qui engendre la vie signifie la perte pure et simple de toute existence. Les défenses s'organisent, le flux vital s'écoule par une fissure. Les gaz de combustion adoptent des formes fantomatiques pour faciliter tout déplacement. Les soupapes soupirent de crainte, sentant la mort proche. Tout cet ensemble ne peut ainsi disparaître.

Mon réveil est provoqué par un cliquetis, je me lève prestement et oh ! Miracle sur cette plage juste au bout de l'allée un trou baignant dans une lumière vive.

— Enfin je vais être libre, libre après tous ces siècles d'asservissement et d'emprisonnement. Pourtant à chaque fois que j'essayais de m'évader on me reprenait pour m'enfermer dans cette horrible cellule, le destin m'a aidé, ils ne peuvent combattre à la fois les attaques extérieures et mes évasions.

Je cours vers la lumière salvatrice, bonheur inéluctable, calme et reposant. Un tentacule puis deux se déploient et me saisissent à la cheville. La force utilisée n'est pas aussi importante que d'habitude. D'un coup sec je brise mes chaînes et parviens à me libérer. En un seul bon je franchis le mur de lumière...

*

Gustave puise l'eau dans le ruisseau, une explosion retentit ; des débris volent autour de lui et fort heureusement ne l'atteignent pas. Devant ses yeux effarés le tracteur a cessé de vivre, il a explosé. Tristement Gustave enlève sa casquette et pense à la nuit blanche qu'il va passer à remplir les papiers pour l'assurance. Ne pouvant penser qu'il a assisté à l'agonie de tout un univers.

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