Poème. D'aimables gens invitent un naufragé chez eux, ils lui offrent avec grande générosité l'hospitalité.

"Entrez dans cette maison, et écoutez ce que vous contera Maurice de Faramond." lili

 
AU SUJET DE L'HOSPITALITÉ

Un Habitant des Iles s'exprime ainsi :

Ma maison est comme un visage avec des yeux,
L'Aurore est sur le seuil assise à t'y sourire,
Entre au dedans de ma maison et sois joyeux,
Etranger, si Neptune a brisé ton navire,

Mes fils nombreux avec la hâche et le marteau
Feront saigner le bois amer de ce côteau ;

Et Lycimnie à la chevelure marine
Pour te verser de sa hanche un vin fleurissant
Détournera le fils pendant à sa poitrine,
En ce verger, où chaque soir le ciel descend,

Afin que la beauté de l'Epouse et sa grâce
T'introduisent d'abord à l'orgueil de ma race ;

Inconnu de la mer, entre dans ma maison,
Mes filles, dont chacune brille dans le nombre,
Réservèrent pour toi les fruits de la saison ;
Elles te ménageront la lumière et l'ombre,

Tandis que pour bâtir le plus beau des vaisseaux
Les muscles de mes fils couleront en ruisseaux ;

Long sera le labeur, et ma maison heureuse,
Vingt visages iront au-devant de tes yeux,
Et le miel sera doux, la treille ténébreuse,
Le lit toujours paré pour que tu sois joyeux,

Et tu pourras t'enfuir sans payer de salaire,
Mes filles ne seront pas lasses de te plaire,

L'Océan gémissant leur froissera le sein,
Et Lycimnie aura ton fils à la mamelle,
Et dès lors ma maison, comme après un larcin,
Vaccillera muette et morne, et moi comme elle ;

Qu'importe ! Entre dans ma maison, jeune Inconnu,
Nous te remercierons encor d'être venu.

Maurice de FARAMOND

 

Poème extrait du livre "Le Livre des odes" de Maurice de Faramond de Montels (poète et dramaturge français 1862-1923).

 

Illustration : Pixabay
Source: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54577495/f64.item.texteImage