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Illustration: Enfin Seul - Octave Mirbeau

Enfin Seul


Enregistrement : Audiocite.net
Publication : 2013-10-09

Lu par Alain Bernard
Livre audio de 10min
Fichier mp3 de 8,6 Mo

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Photo: d_après: zoospay.perso.sfr.fr

Musique : Ouverture du Barbier de Séville Licence Musopen


Enfin, seul ! Je possède un oiseau très bizarre. Il s'appelle Nicolas. Et voilà pourquoi. Comme j'avais convoqué une assemblée internationale - d'aucuns disent congrès - de très savants ornithologistes, pour déterminer l'espèce de ce volatile inconnu, l'un de ces hommes de science déclara : « C'est un ignicolore. » La femme de basse-cour qui assistait à la réunion entendit : « C'est un Nicolas ! » Et aussitôt, elle alla, par le village, colporter la bonne nouvelle : « C'est un Nicolas !... c'est un Nicolas ! » Et le nom resta à l'oiseau. Ainsi se propagent les erreurs et les mensonges dont vivent les hommes. Car ce n'était pas un ignicolore, comme vous le pensez bien, et comme vous le verrez par la suite de cette véridique histoire. Une matinée, j'avais vu cet oiseau dans le jardin, mêlé aux moineaux et aux pinsons, avec qui il semblait faire bon ménage. C'était un admirable oiseau, d'un jaune resplendissant. Il avait un bec puissant et terrible, la tête et le col d'un noir de velours ; deux petits yeux rouges, pareils à deux petites perles de corail. Il était de la grosseur d'un jeune merle. D'où venait-il ?... Ah ! voilà ! Bien que je ne sois pas savant en ornithologie, je jugeai tout de suite que cet oiseau n'était point de nos pays. Rien qu'à sa parure trop éclatante, et comment dirai-je ? - rastaquouérique, il n'y avait pas à douter qu'il fût étranger. À sa familiarité, à ses allures peu farouches, quand je m'approchais de l'arbre où il perchait, il n'y avait pas non plus à douter qu'il se fût échappé d'une volière. Naturellement, j'avais d'abord songé à lui tirer un coup de fusil. La première idée qui vous vient devant une chose belle et que l'on ignore, c'est de la détruire. Et puis, pour un Français vraiment patriote, et qui, chaque matin, lit avidement Le Petit journal1, d'être étranger cela ne constitue-t-il pas, même pour un oiseau, le plus grand des crimes, tout au moins la plus ineffaçable des tares ? Je réfléchis, en outre, ayant remarqué la courbe décriée de son bec, que cet oiseau pouvait bien être juif (où la juiverie ne va-t-elle pas se nicher ?)... Mais les oiseaux ont d'autres idées que nous... Ils entendent le patriotisme à leur façon et ils ne savent pas encore toutes les beautés de l'antisémitisme... Ce sont des personnages peu cultivés, en somme. Ceux de mon jardin avaient accueilli l'ennemi, sinon avec amitié, du moins avec déférence... Ils lui laissaient partager leurs ébats dans les marronniers et manger aux mêmes baies mûres. « Après tout, ça les regarde ! » me dis-je. Et je pris le parti de faire comme avaient fait mes moineaux et mes pinsons, et d'accepter cet étranger dans le jardin... Que voulez-vous ? Je ne suis pas un héros. Journal alors républicain, conservateur et antidreyfusard. L'automne approchait, un automne pluvieux et froid. Et voici que le pauvre Nicolas devenait frileux, triste et abandonné. Les oiseaux de passage étaient partis. Il n'y avait plus de huppes, plus de loriots, plus d'hirondelles. Presque toute la journée, il restait perché sur une branche d'acacia, enflant ses plumes ternies, le dos rond, comme ces poitrinaires, dans les hospices, qui viennent caresser, aux rayons de leur dernier soleil, leur toute prochaine agonie. Je pensai que Nicolas était, sans doute, un exilé des pays chauds, un oiseau de soleil et de lumière, et que l'hiver allait le tuer, l'horrible hiver, tuer de petits oiseaux. Que faire pour lui trouver un abri pendant la mauvaise saison ? À force d'astuce et de patience, je le capturai et je l'installai aussi confortablement que possible dans une vaste cage, pourvue de tout ce dont a besoin un oiseau moderne. Et, aussitôt, il redevint joyeux et brillant. Et il se mit à chanter, à chanter !... Oh ! ce chant ! Je n'oublierai jamais l'impression qu'il me fit. C'était un chant étrangement rauque, guttural et pourtant sonore ! Cela tenait de la flûte, du tambour, de la locomotive, des grincements de porte !... Un chant de guerre ou de scalp, comme en ont les sauvages de l'Afrique et les anthropophages de l'Australie, un chant de nègre, pour tout dire sans réticence !... Car il n'était pas juif, cet infortuné Nicolas, il était nègre !... On n'en pouvait plus douter... Mais j'ai déjà, il me semble, raconté quelque part ces choses passionnantes et mystérieuses, et comment il advint qu'une fois en cage Nicolas se mit à construire, avec des brindilles de raphia et des bouts de ruban, des monuments extraordinaires et compliqués, et comme les architectes blancs en construisent, à l'époque des Expositions universelles. Des années se passèrent. Nicolas butinait et chantait. Je ne veux pas revenir sur des particularités très intéressantes que j'ai relatées jadis et qui m'ont valu des correspondances actives avec les plus vieilles demoiselles et les plus savants naturalistes du globe. L'été, je donnais à Nicolas la liberté - ou presque - dans une magnifique volière où poussaient quelques cépées de chêne et de coudrier, ce qui lui procurait l'illusion de forêts profondes. L'hiver, il réintégrait sa cage, où il se livrait à toutes sortes d'architectures, et où il chantait comme un perdu. Et tout allait ainsi le mieux du monde. J'ignorais toujours ce qu'était Nicolas. En vain, j'avais interrogé d'universels savants et les plus extravagants d'entre les explorateurs centre-africains ou extra-tibétains. Ils ne savaient rien. Le prince d'Orléans [Henri d'Orléans (1867-1901), explorateur.] prétendait que c'était une espèce de serin - sans doute le serin constructor... Mais il ne pouvait l'assurer. Je commençais à croire que Nicolas n'était pas un oiseau, mais bien une fée, quand, tout dernièrement, j'appris du général Archinard - on ne s'avise pas de tout - que Nicolas était un « tisserand cape de More », que c'était très bon à manger, et qu'au Sénégal, d'où cet oiseau était originaire, ledit général en avait mangé qui étaient aussi succulents, et d'un aussi agréable fumet, que de jeunes nègres. Et voici ce qui arriva. Dès que je sus quelle était, enfin, l'espèce à laquelle appartenait Nicolas, je n'eus de repos que, par une manie de vieille femme ou de curé, je ne lui eusse donné une compagne, ainsi que Dieu aima Adam, dans le paradis terrestre, s'il faut en croire la Genèse... Mais si les tisserands mâles sont rares, les femelles le sont bien plus encore. Je m'adressai à tous les marchands d'oiseaux de l'Europe, sans succès. On n'en avait plus depuis longtemps. Peut-être le général Archinard les avait-il toutes mangées ! Enfin, il y a un mois, j'en reçus une d'Anvers. Elle paraissait sémillante et fort jolie, jeune à souhait, et coquette à miracle. -Heureux Nicolas ! dis-je. Et j'introduisis la jolie oiselle dans la cage. Mais, à ma grande stupéfaction, Nicolas manifesta une vive colère. Il hérissa ses plumes, et son oeil rouge devint violet. Puis, il se précipita sur sa compagne qu'il bourra de coups de bec furieux. Je crus d'abord qu'il allait la tuer. La pauvre petite, qui s'attendait évidemment à un autre accueil, voletait dans la cage pour échapper aux brutalités de Nicolas, et se meurtrissait les ailes aux barreaux. Puis, le premier moment de colère passé, Nicolas devint nettement méprisant. Il affecta de ne pas la voir, de ne pas même savoir qu'elle était là, et il lui tourna le dos. Ils vécurent ainsi durant quinze jours. Elle n'osait plus bouger, et c'est timidement, avec toute sorte de ruses et de détours, qu'elle allait manger son chènevis et son mil. Lui ne chantait plus. Morose et triste, ou plutôt honteux, il ne quittait jamais son perchoir, où il restait immobile, le dos rond et les plumes bouffantes. Et il ne chantait plus, s'obstinait à ne plus chanter, quand, par hasard, elle s'approchait un peu trop près de lui, d'un coup sec, sans bouger de place, il lui donnait du bec dans la tête, affectant, même en cette correction, de ne pas la regarder. Et je sentais son petit regard rouge sur moi, son petit regard chargé de reproches, et qui semblait me dire : -Ah ! tu veux que je chante !... Eh bien jamais plus je ne chanterai ! Je fus obligé de lui retirer cette jolie femelle, car il dépérissait, ne mangeait presque plus, oubliait d'aiguiser son bec et de prendre son bain quotidien !... C'est aujourd'hui que je me suis décidé à ce divorce. Et quand j'eus refermé la porte de la cage, et que Nicolas eut compris qu'il était, enfin, seul, alors il entonna un chant de victoire, plus étrangement rauque et guttural que jamais. Et, parmi des danses inouïes, des bamboulas désordonnées, ce chant qui tenait de la flûte, du tambour, de la locomotive, du grincement de la porte, du déchirement de la toile, se prolongea, sans un arrêt, jusqu'au soir...



Commentaires :


Message de A A

Bonjour, je ne connaissais pas cet auteur, le contenu de l'extrait reflète un caractère un tantinet méprisant "pour certaine peuplade évoquée" mais très courant pour son époque !! Après recherche, il est connu pour être un grand auteur de la littérature française ! Tout est question de nuance mais vaut mieux en être averti !


Message de Musardeur

Il me semble que vous avez gagné en qualité de lecture et d'enregistrement. Mais ne pourriez-vous regrouper tous ces contes dans un même recueil (dossier).
En tous les cas, merci beaucoup Alain.


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